Alain Morvan, recteur de Lyon, révoqué-muté, karchérisé

samedi 26 mars 2016.
 

L’Education nationale a mis au piquet l’un de ses meilleurs élèves. Gilles de Robien a flanché, Gilles de Robien a cédé ! Aux arrangements de couloirs, aux fonctionnaires planqués : « Alain Morvan, la République vous demande de vous taire ! »

Et notre Recteur hors norme se retrouve hors cadre pour avoir trop parlé... trop parlé du négationnisme qui enkystait Lyon 3, trop parlé de son opposition à l’ouverture du Lycée musulman de Décines (lire notre article). Le Recteur d’Académie de Lyon ne voulait pas passer son temps à discourir sur les valeurs de notre pays, et laisser filer avec son stylo et les parapheurs tous les petits arrangements de la vie publique. L’intégrité et la liberté de conscience d’Alain Morvan vont nous manquer. Depuis quelques jours, son silence forcé est déjà perçu comme une offense. Alors qu’il aurait mérité toutes les médailles de la République, le gouvernement a fait de lui un cancre puni pour délit d’indépendance et d’exigence. Pour toutes ces bonnes raisons Lyon Capitale vous installe parmi les premiers... dans son tableau d’honneur !

Cette révocation-mutation du recteur Morvan ressemble beaucoup a une sanction pour sa position dans le dossier du lycée musulman de Décines. Lui qui a toujours clamé son opposition à l’ouverture de l’établissement pour des raisons de sécurité et “d’égalité républicaine”. D’une source proche du recteur, le lien est évident.

Le très sarkozyste Gilles de Robien, ministre de l’éducation, lui ferait ainsi payer son opposition et surtout d’avoir rendu publiques les pressions du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, dont il avait fait l’objet. Difficile d’en savoir plus puisque ni le ministère, ni le rectorat n’ont souhaité apporter un commentaire.

Dans sa lettre ouverte, l’association Hippocampe rappelle qu’Alain Morvan “a su incarner avec honneur et courage la lutte contre l’extrémisme et toutes les tentatives communautaristes.” Cet angliciste de formation a en effet fait preuve d’une grande fermeté contre le “système Lyon III” en employant une “thérapie de choc” pour faire le ménage dans cette université. Les anciens présidents Pfeffer et Guyot ainsi que le professeur Gollnish peuvent en témoigner. A un mois du premier tour de la présidentielle, cette révocation a de quoi surprendre. S’agit-il de sanctionner un recteur rebelle à sa hiérarchie et bavard, en donnant des gages aux musulmans et aux partisans du FN ? Verdict mercredi en Conseil des ministres.

A peine quelques heures après avoir été révoqué en conseil des ministres, le recteur Morvan a réuni les journalistes pour une ultime conférence de presse. Comme à son habitude, sans langue de bois mais à avec une grande émotion.

De Robien et surtout Sarkozy voulaient le faire taire. Mais redevenu un simple professeur d’université de Paris III, il a repris sa liberté de parole. Maniant l’ironie avec dextérité, il a souligné que c’est une “grande journée pour le négationnisme, l’affairisme universitaire, l’antisémitisme, l’extrême-droite et tous les adversaires de la laïcité”. Très ému, il est revenu sur les raisons de cette éviction. Il a commencé par rejeter la raison officielle : “On m’accuse de ne pas avoir respecté le devoir de réserve... Mais j’ai seulement voulu dire ce que tout le monde savait : un établissement scolaire ne peut pas accueillir des enfants quand il est traversé par une conduite de gaz et que son sol est pollué. Notre pays mourra de ceux qui privilégient trop le devoir de réserve”. Pour lui, les causes sont clairement politiques : “On kärchérise un homme d’administration qui a porté haut les couleurs de la République.(...) Au nom de quoi les enfants musulmans devraient avoir moins de droits à la sécurité que les autres ? Les exclure de ce droit, voilà le communautarisme !” Il affirme clairement que Sarkozy lui fait payer son opposition à l’ouverture du lycée musulman : “ j’ai déclenché la colère du Ministère de l’Intérieur parce que j’ai dénoncé les pressions dont j’avais été l’objet de la part de ce même ministère. (....) Dans cette affaire, j’étais face à une citadelle, “la” source véritable du pouvoir”. Il a refusé de commenter l’attitude du président Chirac, dont il dit admirer la fonction et la personne, mais qui a pourtant signé sa révocation. Malgré tout, il reste d’un optimisme mesuré : “l’édredon duveteux de la complaisance propre à la ville de Lyon va se reposer mais des brèches sont ouvertes...” Il a ainsi tenu à saluer particulièrement les étudiants de Lyon III qui avait fait preuve d’un courage exemplaire dans la lutte contre le négationnisme et s’est dit particulièrement fière de l’“opération main” propre qu’il a menée à Lyon III. La voix chancelante, il a cité un vers du Chant des Partisans qu’il venait de recevoir le matin même : “Ami, si tu tombes, un autre homme sort de l’ombre à ta place”.

Les réactions

Jean-Jack Queyranne (PS), président de la Région, estime que le limogeage du Recteur Morvan est “une injustice”, provoquée par des “règlements de compte” en plus haut lieu.

Gérard Collomb (PS), maire de Lyon, est plus en retrait. Il tient cependant à rappeler “combien le recteur Morvan s’était distingué par son courage et sa détermination dans le cadre de sa fonction. Ce remplacement, à quelques semaines d’échéances électorales majeures, est en contradiction avec la sérénité nécessaire à la continuité dans la gestion des affaires publiques.”

Le Crif Rhône-Alpes s’interroge pour sa part “sur le brutal limogeage du Recteur de l’Académie de Lyon, Chancelier des Universités, Monsieur Alain Morvan. S’agit-il de réprimander son non-respect du droit de réserve ou s’agit-il plutôt, en cette période électorale, de satisfaire les extrémistes de tout bord ? Extrémistes, que le Président de la République, Jacques Chirac, a condamné encore tout récemment.” Avant d’ajouter : “Nous déplorons le départ d’Alain Morvan, un homme qui a été un rempart dans les universités lyonnaises au révisionnisme et au négationnisme.”

Le limogeage du recteur fait au moins un heureux : Bruno Gollnisch. Le numéro 2 du FN doit en effet à Morvan sa récente sanction, après ses provocations sur les chambres à gaz. Gollnisch a réagi dans un communiqué : “J’apprends avec satisfaction que le recteur Morvan a enfin été limogé après avoir sévi depuis 2002 au rectorat de Lyon (...) Son limogeage est légitime. Le seul scandale de cette affaire est son caractère tardif. (...) L’ex-recteur (...) s’était fait le complice de certaines associations communautaristes ou extrémistes telles qu’Hippocampe ou le CRIF, ses seuls soutiens, mais qui ne représentent qu’une infime minorité de la communauté dont ils prétendent défendre la mémoire”.


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