Roger Martelli : « L’amalgame PCF-FN est une infamie »

samedi 25 avril 2015.
 

« Mme Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970 », a estimé François Hollande, dimanche, dans l’émission « Le Supplément » sur Canal+. Une comparaison entre FN et PCF qui relève de l’« infamie » pour l’historien Roger Martelli, ancien dirigeant du parti, dont il a quitté les instances en 2008.

La comparaison faite par François Hollande entre le PCF des années 1970 et le Front national d’aujourd’hui vous semble-t-elle justifiée ?

Roger Martelli : c’est extrêmement choquant pour le Parti communiste. Le PCF des années 1970 était engagé dans le programme commun avec le PS, il était un artisan de sa promotion. A la fin de cette décennie, en particulier à l’approche des élections européennes de 1979, il a mis en garde contre tout risque de dérive libérale, aussi bien au niveau national qu’européen. Cela n’est pas conforme à la réalité que de le comparer au Front national d’aujourd’hui. Le FN est certes dans une stratégie de respectabilité et de dédiabolisation, mais il reste ancré dans une simple logique de captation du ressentiment des catégories populaires, qui se sentent oubliées. François Hollande porte d’ailleurs une responsabilité dans ce sentiment d’abandon. Le PC de la fin des années 1970 et du début des années 1980 avait pris ses distances avec le PS. Essayer de dénaturer le PCF, c’est une manière de disculper le Parti socialiste.

François Hollande appuie son raisonnement sur le fait que le FN s’implante dans des régions où le PCF enregistrait de gros scores, comme le Nord-Pas-de-Calais.

La comparaison FN-PC est classique mais infondée. Le FN chasse sur des terres populaires et ouvrières, il essaye de s’implanter sur des territoires marqués par la désindustrialisation, qui étaient en effet des territoires avec un fort électorat communiste. Mais ce n’est pas pour autant qu’il y a un transfert des voix de l’un à l’autre. Ce n’est pas parce que l’on se trouve sur les mêmes territoires que l’on retrouve les mêmes électeurs des années après. Il faut se poser les vraies questions. Pourquoi y a-t-il de l’abstention ? Pourquoi y a-t-il un vote FN si important ? Les responsables sont à trouver du côté des partis de gouvernement, à commencer par le PS. Ils ne peuvent pas botter en touche.

Le Front national se réclame régulièrement du Parti communiste de cette époque, en évoquant le discours tenu par Georges Marchais sur l’immigration, qui liait cette dernière à la progression du chômage. Est-ce justifié ?

L’amalgame, même feutré, avec le FN, est une infamie. Le PCF a porté un discours de promotion des catégories populaires qui, avec le temps, a peut-être sous-estimé l’importance prise par les personnes issues de l’immigration dans cette frange de la population. Mais laisser entendre que le PCF était contre l’immigration est faux. Il y a eu d’insignes maladresses dans la manière de dire les choses, de les montrer, par exemple à Montigny-lès-Cormeilles ou à Vitry [en 1981, Robert Hue, maire de Montigny, avait désigné à la vindicte une famille de Marocains pour son implication supposée dans un trafic de drogue]. C’était pour montrer la ghettoïsation des catégories populaires. Les communistes voulaient mettre le sujet sur le devant de la scène, mais cela a été fait de manière maladroite.

Olivier Faye


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