Les paradis fiscaux renforcent toujours plus la dette publique

dimanche 5 avril 2015.
 

En février 2015 est sorti le film l’Enquête, qui relate la célèbre affaire initiée par le journaliste Denis Robert. Cependant, malgré tous les discours des gouvernements pour abolir les paradis fiscaux, les changements réels n’avancent que très lentement.

Or, l’évasion fiscale pèse sur la dette publique, qui est actuellement le principal instrument de domination des banques privées et de la finance sur les États et les peuples.

La dette publique permet d’influencer directement les politiques des gouvernements, d’instaurer l’austérité au Nord, comme elle a mis en place auparavant les plans d’ajustement structurel au Sud. Si les États n’obtempèrent pas, les financiers relèvent les intérêts de la dette dans les emprunts futurs. Ce qui écrase et accroît encore le poids de leur dette. La fraude et l’évasion fiscales commises par les élites économiques nuisent encore à l’État de droit, donc à la démocratie. En 2011, en France, le remboursement de la dette représentait 15 % du budget de l’État. En 2010, le budget de l’État était de 319 milliards d’euros, on évaluait la fuite de la fiscalité, liée à l’évasion fiscale via les paradis fiscaux, à 40 milliards (soit 12 %) et la fraude fiscale à 18 milliards (soit 5 %), près de 2,5 fois le déficit budgétaire (7 %), d’après SUD Solidaires.

Les paradis fiscaux favorisent les flux financiers illégaux massifs, les détournements de fonds et le blanchiment par les banques. Les paradis fiscaux et les chambres de compensation (Clearstream) sont un instrument majeur de la corruption politique et de la spoliation économique des citoyens. Les estimations concernant l’importance des capitaux licites ou illicites drainés par les paradis fiscaux sont assez difficiles à établir. On estimait, en 2000, que les capitaux détenus hors frontières s’élevaient à plus de 5 000 milliards de dollars, soit 54 % des capitaux mondiaux.

La quasi-totalité des grandes banques et entreprises européennes ou américaines ont ouvert des succursales dans des paradis fiscaux. C’est par exemple le cas de BNP Paribas, présente aux Bahamas et aux îles Caïmans, mais aussi du Crédit agricole, du CIC, du Crédit lyonnais, de Natexis Banque populaire, de la Société générale, etc. Créer des sociétés écrans dans des paradis fiscaux et judiciaires permet d’échapper aux pouvoirs publics. Une société écran est une pseudo-entreprise qui cache son véritable propriétaire par l’utilisation de prête-noms. La famille Falcone, devenue célèbre avec l’affaire des ventes d’armes illégales de l’Angolagate, crée en 1985, à Paris, une société écran, Brenco France, puis une autre, Trading International Limited, basée à Man, un des paradis fiscaux. 
Ces derniers permettent d’échapper aux droits sociaux et à la justice. L’avantage du pavillon de complaisance pour le propriétaire d’un bateau réside dans les droits d’enregistrement et les impôts peu élevés ou nuls, les contrôles faibles ou inexistants, la liberté d’employer des marins peu payés, socialement peu ou pas protégés (et donc rarement syndiqués).

Par Thierry Brugvin, membre du conseil scientifique d’Attac et auteur

Dernier ouvrage paru  : le Pouvoir illégal des élites. Éditions Max Milo, 2014.


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