L’Europe ne tourne pas rond. On dirait qu’elle se meurt et c’est la troïka qui tient le fusil. Même le Premier ministre anglais, fraîchement élu, prévoit un référendum sur la sortie de l’euro. Rien ne va plus.
De notre fenêtre hexagonale, nous le voyons bien. Dix ans après la victoire du "non" au TCE en France, les raisons du désamour entre les peuples et les institutions européennes se sont décuplées. Le fossé est béant entre le dogmatisme néolibéral des instances de Bruxelles, la diplomatie entre des États volontairement soumis aux marchés financiers, d’une part, et les réalités sociales du grand nombre, d’autre part. Une colère chaude se répand au Sud, une colère plus froide, potentiellement porteuse de dangereux repli et d’autoritarisme ailleurs. La troïka s’assoit sur chaque dynamique qui remettrait en cause sa règle d’or.
Les Grecs ont voté contre l’austérité et pour l’amélioration des conditions de vie du grand nombre ? Qu’à cela ne tienne, la pression sur eux sera maximale. Menace immédiate sur les liquidités, menace ensuite de "Grexit". Dans une interview au quotidien allemand FAZ, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a confié qu’une sortie de la Grèce de l’euro était une « possibilité », qui ne signifierait « probablement pas » la fin de l’euro. Nous savons qu’en Allemagne, ce scenario est étudié de près et qu’en France, Hollande porte l’eau de Merkel et non le fer pour soutenir Syriza. En menaçant Athènes, en envisageant un "Grexit", les dirigeants européens veulent faire une démonstration politique : le cap néolibéral, avec sa règle d’or et ses ajustements structurels, est non négociable. Il doit échapper à toute discussion, remise en question démocratique. Mais il se heurte aux résistances populaires.
Après la victoire de Syriza en Grèce, c’est du côté de l’Espagne que l’espoir se construit. Podemos réussit à bousculer les schémas traditionnels et à inviter la contestation de l’austérité et l’exigence démocratique dans le débat public comme dans les urnes. Dans quel pays européen cet élan populaire prendra-t-il la suite ? Pour l’heure, la cristallisation qui s’opère à l’extrême droite aux quatre coins de l’Europe, et singulièrement dans notre pays, signale la tentation possible d’une solution mortifère. Face à la dislocation européenne, à cette Union qui ne ressemble plus qu’à un grand marché opposant les peuples les uns aux autres et harmonisant les droits et protections vers le bas, il faut opposer la politique et bâtir un horizon émancipateur pour le XXIe siècle. Le temps presse.
Clémentine Autain, le 29 mai 2015. Publié sur le site de Cerises.
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