Appel pour retirer le PKK de la liste des organisations terroristes

lundi 9 novembre 2015.
 

A) Appel à tous les Etats membres de l’UE (à l’initiative du PGE)

La perspective de parvenir à une solution pacifique et démocratique à la question kurde en Turquie est menacée. La violence s’intensifie et pose un risque grave pour la stabilité de la Turquie et de la région. On sait à quel point le combat des Kurdes tant en Syrie qu’en Irak représente un espoir pour ceux qui recherchent une solution démocratique, laïque, écologiste et féministe pour la région dans son ensemble.

La résistance kurde à Kobanê, marquée en particulier par l’implication des femmes, en est un exemple, auquel s’ajoutent le sauvetage de dizaines de milliers de Yézidis à Sinjar ou la défense des minorités dans la région.

Ainsi, face à Daech, les Kurdes ont systématiquement été le fer de lance d’une lutte déterminée et un soutien à toutes les forces locales et internationales y contribuant. Nul ne peut ignorer le rôle en la matière du PKK et des organisations kurdes syriennes.

La Turquie fait aujourd’hui face à une flambée de violences qui éloigne toute idée de processus de paix et risque d’affaiblir la lutte contre Daech. D’ores et déjà, l’Union européenne par la voix de sa Haute Représentante mais aussi le Conseil européen, l’ONU et les Etats-Unis ont lancé des appels à la paix en Turquie.

Mais le gouvernement turc continue d’utiliser le fait que le PKK figure sur la liste des organisations terroristes comme une excuse pour affirmer : "Nous ne pouvons pas rencontrer une organisation terroriste et négocier". L’inscription du PKK sur cette liste s’oppose donc à l’instauration de la paix, du dialogue et des négociations, renforce ceux qui souhaitent la guerre en Turquie et affaiblit ceux qui veulent la paix.

Ce ne sont pas les seuls effets négatifs de la proscription du PKK. Il facilite, au nom de la lutte contre le terrorisme, les violations des droits de l’Homme, permet la restriction des libertés de pensée et de la presse. En conséquence de cette interdiction, des milliers de personnes et en particulier les médias en Turquie sont menacés à la fois en interne et en externe.

C’est en raison de ces développements dangereux que l’inscription du PKK sur cette liste doit être réexaminée d’urgence.

Nous, soussignés parlementaires, demandons au Conseil de l’Union européenne que cette liste soit révisée et que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes de l’UE.

B) Francis Wurtz : Il faut retirer le PKK de la « liste noire » !

En maintenant indéfiniment le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sur la liste des « organisations terroristes », l’Union européenne et ses États membres veulent-ils égaler le record de bêtise des États-Unis qui avaient conservé Nelson Mandela et l’ANC sur la funeste « liste noire » jusqu’en 2008, soit 17 ans après l’abolition de l’apartheid ? La France peut, en prenant unilatéralement la décision de mettre un terme à toute stigmatisation de ce parti kurde, rouvrir la discussion sur le plan européen au sujet de ce qu’est réellement le PKK aujourd’hui. Il serait temps ! L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – qui n’est pas, que l’on sache, peuplée de suppôts du terrorisme, mais d’élus de tous les pays du continent sur les enjeux de la démocratie et des droits humains – a adopté le 23 avril 2013 par 150 voix sur 161 (!) une résolution selon laquelle le PKK ne doit pas être considéré comme une organisation terroriste. Pourquoi est-il totalement injustifié, voire outrageant, au regard du rôle que jouent aujourd’hui celles et ceux qui se reconnaissent dans cette organisation, de maintenir le PKK sur cette liste mortifère ? Retour sur quelques points de repère.

En 2002 – alors même que le PKK observait unilatéralement un cessez-le-feu depuis trois ans malgré la répression féroce que subissaient les Kurdes –, le pouvoir turc a demandé à ses alliés de l’OTAN de criminaliser ce parti. Les États-Unis se sont aussitôt exécutés, suivis de l’Union européenne. Cette mesure a eu des conséquences dramatiques pour des milliers de Kurdes : en Turquie bien sûr, où le pouvoir s’est senti légitimé dans sa répression antikurde ; mais aussi dans plusieurs pays de l’UE, où nombre de militants ou de sympathisants du PKK ont subi des violations graves de leurs droits, quand ils n’ont pas connu procès, prison ou expulsion. En vain. « La liste terroriste n’a pas réussi à atteindre une quelconque réduction du terrorisme », souligne une association de juristes européens. Mais, en tout état de cause, poursuit-elle, « lorsque les circonstances concrètes sur lesquelles (des décisions d’interdiction) étaient basées ne sont plus valides, ces décisions doivent être annulées » (1).

Tel est le cas du PKK. Son leader, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 15 ans, a proclamé unilatéralement à six reprises un cessez-le-feu resté sans effet sur la stratégie ultra-répressive du pouvoir turc à l’égard du mouvement kurde. En outre, le PKK a renoncé à son objectif de créer un État kurde indépendant et a opté pour une « autonomie démocratique » dans le cadre de la Turquie. S’y ajoute, depuis l’offensive des (vrais) terroristes de Daesh, la résistance héroïque des combattants et des combattantes du PKK ou d’organisations proches (PYD, YPG, YPJ) d’abord dans les monts Sinjar, en Irak, où ils ont permis de sauver 200 000 Kurdes yézidis abandonnés de tous, puis à Kobané, en Syrie, où ils constituent le seul rempart contre la déferlante barbare. Les soutiens aux (vrais) terroristes sont à rechercher... à Ankara ! Le pouvoir turc a pris le parti de Daesh contre le PKK, au point de laisser tuer plus de 40 (!) manifestants kurdes demandant une aide militaire pour Kobané, alors très menacée (mi-octobre dernier), puis de laisser Daesh attaquer Kobané depuis le territoire turc en vue de lui permettre de briser la résistance victorieuse des combattants kurdes dans la Syrie voisine (fin novembre dernier). Enfin, le maintien du PKK sur cette liste indigne joue dangereusement en défaveur du succès du « processus de paix » engagé en toute discrétion depuis deux ans entre le pouvoir Erdogan et Abdullah Öcalan. Mais ceci est un enjeu stratégique en soi sur lequel nous reviendrons dans une toute prochaine chronique.

(1) Appel du 3 novembre 2014 de l’Association européennes des avocats pour la démocratie et les droits humains. L’ELDH, organisée dans 18 pays, travaille notamment en partenariat avec l’Association internationale des juristes démocrates.


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