Le dessous du tapis grec

dimanche 7 juin 2015.
 

Il ne manquait plus qu’eux. Les États-Unis remettent leur nez dans le dossier grec. La dernière fois qu’ils étaient à la manœuvre, c’était justement lors du déclenchement de la crise grecque en 2010. Pendant plusieurs années, les gouvernements grecs pourris de la droite et de la social-démocratie étaient conseillés et financés par les banquiers états-uniens de Goldman Sachs mais aussi Meryll Linch et Morgan Stanley. Les cadors de Wall Street directement liés au pouvoir états-unien et plus largement européen, comme en atteste leur présence oligarchique à la Maison blanche, dans les ministères des finances des deux rives de l’Atlantique et à la Commission européenne. Une fois la crise déclenchée, on découvrit notamment que Goldman Sachs avait aidé à maquiller les comptes et à monter divers circuits frauduleux de financement et de pillage du pays. On savait donc au sommet où étaient les failles. N’oublions pas l’action de l’agence de notation Standard and Poors, autre cador de Wall Street, dont le rôle déclencheur et aggravant a été particulièrement direct et désastreux dans le déclenchement de la crise.

Au secours ils sont donc de retour ! Leur principale arme dans le dossier est le FMI. C’est lui le principal créancier de la Grèce à court terme. Et c’est lui que la Commission européenne est allée chercher en 2011 pour être l’opérateur des plans de « sauvetage » des pays en difficultés de la zone euro. Il me parait important de souligner que cela fut à la demande d’Angela Merkel elle-même, approuvée aussitôt par son porte serviette français de l’époque.

Et c’est donc logiquement le FMI qui est le premier à bloquer toute restructuration de la dette grecque. C’est l’exigence première du gouvernement Tsipras et la solution pour sortir durablement de cette crise, comme nous l’avons dit depuis 2010. Et qui a la main sur le FMI ? Officiellement, son comité directeur représentant ses actionnaires. En réalité un seul État dispose d’un droit de véto dans cette institution néo-impérialiste : les USA. C’est la raison pour laquelle nous plaidons depuis des années pour en sortir. Et c’est pour ça que les BRICS lui tournent le dos. En complément de leur droit de véto, les USA ont toujours pu compter au FMI sur le directeur général. Christine Lagarde ne fait pas exception à la règle, elle qui dirigea un cabinet d’affaires défendant les firmes états-uniennes et qui faisait travailler son cabinet en anglais quand elle était ministre des finances de la France.

Si la Grèce est donc aujourd’hui dans l’impasse c’est donc en premier lieu à cause du FMI avec lequel la Commission européenne fait cause commune. La Grèce a tout fait pour manifester sa bonne foi et sa volonté de négocier : elle a déjà remboursé 2,9 milliards au FMI depuis février. À juste titre, le gouvernement grec dit aujourd’hui que ça suffit et que la dette et les plans d’aide doivent être renégociés. Cette fois c’est directement le secrétaire d’Etat américain au Trésor, Jack Lew qui a demandé jeudi 28 mai à la Grèce de « prendre des décisions très difficiles ». Il l’a fait lors d’une réunion des ministres des finances du G7 accueillis à Dresde par Wolfgang Schaüble. Le dossier grec est donc désormais discuté par une instance, le G7, dont la Grèce n’est même pas membre ! Le ministre français Michel Sapin y a joué son rôle de caniche habituel en psalmodiant que « les résultats grecs sont encore insuffisants ». Relayant cette pression, Christine Lagarde, qui était présente à la réunion, a surenchéri. Dans une interview au Frankfurter Allgemeine Zeitung, organe de la finance allemande, elle a ouvertement évoqué la « possibilité de sortie de la Grèce » de la zone euro. Avant d’ajouter cyniquement que l’euro s’en remettrait « probablement ». L’adverbe est admirable. Cette probabilité n’a pas l’air d’effrayer le capital allemand. Curieux non ?

Que les Etats-Unis et leurs organes, notamment le FMI, ne fassent aucun cadeau à l’Europe et à l’euro, rien de surprenant à cela. Surtout quand il pourrait s’agir pour l’euro de contester la suprématie du dollar comme monnaie de réserve et d’échange. Et davantage encore quand dans une guerre des changes l’euro joue à la baisse et déstabilise le mécanisme nord-américain de financement gratuit de son économie par une planche a billets devenue vaine. Mais le désastre actuel réside dans le fait que c’est l’Allemagne de Merkel qui aide désormais directement les Etats-Unis à conspirer contre l’Europe. Déjà manifestée avec l’espionnage des services secrets allemands pour le compte de la NSA, la trahison du gouvernement allemand en Europe élargit son action. On avait eu un avant-goût de la duplicité d’Angela Merkel quand on avait appris quelle condition avait posé le gouvernement allemand pour donner son accord pour « l’aide à apporter » à la Grèce au premier plan d’austérité : que le gouvernement grec s’engage sur l’achat de sous-marins allemands ! Et on a vite compris quel genre d’effort ne demanderait pas Monsieur Schaüble aux Grecs quand il a refusé de donner la liste des Allemands impliqués dans les évasions de fond de la Grèce vers l’extérieur. Je suppose que le fait de reprendre à mon compte ces faits parus dans la presse étrangère me vaudra d’être traité de germanophobe.


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