Non, ne laissons pas se banaliser la mort en manifestation

mercredi 12 novembre 2014.
 

Fort heureusement, le débat sur les responsabilités dans les évènements du Testet ont continué cette semaine. On n’en sera pas resté qu’aux batailles rangées dans la rue. Celles-ci ont en effet l’inconvénient d’offrir tous les prétextes à nos pires ennemis, de minoriser l’action en effrayant tout le monde. La violence est la plus grossière des récupérations politiques. Par contre, je dois dire que la façon dont Cécile Duflot a défendu les écologistes engagés dans la lutte contre le barrage du Testet a été exemplaire. Certes, EELV s’est beaucoup mis en avant. Le risque existe, là encore, de réduire la surface politique réelle des forces engagées dans ce combat.

Mais pour mes amis du PG, cela ne changera rien. Ils sont et resteront très présents sur place au Testet comme dans toutes les actions régionales et nationales sur ce thème. Comme ils le sont sur celui de la « ferme des mille vaches ». Et bien sûr à « Notre-Dame-des-Landes », où le rôle de nos amis est discret mais constant et apprécié. Car notre doctrine vis-à-vis des mouvements sociaux est que nous nous comportons à leur égard comme un comité de soutien et non comme un parti « guide » ou « d’avant-garde ». J’en profite pour ajouter : cela ne vaut pas seulement dans ce cas. C’est vrai aussi dans les luttes sociales en entreprise. Raison pour laquelle nous ne nous exprimons jamais sur les orientations des syndicats et ne demandons aux nôtres ni adhésions préférentielles ni regroupements internes dans les syndicats. Cette attitude n’est pas sans succès puisqu’elle permet à des dizaines de syndicalistes de tous niveaux de responsabilité et de toutes les organisations de se retrouver à l’aise au PG. Cette adhésion prend pour eux et nous le sens d’une aide à la capacité d’expertise et de rayonnement du parti. Et dans le syndicat, leur appartenance au PG vaut comme un label de refus des compromissions avec le PS, sa politique gouvernementale comme face à la droite. Ce point lui assure une estime croissante et démultiplie l’influence de nos idées.

Je crois aussi que dans l’opposition de gauche, de Duflot à Besancenot, chacun a joué le jeu de la protestation pacifique et de l’argumentation. Côté PS et gouvernement, ce fut l’inverse. C’est-à-dire une tentative acharnée d’assimiler le refus du projet de barrage à une incitation à la violence. Leguen, Cazeneuve et autres ont passé leur temps à ce dénigrement. J’ai été, moi aussi, bien ciblé par le ministre de l’Intérieur après avoir demandé sa démission. J’ai expliqué dans ce blog pourquoi je demandais cette démission. J’argumente dans un registre de principe. Je vais reprendre ici, pas à pas, mon explication. Le consentement à l’ordre public est la base de sa légitimité. En démocratie, l’ordre public est voulu par les citoyens car ceux-ci sont à l’origine de la loi. L’autorité du gouvernement démocratique repose alors sur la base de sa responsabilité politique dans l’application de la loi. Il doit donc l’assumer en toutes circonstances et à tout moment. Quant aux exécutants de l’action de « maintien de l’ordre » leur situation n’est pas du tout la même. Ils sont responsables de leur obéissance et du respect des procédures prévues par la loi, les règlements d’usage et consignes d’usage du matériel qui leur est remis. Leur responsabilité sur leurs actes souligne la difficulté du métier. Mais elle n’annule pas la responsabilité des chefs politiques. Voilà pourquoi Bernard Cazeneuve doit démissionner, selon moi. Lui l’écarte d’un ton martial : « jamais »… Sa technique consiste a se défausser sur le tireur que la justice est chargée de trouver ! « Pourquoi est-ce que j’aurai démissionné alors que mon administration a été mise en cause injustement, qu’on me reprochait d’avoir donné des ordres que je n’ai jamais donnés, que des gendarmes – qui sont des fonctionnaires humbles qui ont le sens de la République, qui ont l’esprit de service public – se trouvaient exposés et qu’aujourd’hui ils se trouvent en accusation, il faudrait que je les lâche face à cette injustice, face à cette série d’accusations sans preuve, non. Un chef ne laisse pas ses troupes sur le bord du chemin lorsqu’elles sont attaquées. » (RTL, 3 novembre). Habile.

Cazeneuve oublie qu’il n’est pas « chef » de la police mais ministre de l’Intérieur. Il n’est pas délégué syndical policier mais représentant de l’autorité politique ! Mine de rien, au lieu d’assumer la responsabilité politique, il la reporte sur ses subalternes. « Il y a toujours des gens qui chassent en meute, qui demandent des têtes avant même que la justice ait fait son travail. » (Mardi 28/10, Public Sénat, jour de ma demande de sa démission). Ici la responsabilité de la situation n’est donc plus du ressort du politique qui donne les ordres mais de l’exécutant ! Donc Cazeneuve a tranché : le responsable c’est le tireur, pas lui. Il va même va plus loin. « Il est tout à fait normal que l’on attende que les enquêtes aillent à leur terme, établissent des responsabilités avant de sanctionner. C’est comme ça que fonctionne l’Etat de droit, on n’est pas dans un pays de justice expéditive n’en déplaise à monsieur Mélenchon et d’autres. » (France Info, jeudi 30 octobre). C’est donc parfaitement clair : la justice va désigner le coupable dans les rangs de ceux qui étaient en action.

Comme d’habitude les médias ont servi le plat au ministre. Ainsi sur Europe1, 29 octobre. La question était « Est-ce qu’il a des politiques “derrière” les casseurs », sans citer de nom. Cazeneuve n’attendait que ça. « Cette violence elle est partout. Elle est parfois aussi verbale, elle est intolérable, c’est la raison pour laquelle j’appelle, constamment, inlassablement, à la responsabilité de ceux qui ont une parole publique ». J’ai dit sur « Canal+ » que je m’oppose à la violence dans les manifestations. Besancenot a dit que casser des vitrines ne faisait pas partie des méthodes révolutionnaires ! Qu’importe à Cazeneuve ! Pour lui, il s’agit d’assimiler l’opposition de gauche aux violences. Il s’agit pour lui de stigmatiser ses adversaires politiques plutôt que de concourir à l’apaisement dont il se réclame. « Quand je vois par exemple que Jean-Luc Mélenchon explique ce matin que j’ai donné des instructions que des violences policières soient commises à Sivens, (…) ce que dit Jean-Luc Mélenchon est très précis, il dit : il y a eu des instructions de données de violences policières, et c’est la raison pour laquelle le ministre de l’Intérieur doit démissionner. Et tout cela est faux… (…) non seulement je n’ai pas donné des instructions mais j’ai donné des instructions inverses » (Lundi 3 novembre RTL). À quoi faisait référence Bernard Cazeneuve ? Je n’ai pas parlé le lundi 3 novembre au matin ! Supposons que ce soit mes propos de la veille, quand j’ai participé au sit-in pacifique au « Mur de la paix ». Je n’ai jamais dit qu’il avait donné des instructions en faveur de violences délibérées ! Par contre je note que le ministre reconnaît avoir donné des « instructions contraires ». C’est donc que les violences délibérées étaient envisagées ? Par qui ? Les gradés sur le terrain ? Le préfet ? Qui ? On a compris.

Cazeneuve se défausse pour mieux impliquer un lampiste. Cette méthode va introduire un grand trouble dans les effectifs, croyez moi. Quand un ministre se défausse sur les exécutants, l’autorité de l’Etat n’étant plus située ni assumée, c’est sur le terrain que ça va se décider et ça c’est très mauvais ! En attendant, aujourd’hui, il y a deux lignes à propos des évènements du Testet et de la mort de Rémi Fraisse. Pour moi Cazeneuve est responsable. Mais pour Cazeneuve c’est un gendarme qui est le seul responsable et la justice va dire lequel. Je doute que son attitude améliore l’autorité de l’État… Et Hollande dans tout ça ? Qui ça ?


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