La sixième quoi ? Comment dites-vous ? De quoi parlez-vous ?

vendredi 23 mars 2007.
 

...La refondation républicaine de la France est une nécessité. Des esprits superficiels pensent qu’il s’agit seulement d’une question institutionnelle. Bien sûr ça l’est. Et ce n’est pas rien. Dans un pays ou la loi, les institutions, les élus sont autant méprisés qu’ils le sont dans le notre, ce ressourcement général de la norme suprême dans le bain du suffrage universel est un impératif. Du moins l’est-il si l’on veut de nouveau que le consentement à l’ordre, essentiel en démocratie ne soit pas seulement une affaire de peur du gendarme ou de routine résignée et contrainte. Mais c’est aussi une question sociale de bien des façons. D’abord parce que c’est l’occasion d’énoncer les droits que se garantissent mutuellement les citoyens. Nombre de ces droits sont des droits sociaux.

Utile recension dans une époque où l’idée même de tels droits est mise en cause par la métaphysique libérale. Selon elle en effet la main invisible du marché, celle de la concurrence libre et non faussée a des droits qui s’imposent avant tous les autres comme le répétait à chaque article ou presque la lamentable Constitution européenne. Et je ne dis rien des fumeux bavardages sur les devoirs que l’on prétend régulièrement proclamer à l’égal des droits, comme si cette idée de café du commerce n’avait pas déjà été traitée selon ses mérites au moment même ou fut adoptée la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je ne joute pas non plus contre l’idéologie consumériste devenue dominante qui enjoints aux goûts individuels de s’afficher comme des droits imprescriptibles. Et ainsi de suite.

Le peuple français est non seulement capable de ce débat mais il lui est nécessaire pour se retrouver, au sens littéral du terme. Cette grande idée est en passe d’être anéantie par la commission de synthèse du congrès du Mans qui s’est secrètement et partiellement reconstituée entre dimanche et ce mercredi. J’aurais du le prévoir.. La lecture du journal « Le Monde » aurait du me suffire à comprendre que le système, le cercle de la raison, le syndicat des belles personnes, ne peuvent admettre une telle audace. Le journalissime a, bien sur, annoncé à la une le tournant en faveur de la 6ème République. Comment faire autrement puisque le discours était retransmis en direct ? Mais c’était pour rabaisser l’idée au niveau d’une trouvaille tacticienne « pour contrer monsieur Bayrou ».

Quand Ségolène Royal a prolongé la logique démocratique de son idée et qu’elle a évoqué la nécessité d’une Constituante, les importants ont dû s’évanouir. Leurs mille et une petites pattes subordonnées se sont mises en mouvement. Le Monde » a relégué en bas de page onze cette information. Pensez donc : que la possible prochaine présidente de la République propose de convoquer une assemblée Constituante, quel intérêt ? Pourtant, l’annonce du non lieu dans « l’affaire » que m’avait créé un adversaire politique de droite au conseil général de l’Essonne, bien repeinte en sanction infamante, occupait un haut de page somptueux. Donc là, la Constituante c’est moins important qu’un règlement de compte d’une journaliste narcissique (auteure de « ma vie avec Ségolène », un monument de nombrilisme médiatique étalé sur deux pages du journal !) avec un sénateur qui avait osé discuter sa prose (voir ma note en décembre « de source sure »).

On lit donc un papier confus et inepte où la 6ème République et la Constituante sont mises sur le même plan que la garden party du 14 juillet dont on apprend que Ségolène veut la maintenir. De toute la campagne personne ne s’est jamais moqué aussi fielleusement de la candidate socialiste. On sent que le vent tourne. Les zélés d’hier appliquent vigoureusement le théorème de Frantz olivier Gisbert : lécher, lâcher, lyncher. Tout cela parait le mardi midi à Paris. « Le Monde » en général donne le ton. Mardi soir au comité de campagne puis au BN du Parti Socialiste, j’attendais donc la page onze de nos débats. Rien. Pas un mot.

La sixième République, la Constituante, rien de tout cela ne fait lever un sourcil. Nous avons cependant examiné les conditions d’une visite de la candidate a une maison de retraite pendant de très longues minutes. Ici c’est plutôt un enterrement de première classe. Depuis la consigne s’étend à tous les compartiments du train de campagne : motus ou sinon des explications tellement tarabiscotées qu’on s’inquiète de savoir si la candidate savait vraiment ce qu’elle disait.

C’est fait pour. Où est la vérité ? Moi je le sais. Les importants ont décidé que cette idée ne leur convenait pas pour les raisons qui ont fait dire fort justement à Jack Lang qu’il s’agit d’un « projet révolutionnaire ». Le refus de la 6ème République vient de loin au PS.

En 1991 Julien Dray, Marie Noëlle Lienemann et moi, au nom de la Gauche Socialiste, nous avons présenté au vote militant un texte pour le congrès de l’arche qui proposait « la sixième république pour le changement social ». (nous avons obtenu 8% des suffrages) Le titre résume les liens de cause à effet dont je ne surcharge pas cette note. Je vais installer ce texte dans les documents de ce blog et quelques uns de ceux qui l’ont précédé ou suivi.

Quand on couple cette idée avec celle d’une Constituante on entre dans le cas de figure latino américain actuel qui a conduit tous les pays passés sous gouvernement de gauche dans la dernière période à se doter de Constituante ou a le prévoir à horizon proche. Chaque fois il s’agit de société dont le système politique a volé en éclat sous les coups de politiques libérales. Souvenons nous qu’Eric Besson avait déjà utilisé comme un injure ce parallèle entre la façon de faire de Ségolène Royal et les révolution démocratiques des latinos.

Refuser la sixième République et faire du vent avec la République nouvelle c’est vouloir que tous les mots changent pour que rien ne change.


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