Ecologie intégrale : L’invitation au changement lancée par le pape François

samedi 27 juin 2015.
 

«  L’écologie intégrale  » qu’appelle à promouvoir le pape dans l’encyclique publiée jeudi s’inscrit dans la tradition sociale de l’Église. Le texte lie intrinsèquement les saccages de la nature aux ravages sociaux et aux inégalités planétaires. François appelle l’humanité à agir à tous les niveaux.

« Laudato Si.  » L’encyclique rendue publique jeudi à Rome reprend les premiers mots du Cantique des créatures, de saint François d’Assise. Ce modèle inspire Jorge Mario Bergoglio bien avant et depuis son élection à la tête du Saint-Siège et de plus d’un milliard deux cents millions de catholiques. Jusqu’à rappeler dans sa Lettre encyclique (...) pour la sauvegarde de la maison commune que le saint dont il a repris le prénom est à ses yeux «  l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale vécue avec joie et authenticité  ». Le pape François reste fidèle au sillon qu’il creuse, dont on avait pu suivre l’esquisse depuis l’entretien accordé à la revue des Jésuites, Études, en octobre 2013, à sa lettre Evangelii gaudium signée un mois plus tard  : «  Dans le modèle actuel de “succès” et de “droit privé”, il ne semble pas que cela ait un sens de s’investir pour que ceux qui restent en arrière, les faibles ou les moins pourvus, puissent se faire un chemin dans la vie.  » La phrase est reprise telle quelle dans l’encyclique publiée jeudi à l’appui d’un clou enfoncé tout au long du texte  : «  La logique qui ne permet pas d’envisager une préoccupation sincère pour l’environnement est la même qui empêche de nourrir le souci d’intégrer les plus fragiles.  »

«  La soumission de la politique 
à la technologie et aux finances  »

«  On sent que, dans cette encyclique, le pape ne se contente pas de mettre une petite touche verte à l’enseignement magistériel  », a commenté avec sobriété, jeudi, monseigneur Brunin, président du conseil famille et société à la Conférence des évêques de France. «  Ce n’est pas un texte qui amène à la culpabilité, s’est réjoui Nicolas Hulot, c’est un texte qui amène à la responsabilité. (...) L’enjeu climatique est la pierre angulaire de la justice sociale et de la dignité humaine. Nous avons là un texte puissant, éclairant, et un renfort inespéré pour une mobilisation exigeante et positive pour mettre l’humanité, fin 2015, au pied d’une nouvelle ère.  »

On comprend à la lecture de ces quelque 190 pages divisées en six chapitres ce qui pourra continuer d’irriter les conservateurs (politique ou religieux) nord-américains en particulier, ligués pour empêcher le président Obama de s’engager en quoi que ce soit à la prochaine COP21. Laudato Si ne se prive pas de relever le «  manque de décisions politiques  » des sommets internationaux. Le pape y voit «  la soumission de la politique à la technologie et aux finances  ». Et en nourrit une conviction  : «  Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale.  » C’est à cette dimension de civilisation que se hisse le texte, élaboré depuis deux ans, et fruit de nombreuses consultations.

«  Nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres  », insiste le pape tout au long de ces pages devenant réquisitoire implacable  : «  C’est la même logique qui pousse à l’exploitation sexuelle des enfants ou à l’abandon des personnes âgées qui ne servent pas des intérêts personnels. C’est aussi la logique intérieure de celui qui dit  : “Laissons les forces invisibles du marché réguler l’économie, parce que ses impacts sur la société et sur la nature sont des dommages inévitables.” S’il n’existe pas de vérités objectives, ni de principes solides hors de la réalisation de projets personnels et de la satisfaction de nécessités immédiates, quelles limites peuvent alors avoir la traite des êtres humains, la criminalité organisée, le narcotrafic, le commerce de diamants ensanglantés et de peaux d’animaux en voie d’extinction  ?  » «  À tous les hommes de bonne volonté  », et pas qu’aux catholiques

Afin de souligner combien il n’est pas un pape «  communiste  », comme certains le lui reprochent volontiers, François se place dans la lignée de ses prédécesseurs, citant à profusion Benoît XVI et Jean-Paul II – dont Laborem exercens, en 1981, qui fit date sur le travail –, la commentant ainsi  : «  Une liberté économique seulement déclamée, tandis que les conditions réelles empêchent beaucoup de pouvoir y accéder concrètement et que l’accès au travail se détériore, devient un discours contradictoire qui déshonore la politique.  » Les deux autres points cardinaux aiguillant l’encyclique sont donnés d’emblée  : Paul VI et Vatican II  ; et Jean XXIII qui, en 1963, avec Pacem in Terris, face au péril atomique, s’adressait, comme ici, «  à tous les hommes de bonne volonté  », et pas qu’aux seuls catholiques. C’est peu dire que l’Église de François considère avec la même gravité les conséquences mortifères et conjointes d’un capitalisme débridé et sauvage sur la nature, l’homme, voire la religion elle-même… À cette folie destructrice, le pape oppose le principe du «  bien commun  » (Vatican II) – de l’eau au logement, du droit au travail à la promotion de toutes les cultures –, comme «  conséquence logique et inéluctable, un appel à la solidarité et à une option préférentielle pour les plus pauvres  ». Si la crise écologique a aussi des racines humaines, alors les solutions dépendent de nos décisions collectives, insiste le pape François. Une forte invitation.

Michel Guilloux

L’Humanité

Lien vers des articles de notre site concernant le pape en exercice :

Avec François 1er, un Vatican à l’écoute des mouvements sociaux ? (Jacques Serieys)

Pape François, héritier du fascisme argentin, de la Curie romaine ou de Vatican 2 ? (Jacques Serieys)

Le pape François ouvert au marxisme (L’Humanité)

Lien vers la rubrique de notre site concernant l’environnement :

Lien vers des articles de notre site sur le projet écosocialiste porté par le Parti de Gauche :

Jean-Luc Mélenchon aux Assises pour l’ecosocialisme

Ecosocialisme : la quatrième voie ( Debonrivage)


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