Affaire Michel Combes Agitation autour des rémunérations obscènes

dimanche 13 septembre 2015.
 

Après avoir vendu à l’équipementier à Nokia, Michel Combes quitte la direction d’Alcatel-Lucent et devrait toucher près de 14 millions d’euros sur 3 ans grâce à diverses primes. Un scandale d’autant plus grand au vue des 10000 suppressions de postes qu’il a infligé au groupe en deux ans.

A peine l’université d’été du MEDEF refermée, le grand patronat français a donné une nouvelle preuve de sa haute moralité. Michel Combes, qui quitte la direction générale d’Alcatel-Lucent pour rejoindre SFR-Numéricable, s’est vu attribuer par son ancienne entreprise quelques 13,7 millions d’euros. Ce joli magot, composé essentiellement d’actions et de stock-options, vient récompenser un patron qui n’a passé que deux ans et demi à la tête d’Alcatel, mais a su relancer le cours de l’action en pratiquant la saignée : son plan de restructuration, baptisé « Shift », prévoyait la suppression de 10 000 postes, dont plusieurs centaines en France.

Cette rémunération a été fixée dans des conditions suffisamment troubles pour que l’Autorité des Marchés Financiers décide d’ouvrir une enquête. En effet, les modalités de la rémunération semblent avoir été négociées et modifiées au fur et à mesure, dans une certaine opacité, et non définies a priori et de manière transparente. La clause conditionnant le versement des actions à une présence de trois ans dans l’entreprise a été opportunément supprimée in extremis, au moment du rachat d’Alcatel par Nokia. De même, l’indemnité liée à la clause de non-concurrence a été votée peu avant le départ de M. Combes. Ces arrangements tardifs font que les actionnaires n’ont pas pu se prononcer en connaissance de cause sur la rémunération du dirigeant – une consultation pourtant recommandée par le « code de bonne conduite » AFEP/ MEDEF.

Une partie du patronat, gênée aux entournures, s’est empressée de dénoncer cette entorse aux « bonnes pratiques ». Mais c’était pour mieux faire oublier le problème de fond : celui des rémunérations obscènes. Emmanuel Macron a adopté lui aussi une stratégie de diversion. Interrogé sur le cas Combes, le ministre de l’Économie a trouvé « choquant » que celui-ci « quitte Alcatel alors que (…) le rapprochement avec Nokia n’est pas terminé ». Mais, il ne s’est pas ému de le voir empocher des millions. Plus audacieux, Stéphane Le Foll a appelé M. Combes à « garder le sens de la mesure ». Et Michel Sapin n’a pas hésité à lui recommander « un peu de bon sens, un peu de mesure, un peu de retenue ».

Face aux rémunérations obscènes, la fixation d’un revenu maximum par la loi constitue la seule solution. Mais le gouvernement, fidèle à lui-même, se contente de bonnes paroles et de molles admonestations. En attendant le prochain scandale.

A) Michel Combes quitte Alcatel-Lucent avec près de 14 millions d’euros

C’est le jackpot pour Michel Combes. Il quitte Alcatel-Lucent après l’avoir liquidé, empoche 13,7 millions d’euros, et s’apprêterait à prendre la tête de Numéricâble-SFR à la suite de Patrick Drahi.

L’attribution de ces 13,7 millions d’euros en actions sur 3 ans a été révélée par le Journal du Dimanche (JDD) qui s’appuie sur des documents officiels publiés sur le site internet du groupe. Ces informations tombent à deux jours du départ de Michel Combes, directeur général d’Alcatel-Lucent depuis mai 2013, qui doit quitter ses fonctions le 1er septembre. Cette enveloppe est liée à la fois à une rémunération en actions conditionnée à des critères de performance, à une clause de non concurrence et au versement de "stock options", selon les documents disponibles sur le site du groupe.

Son départ était prévu dans le cadre du projet de rachat de l’équipementier franco-américain par son concurrent finlandais Nokia. Selon la presse, M. Combes devrait prendre mardi la présidence du conseil d’administration de l’opérateur Numericable-SFR.

Dans un communiqué publié dimanche, l’équipementier défend le bilan de Michel Combes qui "a permis de multiplier par 6 la valeur de l’entreprise et l’a sauvée de la faillite". Il réfute l’idée qu’il s’agisse d’une "prime liée à son départ", indiquant, pour la partie rémunération en actions, que son versement est soumis à la réussite du mariage avec Nokia. La rémunération en actions était au départ conditionnée à une présence dans l’entreprise trois ans après leur attribution, mais le groupe a décidé mi-avril de supprimer pour l’ensemble des bénéficiaires cette obligation, du fait du projet de rachat par Nokia. Le groupe a ajouté lors d’un conseil d’administration réuni fin juillet un accord de non-concurrence dans la perspective de son départ. Cet accord prévoit le versement en trois ans de près de 1,5 million d’actions, soit 4,5 millions d’euros.

« Un plan social d’une violence sans précédent »

Ses « excellents résultats », Patrick Combes les doit au plan "Shift". Ce plan de redressement a un coût social énorme : 10.000 suppressions de postes sur 2013-2015, dont 600 en France. Le groupe compte aujourd’hui 53.000 salariés dans le monde, dont 8.000 dans l’Hexagone. Une annonce qui a séduit les actionnaires, puisque le cours de Bourse de l’entreprise, qui valait autour d’un euro à son arrivée en mai 2013, a triplé de valeur depuis cette date. Les syndicats ont logiquement réagi vivement à la rémunération de Michel Combes.

Dans une déclaration transmise à l’AFP, la CFE-CGC estime que "Michel Combes devrait avoir l’élégance de renoncer à la majeure partie de ses indemnités", rappelant qu’il "a certes redressé le groupe mais cela s’est fait au prix d’un plan social d’une violence sans précédent". Le syndicat se dit choqué par "le montant disproportionné, le départ anticipé de Michel Combes, la modification a posteriori des conditions d’attribution".

De son côté, Stéphane Dubled, coordinateur CGT du groupe, se demande si Michel Combes va rembourser la somme "si jamais la fusion ne se fait pas" avec Nokia. Il déplore le fait que le directeur général se soit présenté "comme le chevalier blanc en avril", quand il avait annoncé qu’il renonçait au versement de "son parachute doré" de 2,4 millions d’euros et à l’encaissement du produit d’actions qui lui avaient été attribuées.


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