Grèce : le mur de l’argent et de la peur face à Syrisa !

lundi 22 décembre 2014.
 

Mercredi 17 décembre s’est tenu au Parlement grec le premier tour de l’élection présidentielle. Une élection dont l’issue, malgré le rôle purement honorifique attribué par la constitution grecque au Président de la démocratie, peut déterminer l’avenir politique grec et provoquer un changement du rapport de forces au sein de l’Europe. Car l’enjeu de cette élection a changé de nature pour deux raisons : par l’usage, d’abord, qu’a voulu en faire le premier ministre grec, Antonis Samaras, en l’utilisant comme une arme pour extorquer le vote d’une nouvelle série de mesures d’austérité, mais aussi par la maladresse de ses soutiens européens qui emportés par l’hybris de leur pouvoir ont bafoué encore une fois les règles élémentaires de la démocratie.

A droite : L’espoir d’une victoire politique pour continuer sans entraves la politique de l’austérité

Le 8 décembre, après la décision de l’Eurogroupe de prolonger de deux mois son programme de « sauvetage », le gouvernement grec a décidé, pour tenter sa survie politique, de raccourcir de deux mois le mandat du Président actuel, Karolos Papoulias, et d’avancer au 17 décembre le premier tour de scrutin pour l’élection du président de la République.

La décision de la coalition gouvernementale Samaras-Venizelos, probablement prise en accord avec la troïka, avait également comme objectif de cacher les nouvelles mesures imposées par cette dernière et d’extorquer le vote des députés par chantage. Toutefois, incertain sur l’issue de son initiative, le gouvernement grec s’est assigné un troisième objectif : celui d’éviter à tout prix l’expression libre et démocratique du peuple grec par le recours aux urnes prévu par la Constitution si la majorité requise des trois-cinquièmes (180 voix) n’est pas atteinte au troisième tour. En effet, la majorité actuelle ne possédant que 155 voix, l’élection du candidat choisi par M. Samaras paraît compromise malgré ses efforts pour recruter des alliés de tout bord.

Conscient de ce danger, et craignant surtout le verdict populaire sur sa politique d’austérité dictée par la « troïka », le gouvernement grec a eu la mauvaise idée d’utiliser pour protéger son avenir politique l’arme de la peur. A. Samaras, a donné le signal à ses troupes en laissant tout d’abord insidieusement circuler une fuite selon laquelle il aurait dit "si SYRIZA passe, il ne restera plus un euro dans les banques". Son fidèle ancien ministre – repêché chez l’extrême droite à l’occasion d’un autre suffrage – A. Georgiadis, a déclaré aussitôt son intention de « sortir son argent de Grèce si le gouvernement tombait". Le ton a continué à monter les jours suivants avec la mobilisation de tous les « personnages familiers » de M. Juncker. Ainsi, l’ex ministres des Finances et actuel gouverneur de la Banque de Grèce, Yannis Stournaras, au mépris du principe de la neutralité auquel le soumet son statut actuel, a déclaré quelques jours avant le premier tour du scrutin :"Au cours de ces derniers jours, la crise a pris des dimensions préoccupantes, la liquidité sur les marchés financiers décroît à un rythme rapide (...) et le risque de dégâts irréparables pour l’économie grecque est très élevé". La frénésie gouvernementale a atteint son paroxysme avec les déclarations de la porte parole du gouvernement, S. Voultepsi : « Nous avons été avertis par les agences de notation internationales que l’annonce d’élections nationales sera considéré comme un événement de crédit pour le pays. » Jusqu’où peuvent ils arriver ? Jusqu’à la mise en scène d’un bank run, à l’aide des entrepreneurs sympathisants comme le craint le Président de SYRIZA, Alexis Tsipras ?

L’inadmissible assistance extérieure à la propagande de la peur

Plus grave encore est de constater que cette propagande de la peur qui atteint directement le peuple grec dans le droit démocratique fondamental, dans le libre exercice de son droit de vote, a été menée avec l’aide étrangère. Les déclarations de Juncker, l’arrivée en Grèce de Moscovici ont suffisamment instillé dans les esprits les germes de cette propagande délétère pour que même les titres des articles de la presse française se fassent le relais de cette soi-disant nécessité pour l’UE de soutenir un gouvernement présenté comme le dernier rempart de la démocratie devant le spectre du « péril rouge ». « L’UE soutient le gouvernement à la veille d’une présidentielle à risque » titrait Libération il y a quelques jours. Le même titre était partagé par L’Express. « L’UE veut éviter l’arrivée de la gauche radicale au pouvoir en Grèce » affichait le lendemain Le Monde.

Mais la stratégie de la peur s’est effondrée

Le premier tour du scrutin présidentiel au parlement grec a été marqué par une défaite politique pour Samaras avec 160 votes "oui", 135 "présents" qui ont refusé d’accorder leur vote, et 5 députés absents, alors même que le gouvernement espérait 166 votes en faveur de son candidat. Les députés grecs conscients du véritable enjeu du scrutin, ont refusé de cautionner la poursuite de la politique d’austérité et de céder au chantage de la peur. « La démocratie ne cède pas au chantage, la décision viendra du peuple. L’alarmisme de ces derniers jours n’a pas porté les fruits qu’espérait le gouvernement de M.Samaras. La stratégie de la peur s’est effondrée » a déclaré après l’annonce des résultats du premier tour A. Tsipras. Quant à M. Samaras, il a déclaré qu’aux deux prochains tours les députés devront prendre en compte le fait que « les conditions sont difficiles et que le pays ne doit pas entrer dans de nouvelles aventures ».

Mais on sait qu’en attendant les prochains tours le gouvernement grec et les pouvoirs financiers qui le soutiennent ne vont pas attendre stoïquement le retournement de l’intention de vote des parlementaires. Les coulisses du pouvoir se mobilisent déjà en pensant à une autre candidature qui pourrait fédérer les députés du centre gauche tout en leur offrant un alibi idéologique pour ne pas les exposer très ouvertement à l’opinion publique. Déjà, avant l’ouverture du scrutin du premier tour ; le nom de Mme Damanaki circulait comme candidature probable pour le troisième tour. Selon certains scénarios, la présentation de cette candidature pourrait être accompagnée d’un projet de création d’un gouvernement « à but spécifique » et de la promesse d’élections législatives pour la fin de l’année 2015, afin de permettre l’accomplissement du programme d’austérité dicté par la troïka et de sauvegarder les intérêts des bailleurs de fonds.

Ces scénarios déjà rejetés par SYRIZA peuvent cependant se heurter aussi au refus de A. Samaras et de E. Venizelos qui ne désirent pas forcement renoncer à leur pouvoir personnel. Quoi qu’il en soit, tous les moyens seront utilisés afin d’éviter le « danger » des élections législatives et le « défaut du pays ».

En rejetant ces arguments de façade, SYRIZA prône en revanche le recours immédiat aux urnes

Car le peuple exsangue ne peut pas endurer les maux d’une longue période préélectorale qui par ailleurs ne vise que l’accomplissement d’une politique à ses dépends. Un nouveau départ est nécessaire. Pour la Grèce mais aussi pour le reste de l’Europe. « Celui de la solidarité et de la justice sociale et non pas celui de l’exténuation des sociétés par les programmes d’austérité. Le danger de récession qui menace l’Europe et par ricochet l’économie mondiale fait de ce changement immédiat de la politique de notre pays par un gouvernement de SYRIZA une nécessité pour le salut social de notre pays et un sujet d’émulation pour l’Europe. Nous, nous sommes prêts à négocier et nous multiplions les contacts pour l’élaboration de plans communs et d’associations collaboratives au sein de l’Europe, pendant que le gouvernement Samaras se contente de préserver uniquement son alliance avec le gouvernement allemand et de se soumettre aux décisions des créanciers.

Voilà donc deux approches différentes qui posent le dilemme suivant : Une négociation européenne avec un gouvernement SYRIZA ou la contre-signature de toutes les décisions des créanciers concernant la Grèce par le gouvernement Samaras ? SYRIZA ou Nouvelle Démocratie ? » (1)

(1) Extrait du discours de Thessalonique d’Alexis Tsipras


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