Madrid : Franco chassé des rues et places

samedi 18 juillet 2015.
 

L’arc de la Victoire marque l’entrée de Madrid quand on vient de la sierra. Mais beaucoup d’habitants de la capitale préfèrent oublier le nom de cette imposante arche de pierre grise dont les inscriptions, sur les flancs, commémorent l’arrivée triomphale des troupes franquistes dans la ville à la fin de la guerre civile. Plus pour longtemps peut-être.

La nouvelle maire de Madrid, Manuela Carmena, a en effet décidé que les noms de rues et d’espaces publics de la capitale cesseraient d’honorer les généraux franquistes ou les responsables de la dure répression contre les républicains durant les près de quarante ans de dictature. La porte-parole municipale, Rita Maestre, membre de Podemos, a annoncé que les nouveaux noms seraient soumis à la consultation des habitants des quartiers concernés.

« Le boucher de Badajoz »

Les changements devraient être de taille puisque, au total, plus de 150 places et rues sont destinées à être renommées dans la seule capitale espagnole. Adieu à la rue du Commandant-Franco, à la place du Caudillo et à beaucoup d’autres.

On rebaptisera aussi la rue du Général-Yagüe, qui fut l’un des promoteurs du coup d’État contre la république, surnommé « le boucher de Badajoz » pour avoir liquidé plus de 4 000 civils à son entrée dans la ville d’Estrémadure, en août 1936. Citons encore la rue du Docteur-Vallejo-Nájera, le psychiatre préféré de Franco, connu pour ses théories sur le marxisme comme maladie mentale et la « rééducation » des enfants de rouges soustraits à leurs familles.

Exit aussi la rue des Morts-de-la-Division-Azul, en hommage aux volontaires espagnols partis combattre sur le front russe aux côtés de la Wehrmacht. « Il est plus que temps de démocratiser le nom des rues de Madrid », affirme Arturo Peinado, responsable de l’association Forum pour la mémoire, qui se bat depuis des années pour que soient décrochées les plaques litigieuses.

C’est une victoire, même si elle arrive tardivement, dit-il. « Ce qui n’est pas normal, c’est que quarante ans après la mort de Franco il y ait encore des rues qui honorent les personnages les plus sinistres de la dictature, ou bien qu’on trouve une rue Arriba España, comme le cri de ralliement du franquisme. » Et il interroge : « Vous imagineriez une rue Heil Hitler à Berlin ? »

En 2007, une loi promue par le socialiste José Luis Rodríguez Zapatero avait pourtant demandé aux collectivités locales et aux administrations publiques de retirer les noms et les symboles exaltant le franquisme. Mais nombre de municipalités avaient opté pour l’inertie plutôt que d’affronter les protestations des nostalgiques et de réveiller les vieux démons.

« Pas une revanche »

« Madrid n’est pas une exception, elle représente le malaise de l’Espagne face à son passé. Depuis l’époque de la transition vers la démocratie, après la mort de Franco, il y a eu une sorte de pacte de silence entre la droite et la gauche pour tourner la page sans heurts », explique Emilio Silva, petit-fils d’un républicain fusillé au début de la guerre civile et très actif fondateur de l’Association pour la récupération de la mémoire historique. « Après des décennies d’indifférence des pouvoirs publics, l’irruption de Podemos est en train de changer la donne. Une nouvelle génération entre en politique, sans tabous ni amnésie », dit-il.

Il ne s’agit pas de revanche, mais de cesser de laisser pavoiser les hommes de la dictature, précise Arturo Peinado : « Il y a tellement d’autres citoyens et citoyennes à honorer. Et si l’arc de la Victoire devenait l’arc des Brigades-Internationales, en remerciement à ces jeunes qui sont venus du bout du monde pour aider la République ? » (Excellente idée..A.C)

Après Madrid, d’autres villes, comme Valence, Saragosse, La Corogne ou Pampelune, ont annoncé qu’elles décrocheraient elles aussi les plaques de certaines de leurs rues. Pour qu’il n’y ait plus de place du Caudillo quarante ans après sa mort.


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