L’entretien de presse de Cécile Duflot est un évènement

mardi 17 mars 2015.
 

Ses propos sur l’avenir du mouvement progressiste en France et donc sur ses relations avec le Front de gauche ouvrent un horizon. Evidemment, Cécile Duflot n’a pas l’intention de tomber dans le panneau qui la couperait de la droite de son parti sans que les bases militantes de l’écologie politique aient eu le temps de mûrir.

Duflot en était à conclure : « Face aux conservateurs libéraux qui paniquent et courent derrière le Front national, il faut que les progressistes soient dans une logique de rassemblement. » Elle est alors interrompue par la question qui tue : « En vous tournant vers Jean-Luc Mélenchon  ? ». Et c’est à elle que revient le rôle de modérer l’entretien : « Arrêtez les raccourcis… » ! « Les alliances aux départementales sont des choix par canton » dit-elle. Après quoi, comme espéré, elle doit afficher des divergences avec moi, comme le souhaitaient les malveillants. Pourtant, c’est bien banal de constater que nous ne sommes pas identiques et parfois même divergents. Sinon nous serions dans le même parti ! Evidemment, c’est sur Poutine que Duflot se démarque ! Quelle surprise. Entre temps, « Médiapart » est passé par là avec ses caricatures infamantes. En fait, cela n’a pas d’importance. Si nous n’avons que cette différence, une simple lecture de mes textes et un petit rappel de mes activités à propos de la Russie depuis trente ans videra le bac d’eau sale. Mais je crains cependant que ce ne soit pas suffisant. Les réserves lourdes de Cécile Duflot dans le passé contre la planification écologique sont une préoccupation autrement plus sérieuse à mes yeux. Et je ne sais toujours pas ce si mes thèses sur la place de l’économie de la mer comme moteur de la relance écologiquement soutenable sont acceptées. Ensuite, la façon de traiter le futur de l’Europe est aussi un rude morceau. Mais les gros sabots avaient hâte d’enfoncer leur clou : « Tout ça pour présenter un candidat commun à la présidentielle en 2017  ? ». Vous avez lu ? « Tout ça pour… » Duflot doit de nouveau calmer le jeu : « Nous n’en sommes pas là. (..) Nous devons prendre racine dans la société. Est-ce que ça veut dire que ça mènera à une candidature à l’élection présidentielle  ? On verra… » On verra. C’est dit. L’interview tourne au contraire du projet de ceux qui l’ont organisée !

Mais le spectaculaire de l’entretien n’est pas résumé là. Il est dans la convergence de fond que je note avec elle sur l’objectif visé. Au plan idéologique et pratique : donner à la question de la survie de l’écosystème le rôle central. Celui d’organisateur de la vision du monde et du programme politique. C’est lui qui doit replacer la question du partage des richesses dans une nouvelle logique où la notion de richesse est elle aussi interpellée. C’est exactement ce que proclament, sous une forme concentrées, les thèses sur l’écosocialisme que nous défendons par monts et par vaux depuis la rédaction du manifeste de 2012. Notamment dans la tournée des capitales que Martine Billard, Corinne Morel Darleux et moi avons menée et qui nous a conduits à Budapest, Londres, Berlin, Prague, Madrid, Valence, Rome, Rabat Alger et Tunis. Sans que les grands observateurs médiatiques n’observent jamais rien et ne parlent jamais de rien.

Je reviens aux propos de Cécile Duflot. La seconde piste de fond convergente n’est pas moins impressionnante pour moi. Il s’agit de la forme du rassemblement à opérer. Duflot tire la leçon des impasses du passé, non seulement les siennes mais les nôtres. Elle arrive exactement aux conclusions qui m’ont conduit à lancer le M6R dans la forme horizontale que ce mouvement a prise. La mise en place de son assemblée représentative par élection en ligne et tirage au sort devrait bientôt nous fixer sur la viabilité de la démarche. Le propos de Duflot est fécond par sa clarté : « (…) soit les écologistes renoncent à transformer la société, acceptent le cadre actuel, et rien ne changera. Soit nous participons à l’émergence d’une nouvelle force politique. » Une nouvelle force politique ou bien le renoncement ! C’est exactement le constat du Parti de gauche. « Un nouveau parti  ? » demandent sans imagination ses interlocuteurs. La réponse de Cécile Duflot n’est pas uniquement motivée par la prudence. « Une force politique avec un grand "P". » dit-elle. « Une force culturelle, sociale et civique. Pas un nouveau parti, ni une addition d’étiquettes. Il nous faut mobiliser tous ceux qui disent "la politique ne nous intéresse pas" mais veulent changer de monde ». « Nous devons prendre racine dans la société ». Tous ceux qui lisent mes textes, non seulement sur ce blog mais dans mes livres savent combien la place reconnue au mouvement « d’en bas » a de l’importance dans la théorie de la révolution citoyenne, à « l’ère du peuple ». Cette convergence-là vaut de l’or. Elle nous permet de nous arracher au train-train des cartels de partis et des « union de la gauche » remixées pour ne rien dire de « l’union des révolutionnaires », cette calembredaine des minoritaires de toujours.

Mais dans le contexte, c’est d’abord la rupture confirmée avec le PS qui marque l’espace politique. Cécile Duflot ne tourne pas autour du pot. Ceux qui seraient tentés de retourner avec Hollande n’auront plus leur place dans EELV dit-elle en substance. Je ne suis donc pas surpris d’apprendre que le député de Rugy répondait à Radio Classique, le soir même : « Cécile Duflot signe l’acte de décès d’EELV. Si c’est le cas nous en tirerons les conséquences ». Pour ma part, je ne crois pas qu’elle ait voulu signer l’acte de décès d’EELV mais plutôt qu’elle lui propose une perspective, une sortie par le haut de l’étau dans lequel le PS veut enfermer tout ce qui n’est pas lui. Nous en sommes tous là. Ceux qui ne veulent pas laisser le PS naufrager le camp progressiste doivent faire mieux que de prétendre « l’infléchir » en gouvernant avec Valls et autres songes creux dont le plus ridicule est de « vouloir le changer de l’intérieur ». Tout cela a été essayé successivement par chacun d’entre nous. En vain. L’astre mort ne réagit plus à rien. Il faut s’écarter à toute vitesse du Titanic pour ne pas être aspiré vers le fond avec lui. Nous connaissons tous les données du problème à régler. Le but est de « fédérer le peuple » lui-même. Ce que dit à sa façon Cécile Duflot quand elle se propose de mettre en mouvement « tous ceux qui disent "la politique ne nous intéresse pas" mais veulent changer de monde ».

Mieux vaut s’être dit tout cela avant plutôt qu’au lendemain du désastre électoral qui s’avance. De cette manière, nous ne serons pas engloutis par les « sauve qui peut » et la bataille pour les canots de sauvetage. Il faudra supporter crânement la soirée des résultats en empêchant les vautours médiatique de nous crever les yeux tout de suite. Il faudra admettre la déroute et ne pas se la laisser imputer par les naufrageurs du PS. Il ne faudra pas céder à la colère des manipulations de l’annonce de résultats que le ministre de l’Intérieur aura organisés. Se mêler le moins possible du débat arrangé d’avance sur le front républicain, union des grenouilles et des moustiques pour se protéger du héron. Juste supporter. Mais ce débat préalable, tout ce travail souterrain, jalonné de rencontres et d’interviews, sera alors prêt à fructifier, à passer à la vitesse supérieure en vue des régionales. Pendant que le PS en sera à un nouvel épisode stérilisant de ses règlements de compte avant sa nouvelle déroute aux élections suivantes. Le PS ne changera rien ni à sa ligne ni à son cap gouvernemental. Merkel ne le permettra pas. La Commission ne le permettra pas. Les propos indignes de Pierre Moscovici prouvent qu’il n’y a aucune limite à l’abaissement dans ce domaine.

Cécile Duflot fait son entrée dans le club des proscrits du beau linge. La voici attablée avec ceux qui sont dénigrés en toutes occasions, insultés de toutes les façons possibles, marginalisés dans la bonne société médiatique, pris à revers par des amis plus perfides et destructeurs que des ennemis. Bienvenue ! Ne craquez pas, ne cédez pas. L’affection des braves gens et des têtes dures est à ce prix. L’intérêt à long terme du pays est de ce côté. Les mauvais jours finiront. Car dans des dizaines de cantons, nos équipes jouent collectif. Des liens de solidarité se créent pendant que les vassalisations des socialistes se défont par lambeaux. Des résultats devraient se voir. Au cœur du désastre, nous construisons l’avenir.


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