Quand Bayrou refusait la laïcité et la loi sur les insignes religieux à l’école

lundi 26 février 2007.
 

M. Bayrou a pris une position nette le 3 février 2004. Rappelant l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui dit que " nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ", il refusa de voter un texte rappelant un des piliers de la société française.

M. Bayrou s’expliquait : " Autrement dit, encore, sauf à démontrer que le port d’un insigne religieux est nuisible à la société, nul n’a le droit de l’interdire ".

Les quelques extraits du débat à l’Assemblée Nationale sont très clairs : M. Bayrou exprime le souhait de ne pas froisser les différentes religions, bien au contraire il se fait leur porte parole. Sur un groupe de 30 députés UDF, 12 se sont abstenus (dont M. Bayrou), 4 ont voté contre, 13 ont voté pour.

Quelques années après ce débat, le problème est devenu marginal, alors que l’accès de la femme aux soins à l’hôpital est remis en question au nom de principes religieux extrêmistes.

Voici quelques extraits des débats à l’Assemblée Nationale du 3 février 2004, des positions de M. Bayrou, et des explications du vote courageux d’abstention du groupe UDF le 10 février 2004.

M. Bayrou : " Vous appelez le Parlement à voter une loi sur le port des signes religieux à l’école. Or, il n’y a pas matière à loi. Bien sûr, il y a un problème, qui touche à l’équilibre dans notre société, et à l’autorité dans l’école. Mais votre projet de loi n’est pas la bonne réponse. Il ne changera rien à la situation actuelle, au contraire ! Cela étant, le sujet est difficile, et il faut s’exprimer avec le souci des nuances. On pouvait imaginer de reprendre la question en profondeur, comme le préconisait la commission Stasi, et de présenter une grande loi sur l’intégration. Cette tâche aurait été difficile, mais sage. Vous avez préféré présenter un texte de deux lignes qui ne traite pas de l’intégration, et qui ne changera rien...

On se crispe sur un problème ultra-minoritaire, alors que le vrai défi est celui de l’intégration sociale et professionnelle... Vous offrez un magnifique cadeau aux intégristes en faisant de cette question un problème religieux, et en accréditant auprès d’une grande majorité des musulmans de France l’idée qu’ils sont rejetés. Vous faites encore le lit de l’extrême droite qui ne rêve que de stigmatiser l’immigration pour faire flamber la fièvre électorale. En agissant ainsi, vous portez atteinte à l’esprit de la laïcité. La laïcité n’est pas l’ennemi de la conviction religieuse, mais la prise en compte de toutes. Or, pour beaucoup, le spirituel est le plus précieux de leur être. Plusieurs ministres de l’éducation nationale ont souhaité que l’école transmettre aussi l’histoire des religions.

La laïcité est simplement le refus qu’un dogme s’impose dans la sphère publique. Je crains le gâchis. D’abord, dans la société française. Qui peut prétendre que l’on y voit plus clair aujourd’hui ? Et puis sur le plan international, le ministre des affaires étrangères l’a dit dans un séminaire intergouvernemental. Ce projet est souvent perçu comme une régression, dans le monde arabe, mais aussi dans le monde anglo-saxon,...

Le droit français prévoit explicitement que toute interdiction doit être justifiée par un trouble particulier à l’ordre public : c’est donc affaire de circonstances, de temps et de lieu (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Quant aux incertitudes actuelles, elles demeureront après le vote de la loi - à moins qu’un sémanticien de génie ne vienne nous expliquer la différence entre " ostentatoire " et " ostensible " (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).... La loi ne changera rien, ne facilitera rien, et son application dépendra toujours du juge. Il en irait autrement si, comme certains le proposent autour du Président Debré, on choisissait le terme " visible ". Dans ce cas, les choses seraient claires, mais le texte serait inconstitutionnel... car contraire aux droits de l’homme, ces droits sacrés que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen a codifiés avec une clarté admirable en 1789...

Tous les instruments juridiques nécessaires existent pour réprimer et sanctionner les troubles à l’ordre public et le non-respect de la loi - y compris lorsque des élèves refusent d’assister à certains cours, ... Si ce choix avait été fait, nous n’aurions pas ce débat confus, qui donne le sentiment que la laïcité devient hostile au fait religieux, qui suscite l’inquiétude de certains de nos concitoyens, qui donne au monde l’impression que la France s’en prend aux droits de l’homme... et qui tend à faire croire aux Français que la loi va régler la question, alors qu’il n’en est rien. S’il s’agissait d’affirmer l’autorité, une circulaire suffisait, mais s’il s’agit d’intégration, le texte est insuffisant. Voilà pourquoi le groupe UDF ne pourra le voter en l’état (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). "


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