Tribune
POLITIQUE DE L’OFFRE /POLITIQUE DE LA DEMANDE. Les véritables raisons et enjeux
A écouter les "experts" en économie, c’est-à-dire ceux qui participent, en appui des politiciens, à la fabrication de l’ « opinion publique », le choix d’une politique économique serait entre ces deux options. Pourtant à y regarder de plus près, les choses sont plus complexes.
Une politique de la demande est une politique économique qui se fonde sur une augmentation de la demande (d’où son nom) afin de réactiver la consommation, donc la production… et ainsi la relance de la croissance. Cette action se double d’une politique d’investissements publics permise par une augmentation des dépenses publiques.
Inutile de disserter longuement pour se rendre compte que nous ne sommes pas aujourd’hui dans ce schéma.
Une politique de l’offre est une politique économique qui se fonde sur la suppression de tout ce qui peut entraver l’action des entreprises : fiscalité, coût de la force de travail, législation sociale,… C’est à cette condition que l’offre peut se développer (d’où son nom) et relancer la croissance.
Inutile de disserter longuement pour se rendre compte que nous sommes aujourd’hui, plutôt dans ce schéma.
On comprend tout de suite pourquoi une politique de la Demande a été qualifiée, plutôt de gauche et une politique de l’Offre, plutôt de droite. Pourtant, des formations politiques de droite ont mené des politiques de la demande et des formations politiques de gauche ont mené des politiques de l’offre… Alors ?
Que faut-il penser d’un tel imbroglio ?
Pour comprendre il faut revenir aux fondamentaux du système économique capitaliste.
1- Une entreprise est faite avant tout pour valoriser le capital que l’on y investit…pas pour créer des emplois. La production n’est qu’accessoire… la preuve, on l’arrête quand ce n’est plus rentable de produire.
2- Le salarié n’est qu’un facteur de production. Il crée la valeur, par son travail, mais est rémunéré à la valeur de sa force de travail (ce dont il a besoin pour vivre). Son salaire est un coût de production.
3- Le capital technique, les machines, permet au salarié d’être efficace dans son acte de production. Le progrès technique en augmentant la productivité du travail humain, relativise, quantitativement, sa présence dans la production. Plus la machine est performante, moins on a besoin du salarié.
4- Le profit, la part de la valeur produite par le salarié, mais qui ne lui est pas restituée, appartient exclusivement aux propriétaires du capital (les actionnaires). Notons que les salariés n’ont aucun droit sur lui puisqu’ils ont été rémunérés à la valeur de leur force de travail (marché dit « du travail », en fait « de la force de travail »).
5- La gouvernance de l’entreprise est constituée par l’assemblée générale des actionnaires (les propriétaires du capital). Notons que les salariés n’ont aucun droit dans ce domaine.
6- Le droit – social - des salariés n’est que le produit de leurs luttes. Rien n’a été accordé par le capital, tout a été conquis, soit par la force, soit par la peur.
Il ne faut jamais perdre de vue ces fondamentaux qui sont la boussole de toute politique économique.
La politique de demande exige, pour le pays, une certaine stabilité, tant sur le plan intérieur qu’extérieur.
sur le plan intérieur : une diversité dans les productions… sans pour cela être autarcique, l’économie produit à peu près de tout. Un niveau de compétence de la force de travail et un coût (salaire) compatible avec l’investissement en capital. Une autorité de l’Etat en matière de décision économique, de fiscalité et de maîtrise de la monnaie.
Sur le plan extérieur : des marchés en expansion capables d’absorber une production spécialement produite pour l’exportation.
On reconnaîtra ici une situation qui correspond à la période de l’après guerre, cette période des « trente glorieuses » caractérisée par une économie intérieure diversifiée et une force de travail territorialement stabilisée. Ainsi, la relance peut se faire par une augmentation des salaires, ce qui accroît la demande en biens et services produits localement et satisfait les entreprises qui voient leurs profits augmenter.
Ce type de politique, sans pour cela être idyllique, permet à la fois de répondre aux exigences du capital et de satisfaire à des conditions salariales et sociales compatibles avec la paix sociale…
Pour comprendre pourquoi la politique de l’offre aujourd’hui, raisonnons à l’envers. Imaginons que l’on applique aujourd’hui une politique de la demande.
Peut-on relancer la production – la croissance – par la demande ? Certainement pas ! Pourquoi ? Parce qu’une bonne partie de la consommation portera sur des produits importés c’est-à-dire que nous ne produisons plus,…le surplus d’achat ne bénéficiera pas , ou peu, aux entreprises locales. Par contre, une augmentation des salaires grèvera leurs finances et amputera les profits,… ce qui entraînera un désengagement des investisseurs financiers dont on connaît aujourd’hui la rapacité (supérieure à celle de leurs prédécesseurs). Une telle situation mettant en difficultés des entreprises, celles-ci ont des chances de se délocaliser, et ce d’autant plus qu’elles peuvent trouver ailleurs une main d’œuvre moins chère… ce qui accroîtra la crise. Ajouter à cela les contraintes économiques venant des engagements européens et l’on comprend aisément pourquoi une politique de la demande est impossible. Bref, les nouvelles conditions d’existence du capital (mondialisation, financiarisation) sont incompatibles avec une politique de la demande.
Mais que peu apporter alors une politique de l’offre ? Elle permet, ou doit pouvoir permettre, d’accroître la compétitivité des entreprises, autrement dit de les adapter aux normes de compétitivité du marché désormais mondialisé… C’est une des conditions pour qu’elles ne se délocalisent pas,… encore que ! Le revers de la médaille est une politique salariale drastique, aussi bien en terme de revenus que d’emploi. C’est ce qui explique la baisse du pouvoir d’achat, le chômage et un haut taux de profit.
Si la Gauche donne l’impression « d’être à gauche », c’est parce que les conditions d’existence du Capital le permettent. Les marges de manœuvre d’un « pouvoir de gauche » sont fonction des conditions économiques du moment… car un « pouvoir de gauche » gère avant tout le système capitaliste suivant des règles qu’il ne peut, ou ne veut pas transgresser.
Que l’on remonte au Front Populaire, à la Libération, à 1981, comme aujourd’hui, les règles immuables du Capital se sont imposées dans des conditions historiques certes différentes mais donnant l’illusion d’un progrès social irréversible. Aujourd’hui ce que l’on appelle le social libéralisme n’est que l’adaptation d’un discours « de gauche » aux exigences mondialisées d’un capital désormais hors de tout contrôle politique.
Pas plus la Droite que la Gauche, le Centre ou la gauche de la Gauche n’ont une politique capable de nous sortir de la situation actuelle. Quant à l’extrême droite, sans jamais remettre en question les fondamentaux du système, elle surfe sur les peurs, les frustrations, promettant des solutions irréalistes et jouant sur une montée des haines qu’elle attise afin d’asseoir un pouvoir fort… qui finalement sera celui du Capital. L’Histoire du 20e siècle nous donne un bon exemple de ce processus.
L’avenir n’est plus dans ces politiques économiques aléatoires et inégalitaires… c’est le fondement même du système marchand qui est incompatible avec le respect de l’environnement et du genre humain… Il est temps de chercher et de trouver de nouvelles voies…
Patrick Mignard
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