Renforcer l’attachement inconditionnel à la liberté d’expression

lundi 19 janvier 2015.
 

Je voudrais résumer ma façon d’analyser et de proposer dans le moment. Elle n’a rien à voir avec la vision politicienne de « l’union nationale », nouvelle case dans laquelle des commentateurs sans imagination ni vergogne veulent à tout prix faire rentrer tout le monde. Pour être embrigadés il suffit de refuser de répondre à une incitation à entrer en polémique avec Hollande ou Valls dans un moment comme celui que nous vivons. Pour moi, l’acteur principal du moment, qui a été « à la hauteur de la situation », c’est le peuple ! Son mouvement spontané n’est récupérable par personne ! Mieux : son indépendance est la garantie de sa force et de son unité sur le contenu exigeant qu’il a imposé dans la rue.

Dans quelques jours, on pourra de nouveau parler librement sans crainte de la provocation médiatique. On pourra dire ce que l’on a pensé du traitement médiatique des évènements que nous venons de vivre. Et notamment, à certains moments cruciaux, par des chaînes d’information en continu, par les commentateurs comme par la palanquée d’experts plus que discutables qui ont prêché la guerre sainte de « l’Occident » contre la guerre sainte des fanatiques religieux. Sans oublier ce chef d’État étranger venu diviser les Français en suggérant à certains d’entre eux de fuir leur patrie. Laissons de côté, une nouvelle fois, pour l’instant. Mais non sans rappeler à ceux qui ont oublié d’en parler ces jours-ci que contrairement à ce que dit Manuel Valls, sans qu’aucun média ne le corrige, le délit de blasphème existe en France du fait du Concordat. C’est même au nom de cette possibilité qu’une plainte fut déposée contre « Charlie » ! Or, pendant la campagne présidentielle et ensuite, Hollande et le PS voulaient mettre ce Concordat dans la Constitution avec le soutien enthousiaste d’un front uni d’élus de droite et du PS des départements concordataires. Je raconte tout cela pour rafraîchir les mémoires. Et bien sûr, on peut penser que quelques esprits critiques médiatiques s’y intéresseront. Une nouvelle fois, amis journalistes : servez-vous de ce travail de mémoire ne serait-ce que pour faire une pause dans les « te deum » d’unanimisme politique actuel.

Mon angle sur le moment est celui d’un combat civique. Les assassins avaient des buts politiques. C’est eux qu’il faut mettre en échec. La réplique doit donc être politique. C’est-à-dire qu’il faut renforcer les anticorps républicains au fanatisme religieux. Notamment en renforçant l’attachement inconditionnel à la liberté d’expression telle que définie par la Déclaration des Droits de l’Homme (avec pour seule limite celle que fixe la loi). Comment ? Certainement pas en s’abandonnant aux surenchères sécuritaires qui n’ont en vérité aucune efficacité pratique. Ce qui compte, c’est de vider l’eau du bocal où peuvent prospérer les fanatiques. Il faut faire de la politique. Il faut compter sur la société, sur le peuple, pour trouver la riposte. C’est très concret. Et cela concerne le projet de sixième République.

Sécuritaire ou républicain ? Voici comment j’ai répondu à la question que me posait le site de « Marianne » pour décrire la différence d’approche qui me sépare des soi-disant « sécuritaire ». Question : « Depuis l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo et les prises d’otages qui ont fait quatre morts, la classe politique est tentée par un renforcement de l’appareil anti-terroriste français. Mais à l’heure actuelle, un « Patriot act » à la française est-il la seule réponse et même la bonne réponse ? » Ma réponse : « Le « Patriot Act » ? Ceux qui en parlent savent-ils ce que c’est ? Juste une loi de réduction des libertés qui, comme toutes les lois d’exception, ne marche pas. Mais elle légalise la torture ! C’est cher payer le délire sécuritaire. Stop à la surenchère ! Depuis 2001, on a eu huit lois contre le terrorisme, sans y inclure les lois sur la délinquance et le crime en bandes organisées ! Quand en fait-on le bilan ? La discussion doit aussi être technique. Qu’a-t-il manqué pour empêcher les crimes qui viennent d’avoir lieu ? Je suis pour des mesures efficaces. Mais pas pour les coups de menton et la récupération. Ras-le-bol de cette façon de faire de la politique : de la com’, portée par des gens qui se fichent des conséquences des mots qu’ils emploient. Le bon angle selon moi est de renforcer les anticorps de la société elle-même face aux terreaux fondamentalistes. Plus la société est républicaine plus les criminels sont isolés. Et alors leur défaite est assurée. » Je m’inscris ainsi dans le sens de la réplique de Fabian Stang, maire d’Oslo, après la tuerie de l’Île Ostøya perpétrée par le néo-nazi Anders Breivik en 2011 : « Nous allons punir le coupable. La punition, ce sera plus de générosité, plus de tolérance, plus de démocratie ». Je me rattache à l’affirmation de Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

Comment faire pour stimuler les anticorps républicains de la société face aux fanatiques ? Exemple de mesure concrète : défendre la presse d’opinion. Notamment en la subventionnant davantage que la presse de divertissement. Est-il normal que « Le Monde diplomatique » reçoive moins qu’un journal de programme télé ? Est-il normal que « l’Humanité » reçoive si peu par rapport à des journaux qui ne prennent aucun des risques du combat d’idées ? Cela ne concerne pas que l’intervention publique. Chacun d’entre nous doit se rappeler que la meilleure façon de faire vivre la presse d’opinion c’est de l’acheter. C’est pourquoi le mouvement qui porte à acheter le numéro de Charlie qui vient de paraître est une réaction extraordinairement politique ! Autre exemple : faire comprendre le sens de la laïcité comme garantie fondamentale de la paix civile et non comme une « opinion » moquée sous les traits du « laïcard ». N’avions-nous pas raison de demander que le délit de blasphème soit supprimé partout où il existe en France et en Europe ?


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