Paris 13 novembre : Union sacrée, état d’urgence, fascismes religieux – « Nous avons aujourd’hui le devoir de défendre une société de libertés contre tous ceux qui chercheront à les remettre en cause

vendredi 27 novembre 2015.
 

L’union sacrée est une défaite de la pensée

Il est normal et juste que l’Etat montre sa détermination face à l’ère de ténèbres, que le Président préside, que le gouvernement gouverne, que les institutions fonctionnent. Il est normal et juste que le Congrès puisse se réunir, que le Président se concerte avec les forces politiques, vienne auprès des victimes, organise la riposte à l’horreur. Mais pour que la société puisse se défendre, elle doit comprendre, mettre des mots sur les événements. Et ces mots ne peuvent se réduire à ceux de la feuille de route du président de la République, fut-elle rebaptisée « Union Sacrée ».

L’Histoire nous prouve que l’Union Sacrée a toujours été utilisée pour amener la gauche à se soumettre à la logique de guerre de la droite. Le premier à mettre en œuvre ce « concept » politique, fut le président Poincaré, le 4 août 1914, au lendemain de l’assassinat de Jean Jaurès qui s’opposait à la guerre, pour en appeler à l’union de tous les partis et lancer la France dans la guerre contre l’Allemagne. On sait ce qu’il advint : une génération fauchée par les marchands de canon. En Mars 1956, L’Union Sacrée vote les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, pour lutter contre le FLN algérien. C’est la guerre d’Algérie. L’Union Sacrée n’est qu’un stratagème qui a pour but de dissimuler les désaccords de fond au sein d’une société et de faire passer le projet d’une République sécuritaire.

Personne, ici, ne nie la nécessité de répondre au défi lancé par l’Etat Islamique. Ces morts, nos morts, qui venaient faire la fête, écouter de la musique, regarder un match, se sont retrouvés victimes d’une guerre qu’ils croyaient lointaine. Mais la guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens. Et la guerre, nous la faisons depuis quinze ans. D’abord en Afghanistan, puis sur d’autres théâtres d’opérations, comme la Libye, le Mali, l’Irak et la Syrie. Ceux à qui nous faisons la guerre ripostent à leur façon, asymétrique, face à nos bombardements, à nos drones, à nos assassinats ciblés. Ils l’ont d’ailleurs dit eux mêmes, avec leurs mots et avec leurs balles, au Bataclan, vendredi soir. C’est la loi de toute guerre.

Si nous sommes en guerre, comme le dit le Président de la République, alors soit, mais identifions l’ennemi. Cet ennemi, c’est l’islamo-fascisme, c’est-à- dire un fascisme religieux, qui se réclame de l’Islam mais qui n’a rien à voir avec la tradition musulmane et même, oserais-je dire, avec l’islamisme politique. Il est le produit de la fusion entre le fanatisme religieux et une barbarie occidentale, le national-socialisme, dont s’est largement inspiré, dès son origine, le parti Baas, puis Al Qaïda en Irak. Ce dernier a été influencé par un prédicateur, Sayyid Qotb, mort en 1960, qui avait rompu avec les Frères musulmans sur un point capital : Il ne voulait plus faire de compromis avec toute souveraineté, même celle d’un Etat musulman. Pour lui, tout individu devait obéir et appartenir à Dieu, comme dans le nazisme, tout aryen devait appartenir au Führer. Cette théorie a plusieurs conséquences : la destruction de tout corps intermédiaire, de tout espace public et privé, de tout parti, syndicat ou association qui n’est pas soumise à la seule loi non écrite de la Charia. C’est un courant idéologique et politique transnational, qui agit avec méthode, qui se pense comme Califat à vocation mondiale. Daech, l’Etat Islamique, ce monstre à la confluence du Moyen-Age, du totalitarisme du 20e siècle et des réseaux sociaux du XXIe, en est l’incarnation. Nous avons affaire à une organisation politico-militaire à vocation terroriste planétaire, dotée d’un projet politique, qui se pense comme telle. Elle possède une armature idéologique structurée, dispose de sa propre agence de communication, construit un Etat, lève des impôts, mobilise des dizaines de milliers de soldats, entretient depuis près de 18 mois des milliers de fonctionnaires dans un territoire comprenant la moitié de la Syrie et de l’Irak…

Dès lors, c’est un contre-sens de s’acharner à vouloir essentialiser ses membres comme « musulmans » ou « fous » ou « jeunes des quartiers ayant des problèmes », même s’ils peuvent présenter ces caractéristiques et bien d’autres. Mais quand ils agissent, c’est avant tout comme des militants fascistes religieux. Et ils doivent être combattus et défaits comme tels.

Tandis que nous tentons d’affaiblir l’Etat Islamique (et non Daech, acronyme qui ne lui donne pas son véritable nom en arabe), par des moyens militaires, il s’en prend à nos seules vraies défenses que sont nos libertés et essaie de nous déstabiliser. Rappelons nous que, il n’y a pas si longtemps, la guerre du Vietnam n’a pas été perdue militairement par l’armée américaine mais parce que cette guerre avait perdu sa légitimité auprès du peuple américain.

Ce que l’EI tente d’affaiblir, c’est notre cosmopolitisme. En janvier, avec Charlie, leur cible était la liberté d’expression, la liberté de penser des dessinateurs, des journalistes et, en même temps, une tradition française, née de la lutte contre le despotisme en 1789. Les juifs aussi, incarnation, avec l’esprit diasporique, de ce « Tout Monde » dont parle le poète Edouard Glissant. Le cosmopolitisme toujours. Le cosmopolitisme insurgé des villes rebelles comme Paris, ce Paris de la Commune, des MOI, de la résistance à l’oppression, des barricades de 1830 à 1968, ce Paris métissé, qui est notre véritable ligne de défense contre le fascisme religieux.

L’EI peut être vaincu, mais à condition de ne rien lâcher sur nos valeurs, nos principes, nos convictions. Ce n’est pas en stigmatisant un peu plus les musulmans, en prenant des mesures inefficaces et discriminatoires que l’on combat le fascisme. Au contraire, on va dans le sens de l’EI, qui cherche à faire des musulmans un bouclier humain.

L’EI peut être vaincu, mais pas avec les méthodes que les Etats-Unis et la Russie utilisent depuis deux décennies, de l’Irak à la Tchétchénie.

La politique d’intervention militaro-humanitaire, ça n’a pas marché. Les interventions au sol ou dans les airs, ça n’a pas marché. Les assassinats ciblés, ça n’a pas marché. Avec leur commande des massacres à distance, les drones sont d’ailleurs la politique inversée de Daech. Ceux qui tuent à des milliers de kilomètres et commettent une bavure contre un mariage ou une fête rituelle, ou un hôpital de MSF en Afghanistan, ressemblent aux commanditaires des attentats de Paris. Ils tuent avec leur bonne conscience… Et produisent en retour des monstres. La seule chose qui a fonctionné jusqu’à présent, c’est la résistance kurde en Syrie et en Irak. Parce qu’elle est l’œuvre du peuple, qui résiste seul sur place. Parce que, depuis Kobane, les brigades de l’Armée Syrienne Libre se joignent à elle. Parce qu’elles ne dépendent pas du seul jeux des puissances mondiales ou régionales, arc boutées sur la défense de leurs seuls intérêts d’Etat.

Nous avons aujourd’hui le devoir de défendre la société, une société de libertés, contre tous ceux qui chercheront à les remettre en cause, à les rogner, une société d’égalité pour tous contre tous ceux qui discrimineront en fonction de la couleur de peau, de la religion, du sexe… Une société de fraternité et de solidarité.

Nous sommes en guerre, certes, mais ce n’est pas une raison pour sombrer dans le renoncement à ce qui est le sens même de nos valeurs. Le « pacte sécuritaire » qui nous est proposé, n’est qu’une habile triangulation pour faire avaler à la gauche la camelote de la droite : état d’urgence prorogé de trois mois sans explication, et éventuelles modifications profondes décidées dans l’urgence de l’émotion, interdiction des manifestations, approbation du principe de déchéance de la nationalité, expulsions massives, régression de l’Etat de droit par la constitutionnalisation d’un Patriot Act à la française… Ce n’est rien d’autre qu’une logique de guerre intérieure permanente qui nous est imposée à la faveur du massacre du vendredi noir. Elle n’en sera pas plus efficace pour autant. Notre besoin n’est pas de banaliser le tout sécuritaire, mais de renforcer les moyens de renseignement et de contre terrorisme, de justice et de police sur le terrain, de faire moins d’esbroufe pour faire croire que l’on protège la population et plus d’infiltrations et d’asséchement des réseaux, plus de politique internationale et moins de vente d’armes à des régimes qui encouragent, de fait, l’insurrection djihadiste.

Une dernière remarque, cet événement nous aura appris au moins une chose : nous savons maintenant ce qui pousse des femmes, des hommes, des enfants, à risquer leur vie en traversant la méditerranée et à errer de murs en murs à travers l’Europe. Ils ont les mêmes visages que ceux qui ont été assassinés lâchement au Bataclan ou rue de Charonne, vendredi soir, mais ils en ont connu des dizaines chez eux. Ce n’est pas la France qui est touchée, c’est l’humanité que l’on assassine à Paris, à Alep ou ailleurs. C’est nous. La seule Union Sacrée qui vaille, c’est celle de l’humanité blessée, qui doit oser se révolter contre la barbarie.

Noël Mamère

Le 17/11/2015.

La Génération Bataclan contre les forces de la violence et de la mort

Déclaration de la coopérative politique d’intervention transpartidaire Ecologie Sociale après les attentats du 13 novembre et le vote de la loi sur l’Etat d’urgence par 551 voix contre 6 dont les trois députés du Groupe écologiste , Sergio Coronado, Noël Mamere et Isabelle Attard.

1. Contre la dictature de l’émotion, politiser le débat.

Une génération a découvert la guerre le 13 novembre 2015. Déjà frappée par la précarité, le chômage, la crise écologique, cette génération cosmopolite subit les conséquences d’une guerre qui lui est imposée. Elle sera marquée pour toujours par cette expérience tragique. En sortant de l’insouciance mais en continuant à vivre, à fêter, à rire, à s’amuser, elle a besoin non de théories du complots, ni d’injonctions de l’Etat mais de produire son propre récit, de libérer sa propre parole. Cette génération, nous le savons se défie des politiciens. Elle a raison mais la politique ce n’est pas le jeu de rôles de ceux qui se partagent la scène publique. Nous avons le devoir de repolitiser le débat en donnant une grille de lecture permettant de comprendre, d’analyser, de contextualiser les événements tragiques qui vont constituer l’avenir de la génération Bataclan. LA BFMisation de la vie politique réduit l’événement à un flux continu d’images qui se succèdent. les réseaux sociaux sont soumis à la rumeur. La génération Bataclan a un urgent besoin de comprendre quels sont les forces en jeu, quels intérêts elles défendent, comment les affronter.

2. Cette guerre est l’expression du chaos géopolitique du monde, entraîné par la mondialisation des crises financières, sociales, climatiques, écologiques qui ont entrainé le démantèlement de dizaines d’Etats nations notamment dans le Sud.

Ce chaos géopolitique a été rendu possible par la dérégulation mondiale qui a entrainé les entreprises transnationales à s’affranchir de la tutelle des Etats nations. C’est par ce biais que se sont introduits les nouveaux fascismes identitaires, encouragés par les guerres et ces interventions militaires de l’occident en Afghanistan, en Irak, en Lybie et en Afrique. Ces monstres se sont enfermés dans une logique identitaire de fermeture totale aux autres, à tous les autres. L’apartheid n’est pas réservé aux puissants. Il peut être également le refuge de ceux qui prétendent se protéger en combattant l’exclusion par l’exclusion. Le chaos géopolitique c’est la guerre de tous contre tous. La guerre précède la politique. Attisés par les interventions impérialistes des coalitions des grandes puissances, la guerre prend la forme dans les zones grises du monde de guerres liées à des maffias, de guerres identitaires, de guerres « vertes » liées à l’eau, au climat, au contrôle des ressources. Dans ce contexte les grandes puissances à l’instar notamment de la France qui s’en vante multiplie les ventes d’armes accélérant la désagrégation des Etats rendus plus faibles par les politiques de la Banque mondiale, du FMI et de l’OMC. Les attentats de Paris ne sont que l’effet de boomerang de ce chaos géopolitique. Feindre de ne pas le voir donne la mesure de l’irresponsabilité des dirigeants qui sont des pompiers – pyromanes dans la lignée des néoconservateurs américains.

3. Identifier l’ennemi djihadiste.

L’islamo-fascisme est actuellement le plus dangereux des nouveaux fascismes. Nous le qualifions ainsi parce qu’à l’instar du fascisme, il cherche à détruire toutes les organisations démocratiques, politiques, syndicales, associatives, tous les corps intermédiaires, qu’il s’attaque pour les exterminer à des groupes humains entiers (juifs, chrétiens, yézidis…) , qu’il cherche à créer un homme nouveau, obéissant au Calife, seul intermédiaire avec Dieu. L’instauration de cet ordre nouveau sur Terre est la justification ultime qui lui permet en répondant à la crise de sens d’une partie de la jeunesse occidentale comme de celle des pays arabes, africains et européens, de mobiliser des ressources humaines jusqu’au sacrifice.

Les terroristes qui se font exploser parmi nous ne doivent pas être essentialisés, comme des fous, voyous ou musulmans, même si parfois ils peuvent être les trois à la fois. L’essentialisation c’est toujours la porte ouverte à l’engrenage de l’amalgame. Ce courant n’est pas plus religieux qu’il ne relève de l’islamisme politique traditionnel. Le fascisme religieux de l’Etat Islamique a des caractères spécifiques qui le différencient de toutes les autres composantes de l’islam. Ce courant est le produit de la fusion, suite à l’intervention militaire anglo - américaine en Irak, de deux courants organisés qui se sont retrouvés dans les prisons américaines, celui d’une part du Baas, parti formé en Syrie et en Irak dans les années 50 construit sur le modèle des formations totalitaires notamment le national socialisme et qui a façonné la Syrie et l’Irak à son image ; et celui du courant djihadiste transnational fondé autour des thèses de Sayyid Qotb, prédicateur égyptien, qui ne reconnaît aucune souveraineté nationale y compris les pays musulmans. Ce courant organisé ensuite par Oussama Ben Laden, se définit comme transnational, luttant à la fois contre les puissances occidentales, les juifs et les régimes dits apostats, c’est à dire relevant de l’islam comme religion d’Etat. Ce qu’a ajouté l’EI à cette tradition, c’est le retour immédiat au Califat, c’est à dire l’existence d’un territoire de référence pour la communauté des croyants, territoire doté des attributs d’un Etat mais un Etat qui se développe à la fois dans l’enracinement en Irak et en Syrie, en Libye ou au Yémen, au Nigéria ou en Afghanistan mais aussi dans le virtuel à travers sa main mise sur une partie du cyberspace. Nous ne confondons pas l’EI et ses victimes les populations prises en otage, humiliées, réprimées, privées de tous droits par le régime de Bachar et qui après s’être révoltées contre la tyrannie sont tombés sous la coupe des fascistes religieux.

4. Combattre l’EI suppose d’assécher ses ressources.

Dans cette guerre asymétrique, moderne et en partie virtuelle, il faut développer une action multiforme qui repose sur l’assèchement des ressources financières, matérielles, humaines et virtuelles. Combattre et détruire ce courant à la fois moderne et traditionnel nous oblige à repenser la guerre en fonction des caractéristiques de ce nouvel ennemi. S’attaquer aux ressources financières, pétrolières, industrielles de l’EI est la priorité est de s’attaquer aux sources des financements de l’EI. IL s’appuie sur du pétrole revendu aux pays de la région, notamment la Turquie et même le territoire syrien contrôlé par Bachar. Cela complique de réviser drastiquement les alliances de la France et ses pratiques diplomatiques et économiques. La Turquie achète toujours du pétrole comme d’ailleurs la Syrie de Bachar. Les ventes d’armes à l’Egypte, au Quatar, aux Emirats et à l’Arabie saoudite, présentée ici comme des victoires ont été là bas autant de mauvais signaux envoyés aux populations sunnites opprimés par ces régimes qu’ils soient le fait d’Etats wahhabite ou de dictatures laïques.

5. Ni EI, ni Bachar, soutien à la révolution syrienne.

Le changement d’orientation de François Hollande va accentuer l’isolement des révolutionnaires et renforcer l’implosion de la Syrie au profit des puissances régionales et de Bachar. Les forces politiques qui se battent sur le terrain sont le peuple Kurde et les brigades de résistance de l’ASL qui subsistent en nombre sur le terrain. La Sainte – Alliance qui se noue pour protéger le régime de Bachar autour de la Russie va continuer, faute de solution politique en Syrie et en Irak de faire imploser le Moyen Orient. Même si à moyen terme L’EI est battue, un nouveau monstre surgira de ces décombres. Car la victoire militaire n’est pas la paix. Là aussi pour il faut vider le bocal de son eau pour que le poisson s’étouffe. Nous avons, depuis quatre ans, abandonné la résistance démocratique syrienne face à Bachar qui est le principal responsable des 250 000 morts depuis mars 2011. C’est notre refus de soutenir concrètement les révolutionnaires syriens non par une intervention mais par l’aide en matériel qu’ils réclamaient que nous avons laissé se développer l’EI en alliance de fait avec Bachar. Si nous laissons la population syrienne des territoires en dissidence contre le régime, isolée et dans la détresse morale sans perspective politique, elle se jetteront dans les bras de l’IE et le renforceront.

6. Défendre le cosmopolitisme de la société, défendre les réfugiés

Le 13 novembre est un révélateur de la crise des réfugiés. Ceux qui fuient la Syrie ont subi 1, 2, 10 fois l’horreur de ce que nous avons subis le 13 novembre à travers le terrorisme d’Etat de Bachar et celui de Daech. La crise des réfugiés est le produit de nos interventions militaro humanitaires, de nos lâchetés et de nos impuissances. Les réfugiés sont des membres des classes moyennes du Moyen Orient et d’Afrique qui veulent échapper à la fois aux dictatures, aux djihâdistes mais aussi au dérèglement climatique qui les met en état de famine. Défendre nos valeurs et nos modes de vie, c’est aussi les accueillir et lutter pour la liberté de circulation et d’installation.

7. L’Union sacrée n’est pas l’union de la société, c’est une ligne Maginot illusoire.

L’union sacrée est une union nationale dévoyée. Elle a été utilisée à tous les moments où la classe dominante essayait de ranger les citoyens sous la bannière du nationalisme et de la peur. En 1914, comme en 1956 avec le vote des pouvoirs spéciaux, la gauche s’est autodétruite parce qu’elle a abdiqué au nom de la lutte contre l’ennemi, toujours essentialisé, les « boches », le FLN, les « mauvais français » sous Pétain. La seule union à laquelle nous devons recourir c’est le rassemblement de la société et sa capacité de résilience face à la pulsion de mort des fascistes djihâdistes. C’est l’égalité et la solidarité avec toutes celles et tous ceux qui sont les victimes de cette violence insoutenable et avec toutes celles et tous ceux qui seraient stigmatisés par amalgame. Nous devons répondre par toujours plus de démocratie.

L’Etat d’urgence est la négation de l’Etat de droit. Il est l’expression même d’une stratégie du choc qui instrumentalise toutes crises terroristes, climatiques, financières, sociales à travers un Etat d’exception permanent. L’Etat d’urgence c’est une société anxiogène, sous tension, au garde à vous durant des mois sinon des années, un chèque en blanc donné à l’Etat pour se passer des instances judiciaires. Nous devons le combattre dans ses conséquences pratiques comme l’interdiction des manifestations ou la limitation des pouvoirs d’investigation des journalistes ou de la liberté de circulation des personnes. C’est pour cela que les forces politiques se réclamant de l’écologie et du Front de Gauche ont eu tord de voter pour l’Etat d’urgence. En croyant être « audibles » par la population, elles vont dans le sens de la résignation et du renoncement face à ce qui est au cœur des valeurs de la démocratie républicaine : la liberté, l’égalité et la fraternité. En politique on ne fait pas d’échange – marchandises : un peu de sécurité contre un peu moins de liberté. On défend ses principes, quitte à être minoritaires dans un premier temps. D’autant plus que dans l’arsenal de la loi, toutes les armes légales permettaient de combattre les groupes de l’EI sans mettre en danger l’Etat de droit. La prolongation de l’état d’urgence est un moyen de nous habituer à la militarisation de la vie quotidienne.

8. Contre la République sécuritaire et la militarisation durable de la société

La dérive sécuritaire n’est pas une nouveauté. C’est le produit de l’exportation de la révolution néo conservatrice américaine en Europe. Manuel Valls par exemple a repris la vielle antienne buschienne de la « guerre des civilisations ». Au delà de la guerre idéologique, la république sécuritaire prétend échanger une partie de nos libertés contre une mise en spectacle de la sécurité. Cela a pour conséquence de stigmatiser toutes celles et tous ceux qui ne veulent pas se plier à la démocratie de caserne. Ainsi juste avant les attentats, Le premier ministre assimilait déjà aux terroristes, les zadistes de Notre dame des landes et fermait les frontières pour empêcher des dizaines de milliers de jeunes européens de se rassembler à Paris contre les entreprises mortifères carbonées et nucléaires. Ce qui est en jeu c’est une forme de militarisation durable de la société à travers une stratégie de la tension, d’une société de la contrainte basée sur l’ hyper surveillance et la mise en cause des libertés numériques. Les écologistes se réfèrent à la non violence, pas au pacifisme. Ils sont conscients que la société doit parfois s’armer pour se défendre. Mais ce que les diverses mesures, de la déchéance de nationalité, à la création dans la Constitution d’un Patriot act à la française, du droit donné à la police de porter ses armes en permanence à l’armement des polices municipales de la police reflète, c’est la volonté de transgresser les règles de l’Etat de droit en créant un Etat d’exception permanent fondée sur la logique de guerre imposée à toute la société

9. La Cop 21 doit se maintenir mais avec la présence massive des manifestations de la société civile.

Les évènements actuels ne doivent être sous aucun prétexte une tentative des Etats pour isoler le mouvement pour la justice climatique. Car ce mouvement, en alliant justice climatique et justice sociale contre les prédateurs des grandes compagnies pétrolières est le seul espoir pour la jeunesse du monde et les générations futures. Parce que changer le système c’est à la fois sauver le climat et lutter contre les nouveaux fascistes identitaires. Car les guerres du climat ne se situent pas dans un temps éloigné. Elles sont déjà présentes parmi nous. La guerre en Syrie en est un exemple car les famines qui ont été engendré par la sécheresse ont été un des éléments structurels déclencheurs de cette guerre. Les guerres sont déterminées désormais autant par le changement climatique qui s’accumule aux buts politiques de guerres, caractérisés par la volonté d’asservir les populations et de contrôler les richesses. Ce que veulent les Etats c’est d’abord étouffer les voix des peuples autochtones en lutte contre l’extractivisme, des paysans sans terre qui se soulèvent contre les accaparements de terre par les Etats pour les biocarburants et les minerais rares, des habitants en lutte contre les grands projets inutiles capteurs d’énergie, de la jeunesse des grandes métropoles contre les prédateurs du climat. Nous ne laisserons pas faire !

10. Ecologie de libération ou barbarie mondialisée

Le chaos géopolitique engendré par la crise climatique et écologique et la mutation du capitalisme produisent un nouveau monde. L’écologie de libération portée par les peuples reste la seule voie de l’émancipation pour les peuples. Le discours martial du pouvoir et l e recours à la seule compassion sont les deux mamelles de la démission face aux défis du temps. Pleurer des larmes de crocodiles sans défendre face aux nouveaux fascistes religieux notre société d’ouverture et de tolérance est une faute morale et politique. Les sondages ne peuvent tenir lieu d’orientation politique. Ni compassion, ni soumission à la dérive sécuritaire, Il nous faut défendre la société face aux monstres. Nous défendre, c’est défendre l’émancipation, la démocratie jusqu’au bout. La liberté, l’égalité et la fraternité ne se marchandent pas. Nous défendre, c’est aimer, s’aimer, nous aimer. Nous ne renoncerons jamais à la critique, à l’invention et à la résistance contre les forces de la mort !

Pour la coopérative d’Intervention politique transpartidaire Ecologie Sociale : Sergio Coronado, Francine Bavay, Patrick Farbiaz

Paris le 19 novembre 2015


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