Le banquier Macron, le nouveau vizir qui guette…

lundi 20 octobre 2014.
 

La place du grand vizir sous les yeux amusés du calife. Comme Valls veut tomber à droite, la Cour tient déjà son objet de substitution. Cet homme est entièrement dépouillé des oripeaux qui rattachent encore et malgré lui un Manuel Valls à la gauche officielle par l’histoire de son passé sulfureux à l’UNEF et dans les réseaux trotskistes secrets décrits par le livre de Laurent Mauduit, journaliste à Médiapart. Cet Emmanuel Macron n’a strictement rien à voir avec notre histoire, nos mots, notre pensée. Ni de près ni de loin. Il est donc parfait pour ce que Hollande doit faire. Mais d’après moi, sa sortie bestiale contre les indemnités chômage, les allocations familiales et les salaires n’est pas l’essentiel. C’est seulement sa façon de ne pas laisser Valls occuper seul le territoire de la remise en cause des « tabous » pour reprendre le mot qui annonce toujours les grandes remises en cause des acquis sociaux. Quand Manuel Valls partira, il y aura pire sous la main et les marchés n’auront pas besoin de s’inquiéter.

En réalité le banquier Macron fait un aveu. Il dit que le gouvernement a « six mois pour inverser la courbe du doute ». Pourquoi six mois ? Pourquoi pas sept ou huit ou un an ? Parce que dans six mois, le PS va se prendre une nouvelle et démesurée raclée électorale avec les élections cantonales. Donc juste après, il faudra « faire quelque chose ». Surtout que six mois plus tard, avec les régionales, les électeurs voudront mettre la deuxième couche, si rien ne bouge. Que voulez-vous qui bouge sinon en pire ?

Hollande devra donc « agir ». Changer une nouvelle fois de gouvernement et de Premier ministre, l’actuel ayant échoué dans tous les domaines après avoir envoyé dans l’opposition tous les alliés du PS ? Dissoudre l’Assemblée ? Changer de gouvernement ferait remake. Et pour quel résultat ? Mais la droite de retour serait un pur délice pour le grand chef des bras cassés du pouvoir. Car elle aura juste a faire le pire du sale boulot avant 2017. Et les ordres de la Commission Européenne sont les ordres. Resterait à Hollande juste le miel du commentaire perlé et de la zizanie à entretenir partout. Des dizaines de députés frondeurs au tapis, un PS tétanisé, les primaires à l’eau !

Waaaaoooo ! Enfin Hollande aurait un monde à sa mesure, celui des intrigues, des complots, des gens montés les uns contre les autres, des vieilles dentelles et jeunes poisons. Je sais bien que c’est de la politique fiction. Mais quoi ! Ce que je vois est hors norme ! Quel pouvoir dans le monde est maintenu quand il ne parvient pas à avoir la majorité des députés pour lui voter la confiance ? Où déclenche-t-on une guerre qui tourne à l’eau de boudin sans vote du Parlement. Où les ministres ont-ils le pouvoir de n’en faire qu’à leur tête et de démentir le chef de l’Etat ailleurs qu’ici ? Et où ailleurs se font-ils rappeler à l’ordre par le chef du parti censé être au pouvoir ? Combien de temps ces gens vont-ils défier les lois de la pesanteur ? Croyez-moi : j’ai vu beaucoup de choses déjà et pas seulement en France. Je vous dis que tout cela ne tient qu’à un fil. Un conseil qui ne doit rien à la superstition : ne passez pas sous les échafaudages : c’est là que tombent les objets du chantier.

Le radeau de la méduse du pouvoir actuel, par anticipation, aimerait désorganiser assez les prochaines élections pour qu’elles ne veuillent rien dire. Ou alors seulement le numéro habituel de glorification du Front National qui permet de préparer le fumeux « Front Républicain », ce pendant du « vote utile » au deuxième tour, pour contraindre les gens à voter PS ou UMP. Pour y parvenir, la dictamolle de François Hollande et Manuel Valls étend son moyen de prédilection : l’étouffement du débat politique. A l’occasion du projet de budget 2016, le gouvernement a donc repris une tentative pourtant avortée lors des élections européennes : supprimer les envois de profession de foi à chaque personne inscrite sur les listes électorales. Il est question cette fois ci des cantonales et des régionales. Et avec quel argument ? La recherche d’une meilleure maîtrise des coûts et… un meilleur impact environnemental. Oui, le gouvernement de Notre-Dame-Des-Landes, de la ferme des mille vaches, du barrage du Testet, des centrales nucléaires, de la fin de l’écotaxe et tutti quanti ose même mettre en avant l’argument du « respect de l’environnement ». ! C’est lourd, non ? Mais ça peut être efficace.

Ceux qui jettent des larmes de crocodiles sur l’abstention font tout en réalité pour l’augmenter. Si la traditionnelle enveloppe avec les professions de foi et le bulletin de vote n’est plus envoyée, que se passera-t-il pour les personnes sans internet ? Et pour celle qui le maîtrisent mal ? Et pour ceux qui n’ouvrent pas leur boîte mail ? Bref, un nombre considérable de personnes ne seront plus sollicitées et elles n’auront plus accès aux programmes des candidats. Ainsi l’espace public, l’agora du débat, se réduit jusqu’au néant. Impossible déjà de distribuer des tracts dans les centres commerciaux, espaces privés. Parfois, il est impossible de vendre des journaux dans la rue. Souvent, il est impossible d’entrer dans les immeubles pour distribuer des tracts dans les boites aux lettres, ni d’aller faire du porte à porte pour cause de digicodes partout. Dans l’espace audio-visuel c’est pire. A chaque élection se confirme l’inégalité de traitement entre partis et candidats par les différents médias, inégalité entérinée par la passivité du CSA. Les manipulations par les sondages sont sans bornes et la commission censée les surveiller ne sort de son hibernation que si le pouvoir en place le lui ordonne.

On sait bien que c’est un effet de système. Quand « une seule politique est possible », à quoi bon dépenser de l’argent et perturber le « temps de cerveau disponible » du client/consommateur à discuter de politique ? Telle est la logique à l’œuvre. Avec l’espoir, chez ces gens-là que le peuple finisse par se lasser de s’occuper de ses affaires. C’est ça la dictamolle. Après quoi dira-t-on que le thème de la reconstruction de la souveraineté du peuple est une question abstraite ? La sixième République est incertaine ? C’est sûr. Il faut donc agir pour convaincre. Car si rien ne change, la dictamolle sera vite une dictature bien plus dure. De fait elle l’est déjà au plan social et économique. La sphère politique est le lieu où elle doit à présent devenir la règle sans faille. Telle est la pente de cette cinquième République que le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont aggravé.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message