21 pays d’Asie (dont la Chine et l’Inde) créent une banque continentale

mardi 18 novembre 2014.
 

Le vendredi 24 octobre, un groupe de 21 pays asiatiques s’est réuni à Beijing, pour signer un accord approuvant finalement la création de la Banque Asiatique d’Investissement pour l’Infrastructure (AIIB en anglais), un an après que le Président de la République Populaire de Chine, Xi Jiping, en a fait la proposition lors du Forum de Coopération Economique Asie-Pacifique (APEC), à Bali, en Indonésie.

Ces 21 pays sont les suivants : Chine, Inde, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Philippines, Pakistan, Bangladesh, Brunei, Cambodge, Kazakhstan, Koweït, Laos, Myanmar, Mongolie, Népal, Oman, Qatar, Sri Lanka, Ouzbékistan, et Vietnam.

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D’après plusieurs fonctionnaires interrogés à ce sujet, la nouvelle banque servira de plateforme pour financer les projets les plus importants de la région asiatique en matière de télécommunications, énergie et moyens de transport.

Jin Liqun, ex président de l’Assemblée des Superviseurs du Fond Souverain de Richesse chinois,(Sovereign Wealth Fund) et ex vice-président de le Banque Asiatique de Développement restera responsable de l’institution. De même que la Banque de Développement du groupe BRICS (acronyme de Brésil, Russie, inde, chine, et Afrique du sud), la ville de Beijing sera le siège principal d’AIIB. Le capital souscrit sera de 50 milliards de dollars et le capital autorisé sera de 100 milliards. La Chine apportera la moitié des fonds et l’Inde sera la seconde actionnaire majoritaire.

Le montant du capital autorisé d’AIIB représente 3/5eme du capital dont dispose la Banque Asiatique du Développement, (165 milliards de dollars), la banque régionale de 67 membres (48 régionaux et 19 extra régionaux) qui s’initia en 1966 sous les auspices de la Banque Mondiale.

Les principes directeurs d’AIIB seront « justice, équité, ouverture » dans une claire allusion à l’écrasante domination de Washington dans le gouvernement de l’Architecture Financière Internationale. 70 ans après la Conférence de Bretton Woods, le rôle des Etats-Unis comme gendarme du capitalisme mondial reste intact malgré son enlisement économique et le haut niveau de sa dette, aussi bien publique que privée. « On pourrait comparer cela à un match de basket où les Etats-Unis établiraient la durée du match, la taille du terrain, la hauteur du panier et tout adapteraient tout selon leurs besoins » condamna Wei Jianguo, ex ministre du Commerce Chinois.

En fait, les opérations des banques régionales du Développement sont fondamentales pour comprendre les portées des ressources douces. Dès leur fondation, leur objectif fut que leurs fonctions soient complémentaires au FMI et à la Banque Mondiale, en tant qu’entités fournisseuses de crédit. Le combat contre la pauvreté et les programmes de transferts vers les autres secteurs les plus défavorisés de la population servirent d’instruments palliatifs aux contradictions du capitalisme périphérique afin de garantir le rôle principal des Etats-Unis dans l’économie mondiale. En d’autres termes, la Banque Interaméricaine du Développement (BID), la Banque Africaine du Développement, et la Banque Asiatique du Développement eurent pour leitmotiv d’étayer l’expansion des corporations multinationales (CMN) et en même temps, de maintenir à l’écart la sphère d’influence économique et politique de l’Union des Républiques Soviétiques et socialistes (URSS) dans les pays du Tiers Monde.

En pleine Guerre Froide, la Banque Asiatique du Développement resta dans l’orbite des intérêts géoéconomiques et géopolitiques des Etats-Unis avec l’appui inconditionnel du Japon. De la même façon que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale sont gouvernés depuis 1944 par des européens et des étasuniens, Tokyo conserve depuis le début et jusqu’à aujourd’hui, la Présidence de la Banque Asiatique du Développement. Le Japon et les Etats-Unis demeurent de façon écrasante, les actionnaires majoritaires, avec 31,23% du capital souscrit et 25% du pouvoir de vote. Par contraste, la Chine Continentale et Hong Kong possèdent ensemble 7 et 6,21 points de pourcentage, respectivement.

Toutefois, au-delà des questions du manque de représentativité, les projets d’infrastructures représentent un support essentiel sans lequel de hauts taux de croissance ne seraient pas possible sur le long terme. L’accumulation capitaliste à l’échelle mondiale s’oriente chaque fois plus vers l’Est, et le continent asiatique a un besoin urgent de mobiliser des ressources pour relier les réseaux régionaux de valeur, à travers par exemple la « Route de la Soie du 21eme siècle », une ceinture économique qui inclut un ample réseau de chemins de fer au niveau continental, qui reliera la Chine à l’Asie continentale, la Russie, l’Europe et peut être même au Moyen Orient. Selon les estimations de la Banque Asiatique de Développement, 8 milliards de dollars seront nécessaires entre 2010 et 2020 pour des projets nationaux, et 290 milliards de dollars pour des projets régionaux, en matière d’infrastructure. Toutefois les prêts faits par la Banque Asiatique de Développement pour un montant de 10 milliards de dollars, sont clairement insuffisants pour répondre au niveau de demande de crédit.

Face au ralentissement de la croissance de l’économie chinoise à des taux inférieurs à 8 % et à la faiblesse croissante de la demande externe, le financement de projets d’infrastructure à travers l’AIIB donnerait à l’intégration asiatique une poussée sans précédent, et la Chine jouirait d’un accès privilégié à des ressources naturelles stratégiques et a des marchés de consommateurs potentiels. La Chine est aujourd’hui le premier associé commercial de la plus grande partie des pays de la zone ; l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh, et le second du Sri Lanka et du Népal. En 2012, le commerce entre la Chine et les 10 membres de l’Association des Nations du Sud Est Asiatique (ASSEAN) a atteint un record de 400 milliards de dollars. Il est clair, qu’avant que Beijing aspire à conquérir l’hégémonie économique mondiale, il lui faudra consolider son leadership au plan régional. Et pas seulement en matière économique mais aussi par un grand équilibre géopolitique parmi les pays asiatiques afin de laisser de côté « la doctrine du pivot » impulsée par le Pentagone et le Département d’Etat.

Sachant que le Japon, la Corée du Sud, l’Indonésie et l’Australie n’ont pas souhaité appuyer la mise en route de l’AIIB à cause des pressions du Gouvernement de Barak Obama, le soutien majoritaire du continent asiatique a montré que les efforts faits par la Maison Blanche pour affaiblir l’intégration régionale sont extrêmement limités face à la diplomatie du yuan. De plus, la mise en place de nouvelles institutions défie clairement les piliers de Bretton Woods et accentue le processus de transition vers de nouvelles formes de gouvernement avec pour objectif la régionalisation financière. Peut-être qu’à un moment l’ère américaine s’écroulera brutalement face à l’éclat resplendissant du crépuscule asiatique centré sur l’ascension multipolaire de Beijing.

Ariel Noyola Rodrí­guez

Traduit de l’espagnol par irisinda


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