Entretien de Jean-Luc Mélenchon dans Closer

mercredi 14 janvier 2015.
 

Closer : Dans votre façon de faire de la politique, les réseaux sociaux ont dû tout bousculer...

J.-L. M. : Mon compte Twitter est suivi par 300 000 personnes. Mon blog a plus de 10 000 visites par jour. Ma page Facebook, c’est 197 000 likes. Dans dix ans, la forme actuelle des partis politiques aura disparu. On vit les mêmes bouleversements que l’imprimerie. En une vie, j’ai vu son évolution, puisque j’ai été correcteur dans une coopérative ouvrière. D’ailleurs pas longtemps, car j’étais trop distrait pour en être un bon.

Closer : Que faisaient vos parents ?

J.-L. M. : Ma mère est devenue institutrice, en ayant en poche un BEPC. Mon père était en radio-télécommunications. Il a été au top de son savoir puisqu’il a fondé la station de Tanger au Maroc, qui guidait des bateaux. Ensuite, en France, il a recommencé au guichet de la poste pour finir receveur hors classe dans le 16e arrondissement de Paris. Chez nous, on s’élève par soi-même, sans se laisser impressionner par ceux qui nous regardent du dessus.

Vous êtes venu à Closer en métro ! C’est de la com ?

Jean-Luc Mélenchon : Je ne conduis pas ! Le métro, c’est la ponctualité et, ça, j’adore !

Closer : Vous n’avez pas peur des agressions ?

J.-L. M. : Pas plus là qu’ailleurs. Je note plutôt la courtoisie des gens. Mais beaucoup ne me reconnaissent pas. Ouf !

Closer : Faut-il comprendre que votre célébrité vous pèse ?

J.-L. M. : Oui. C’est une vie souvent insupportable. J’ai passé la soixantaine et je vis le sort d’une belle femme... c’est-à-dire que tous les relous de la terre s’autorisent à faire des commentaires sur mon comportement, ma vie, ma tenue même... Mais qui vous dit que ça m’intéresse  ? leur dis-je. Mais vous êtes un homme public  ! Je leur réponds  : « Je suis un homme privé qui a une activité publique.  » Nuance !

Closer : Vous la comprenez mal, cette familiarité ?

J.-L. M. : Je la comprends au contraire très bien  ! Je suis un Méridional, je bouge beaucoup mes mains, mon visage montre mes sentiments... En plus, mes passages à la télé donnent le sentiment d’une grande proximité. Je sais bien qu’il arrive que le repas du dimanche soit assez largement pourri par une discussion politique (sourire) , où quelqu’un m’a introduit à plus ou moins bon escient... Je sais aussi que des gens ont même fait de mon nom une expression «  Ne fais pas ton Mélenchon ! »

Closer : Puisqu’on parle du dimanche, vous êtes contre le travail le dimanche...

J.-L. M. : Absolument  ! Dans les transports, la santé, on ne peut pas faire autrement. Mais, là, qu’est-ce qu’on nous propose : étendre un inconvénient à des tas de gens, sans qu’il y ait aucune utilité sociale prouvée. C’est une régression  ! Là, on ampute la vie des gens simples. Priver les gens des moments qu’ils peuvent vivre en commun, surtout en famille, c’est cruel !

Closer : Mais il y a ceux qui travaillent dur pendant la semaine et qui profitent du dimanche pour faire leurs courses...

J.-L. M. : Eh bien, il faut y penser avant ! Le dimanche, c’est fait pour aller au bord de l’eau, rester comme une patate au fond de son canapé, blaguer avec les enfants. Au plan économique, ça ne tient pas non plus. Ce n’est pas parce que vous pourrez faire vos courses ce jour-là que vous dépenserez davantage ! Vous ne dépenserez pas le dimanche l’argent que vous n’avez déjà pas le vendredi. Mais surtout, où est demandé ce travail du dimanche ? Surtout dans la restauration, la grande distribution... Là, ce sont surtout des femmes au travail  ! Des catégories sociales maltraitées, des gens qui n’ont pas le pouvoir de refuser. Quelle est la femme, l’homme qui a envie d’être au travail pendant que tous les autres sont libres  ? Personne. C’est triste de ne pas pouvoir partager les joies des siens.

Closer : Etaler le travail du dimanche uniquement sur douze semaines ne vous convient donc pas non plus...

J.-L. M. : Ça veut dire que durant douze semaines, donc trois mois, les gosses sont tout seuls à la maison  ? Trois mois pendant lesquels vous ne profitez pas du temps de pause hebdomadaire  ? C’est quoi, la vie dans ces conditions  ? La maison, que devient-elle  ? Un hôtel-restaurant dans lequel des gens se croisent à cause de leurs jours de travail différents ?

Closer : C’est la gauche qui propose le travail le dimanche...

J.-L. M. : La gauche, ça  ? Ces brutes qui reviennent sur les petits bonheurs des salariés  ! Toutes les grandes luttes du mouvement ouvrier ont porté sur le temps passé au travail  : contre la journée de douze heures pour les congés payés, pour la retraite à 60 ans  ! Vous voyez ce petit triangle que je porte sur mon col ? Les ouvriers parisiens l’ont mis pour la première fois en France pour le tout premier 1er mai, afin de revendiquer la journée des huit heures de travail.

Closer : Les femmes sont importantes pour vous. Vous avez critiqué François Hollande dans sa manière de congédier Valérie Trierweiler...

J.-L. M. : Ne me faites pas meilleur que je ne suis ! Je suis un Méditerranéen d’avant. Cela préparait mal à la vision moderne du rapport aux femmes.

Closer : Voler au secours des femmes bafouées comme vous le faites démontre un féminisme, non ?

J.-L. M. : Je suis devenu féministe. Jeune, je ne comprenais pas de quoi on parlait. J’ai eu la chance de croiser une femme exceptionnelle, la romancière Colette Audry, la seule citée dans le livre de Simone de Beauvoir "Le deuxième sexe". J’avais 30 ans, et elle en avait 70. Quand elle parlait, elle avait la force de ses 20 ans  ! Elle avait la beauté éclatante de sa puissance intellectuelle ! Un jour, elle m’a pris à part : « Ecoute, tu dis trop de bêtises. Bien sûr, les hommes et les femmes sont semblables et égaux en droits, mais il y a une oppression spécifique aux femmes, ça s’appelle le patriarcat. » Elle a lancé mon esprit comme une boule dans le jeu de quilles de mes préjugés masculins.

Closer : Précisément, dans votre nouveau livre, L’Ere du peuple (éd. Fayard), vous parlez du temps dominant et du temps dominé, ce dernier étant toujours celui des femmes...

J.-L. M. : La propriété du temps est un fait invisible, mais bien réel. Qui décide du temps des autres commande la société. Le temps contraint domine la vie des gens. Et les femmes sont les moins propriétaires de leur temps. La domination des femmes est inscrite dans les horloges.

Closer : Dans votre livre, vous jetez les bases d’une VIe République. Quelle place pour les femmes ?

J.-L. M. : Qu’elles se la donnent  ! A égalité de droits. Mais déjà, comment faire cette nouvelle constitution  ? Encore un comité d’experts  ? Non  : une assemblée constituante avec des gens issus du peuple, donc avec autant de femmes que d’hommes. Urgent : le droit de propriété sur le corps ne doit plus pouvoir être mis en cause à chaque élection  ! Donc le droit à l’avortement doit être inscrit dans la constitution.

Closer : Vous êtes député européen. Le tweet sur Angela Merkel « Fermez-la, la France est libre  », c’était vraiment vous ?

J.-L. M. : Les tweets persifleurs, c’est toujours moi. J’écoute beaucoup mon intuition. Sur l’Allemagne, cela fait trois ans que je m’exprime. La soi-disant presse sérieuse n’en a pas dit un mot. Un tweet vachard et, hop, le débat est lancé  ! C’est un sujet grave. Il faut toujours veiller à la relation franco- allemande, c’est-à-dire à la stricte égalité entre nos peuples. On n’est pas dans le Bisounoursland  : ils nous ont envahi trois fois. Le ton que prend Merkel est insupportable. J’ai tiré le signal d’alarme. Les Allemands doivent savoir que nous ne sommes pas aux ordres. J’ai fait ça avec gouaille. Je leur ai dit  : «  Occupez-vous de vos pauvres et de vos équipements en ruines avant de nous faire la leçon  !  »


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