La génération Syriza au pouvoir

samedi 31 janvier 2015.
 

Alexis Tsipras et ses camarades ont grandi au carrefour de la gauche politique, 
du mouvement altermondialiste et des luttes sociales.

Ils ont fait leurs armes dans les mouvements étudiants, les luttes locales et les forums sociaux mondiaux. Cette nouvelle génération qui prend les rênes de la Grèce a grandi au carrefour de la gauche politique et des mobilisations sociales. Héritière de l’eurocommunisme des années 1970, du combat antifasciste et de la résistance à la dictature des colonels, elle est sensible à l’urgence écologique, intransigeante sur la défense des libertés, ouverte aux pensées hétérodoxes. Résolument pro-européenne, aussi. À la fin des années 1990, les jeunes de ­Synaspismos, parti progressiste auquel se sont associés d’autres courants pour former Syriza, étaient des piliers d’Endyl, un réseau fédérant les mouvements de jeunesse attachés à une réorientation démocratique et sociale de la construction européenne.

« Cette nouvelle génération Syriza s’est forgée dans la critique du néolibéralisme, alors que s’accélérait la globalisation. Elle incarne la synthèse entre des courants de gauche issus du communisme et des pans de la société civile liés au féminisme, aux luttes pour les droits individuels et la défense des droits des migrants. La force de Syriza tient à sa capacité à cimenter ces courants venus de traditions politiques très différentes », résume le philosophe Aristide Baltas, président de l’institut Nikos Poulantzas.

D’Althusser à Judith Butler

Les références idéologiques de cette gauche alternative ? Elles vont ­d’Althusser au marxisme hétérodoxe de l’école de Francfort et à la philosophie ­critique de Judith Butler, Giorgio Agamben ou Slavoj Zizek. À l’échelle internationale, ses regards se tournent vers la gauche latino-américaine et l’Équateur de Rafael Correa.

Si la crise, puis le matraquage ­austéritaire ont propulsé ces militants sur le devant de la scène grecque et européenne, c’est qu’ils ont su incarner le refus de la pensée unique et des dogmes libéraux, tout en organisant la résistance sur le terrain social, en tissant d’indispensables réseaux de solidarité (centres de santé, cantines solidaires, cercles de soutien scolaire). Une entreprise pour laquelle leur expérience militante fut précieuse. « Ce qui différencie notre ­génération de la précédente, c’est que nous avons vécu des luttes couronnées de succès, comme la victoire du mouvement étudiant de 2006 pour le maintien de l’article 16 de la Constitution grecque consacrant le droit pour tous à une éducation publique et gratuite. Nous ne portons pas le poids des ­effondrements politiques et des luttes perdues », remarque Giorgos Karatsioubanis, représentant de Syriza au PGE, en évoquant aussi les luttes de quartiers pour la préservation des rares espaces verts d’Athènes, la création de syndicats de travailleurs précaires ou encore l’explosion de colère dans la jeunesse grecque après l’assassinat par la police d’un jeune ­lycéen, Alexis Grigoropoulos, en 2008.

Le tournant, pour cette génération, se produit en 2012 lorsque, face au désastre social provoqué par les mesures d’austérité, elle proclame ouvertement son intention de conquérir le pouvoir. « Je suis très impressionné par la façon dont ils ont réussi à transformer une petite coalition recueillant 4 % des voix aux élections en parti influent, qui a su attirer certains des meilleurs économistes grecs, comme Costas Lapavitsas et Yanis Varoufakis », confie la Suédoise Kajsa Ekis Ekman, auteure de Printemps volé, un essai consacré à la crise grecque. Pour cette jeune chercheuse, qui les connaît bien, les camarades d’Alexis Tsipras ne représentent pas tant une nouvelle génération qu’une « nouvelle classe politique ». « Syriza incarne une rupture avec la vieille couche de politiciens corrompus, liés à l’oligarchie et à certains capitalistes grecs comme Bobolas et Vardinogiannis, souligne-t-elle. Mais ils doivent faire attention, maintenant que des transfuges du Pasok, y compris des députés, sont passés à Syriza, à ne pas laisser se perpétuer les vieux réseaux clientélistes. »

Rosa Moussaoui, L’Humanité


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