Hollande bafoue la souveraineté du peuple

jeudi 4 septembre 2014.
 

Le 25 août, l’Elysée publie sur son site internet le communiqué suivant :

« Démission du gouvernement

Le Président de la République a reçu ce matin le Premier Ministre. Manuel VALLS a présenté au Président de la République la démission de son Gouvernement.

Le chef de l’Etat lui a demandé de constituer une équipe en cohérence avec les orientations qu’il a lui-même définies pour notre pays.

Sa composition sera annoncée dans la journée de mardi. »

Ce communiqué fait suite aux propos critiques d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon vis-à-vis de la politique économique menée par François Hollande et Manuel Valls : les deux premiers souhaitent une politique de la demande et de la relance ; les deux autres persistent dans la politique de l’offre et de l’austérité.

Mais ce qui m’intéresse ici n’est pas de faire l’historique des déclarations. Ni même de savoir qui a raison ou tort d’un point de vue économique (on le sait déjà, étant donné que la politique de Hollande et Valls ne fait qu’augmenter le chômage). Ce qui m’intéresse, c’est cette phrase du communiqué de l’Elysée : « Le chef de l’Etat lui a demandé [à Manuel Valls] de constituer une équipe en cohérence avec les orientations qu’il a lui-même définies pour notre pays ». Plus précisément encore, c’est ce petit bout de phrase qui m’intéresse : « les orientations qu’il a lui-même définies pour notre pays ».

Cette phrase montre à elle seule combien François Hollande est désormais éloigné du peuple. Elle montre parfaitement à quel point la Ve République est un régime autoritaire où un individu (le président) peut décider seul pour tout un peuple. J’utilise à dessein l’expression « régime autoritaire » parce que le manque de charisme, l’humour à deux balles et la bonhommie apparente de François Hollande tendent à masquer la puissance réelle que lui donne la Constitution (ou, pour être plus exact, « la pratique constitutionnelle ») et dont il vient de faire la démonstration par ce communiqué.

Qu’on s’interroge un peu sur ce qui est en train de se passer. Toutes les enquêtes d’opinion montrent que moins de 20% des Français soutiennent la politique de François Hollande. Les sondages valent ce qu’ils valent, mais quand les chiffres sont aussi écrasants, ils ne laissent guère de place à une marge d’erreur. De toute façon, il suffit de discuter avec des gens pour apprécier combien même ceux qui ont voté pour lui au premier tour sont désormais déçus. Et, en dépit de tout cela, Hollande persiste à mener la même politique ; il vire désormais immédiatement ceux qui ont décidé de critiquer ses choix économiques.

La question qui reste en suspens est la suivante : quelle est la légitimité de François Hollande pour faire appliquer « les orientations qu’il a lui-même définies pour notre pays » ? Quelle légitimité a-t-il pour faire nommer ministre de l’Economie Emmanuel Macron, un ancien banquier d’affaires de chez Rothschild, passé par la pro-américaine « French-American Foundation » et qui a participé en 2014 à une réunion du groupe Bilderberg (c’est à dire de l’oligarchie mondiale) ?

Hollande n’applique pas son programme

En théorie, la légitimité du président de la République procède du suffrage universel direct et, en votant pour lui, le peuple accepte une délégation de sa souveraineté pour cinq ans. Oui mais voilà : le peuple a accepté une délégation de sa souveraineté sur la base d’un programme et sur la base des déclarations de François Hollande candidat. Or, aujourd’hui, le président de la République n’applique rien de ce qu’avait promis le candidat. Je veux en donner quelques exemples :
- François Hollande écrivait dans son programme (page 3) : « Je renforcerai le Parlement ». Aujourd’hui, il essaie de le mater.
- Il écrivait (engagement n°2) : « Je ferai des PME une priorité ». Aujourd’hui, il donne 40 milliards d’euros de cadeaux fiscaux au Medef (c’est à dire aux grands groupes) et il assèche la consommation populaire dont ont besoin nombre de PME non plus pour vivre mais pour survivre : coiffeurs, boulangers, artisans, bouchers, maraîchers, etc.
- Il écrivait (engagement n°3) : « Je favoriserai la production et l’emploi en France en orientant les financements, les aides publiques et les allégements fiscaux vers les entreprises qui investiront sur notre territoire, qui y localiseront leurs activités et qui seront offensives à l’exportation. (…) Une distinction sera faite entre les bénéfices réinvestis et ceux distribués aux actionnaires ». Aujourd’hui, il ne favorise que les entreprises qui exportent et il ne se soucie pas que les bénéfices ne soient pas réinvestis et partent en dividendes.
- Il écrivait (engagement n°7) : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives. J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Il sera mis fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie. Je supprimerai les stock-options, sauf pour les entreprises naissantes, et j’encadrerai les bonus. Je taxerai les bénéfices des banques en augmentant leur imposition de 15 % ». Il n’a rien fait de tout cela.
- Il écrivait (engagement n°9) : « Le déficit public sera réduit à 3% du produit intérieur brut en 2013. (…) Pour atteindre cet objectif, je reviendrai sur les cadeaux fiscaux et les multiples « niches fiscales » accordés depuis dix ans aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises. Cette réforme de justice permettra de dégager 29 milliards d’euros de recettes supplémentaires ». Il a fait de nouveaux cadeaux fiscaux à hauteur de 40 milliards d’euros pour le grand patronat et saigne le peuple pour les financer.
- Il écrivait (engagement n°11) : « Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction ». Il a signé le traité sans le renégocier et n’a jamais réorienté le rôle de la BCE. La zone euro, en plus de connaître un chômage élevé, est désormais menacée par la déflation.
- Il écrivait (engagement n°14) : « Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail ». Il n’en a rien fait.
- Il écrivait (engagement n°24) : « Je mettrai en place un dispositif de notation sociale obligeant les entreprises de plus de 500 salariés à faire certifier annuellement la gestion de leurs ressources humaines au regard de critères de qualité de l’emploi et de conditions de travail ». Il ne l’a pas fait.
- Il écrivait (engagement n°25) : « Je défendrai l’égalité des carrières professionnelles et des rémunérations entre les femmes et les hommes. (…) Un ministère des droits des femmes veillera notamment à son application effective ». Il vient de fusionner le ministère des Droits des Femmes avec les Affaires sociales et la Santé ; autant dire qu’on n’entendra plus parler des écarts de rémunération, qui persistent toujours.
- Il écrivait (engagement n°30) : « Je lutterai contre le “délit de faciès” dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens, et contre toute discrimination à l’embauche et au logement. Je combattrai en permanence le racisme et l’antisémitisme ». Les Roms ont été autant stigmatisés sous son gouvernement que sous celui de Nicolas Sarkozy, les actes racistes sont en augmentation et Marine Le Pen est arrivée en tête aux européennes.
- Il écrivait (engagement n°35) : « Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions ». Il n’en a rien fait.
- Il écrivait (engagement n°48) : « J’augmenterai les pouvoirs d’initiative et de contrôle du Parlement (…). J’introduirai une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale ». François Hollande a au contraire une pratique très présidentielle de la Ve République et envoie son Premier ministre mater les parlementaires chaque fois qu’il le peut.
- Il écrivait (engagement n°50) : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans ». Il a reculé sur ce point.
- Il écrivait (engagement n°53) : « Les prisons seront conformes à nos principes de dignité ». Les prisons sont toujours insalubres et surpeuplées.
- Il écrivait (engagement n°54) : « J’engagerai une nouvelle étape de la décentralisation en associant les élus locaux (…). Je réformerai la fiscalité locale en donnant plus d’autonomie aux communes, aux départements et aux régions, en contrepartie d’une plus grande responsabilité ». Il a décidé de supprimer les départements (on voit mal comment il va leur donner « plus d’autonomie », du coup) et de fusionner plusieurs régions, sans associer qui que ce soit à sa décision.
- Il écrivait (engagement n°55) : « Je permettrai la présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration et dans les comités de rémunération des grandes entreprises ». On attend toujours.
- Il écrivait (engagement n°59) : « Je prendrai des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien ». Il a chanté « Laisse moi t’aimer » à Benyamin Netanyahou et sa gestion du dossier a été calamiteuse.
- Enfin, il disait « Mon adversaire, mon véritable adversaire (…), il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu… et pourtant, il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance ». Et qui met-il au ministère de l’Economie ? Emmanuel Macron, un homme de la haute finance, un homme qui a piloté chez Rothschild le rachat par Nestlé de la branche nutrition infantile de Pfitzer pour 9 milliards d’euros et a touché une partie de la somme.

On le voit : le président de la République n’applique pas ce qu’avait promis le candidat. Bien sûr, certains diront sans doute « il faut lui laisser du temps », « il reste encore trois ans », mais la ligne est désormais claire et le resserrement du gouvernement autour de Manuel Valls ne laisse aucun doute sur la politique qui va être appliquée : c’est celle qu’Hollande a « lui-même » définie. C’est à dire la politique de l’offre, la politique de l’austérité, la politique des cadeaux fiscaux aux riches et aux grandes entreprises mais des hausses d’impôts pour les classes moyennes et les PME, la politique de la droite allemande dirigée par madame Merkel, la politique des marchés.

Quelle légitimité a François Hollande pour faire cela ? On l’a vu : il ne respecte pas son propre programme. Mais il y a pire encore : il est écrit dans la Constitution de la Ve République que « la France est une République (…) démocratique et sociale » (article 1er), que « [Le] principe [de la République] est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 2) et que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice » (article 3). On peut donc dire que, dans une large mesure, François Hollande ne respecte même plus la Constitution d’où procède son pouvoir : il est en train de détruire la République sociale, il ne gouverne pas pour le peuple mais pour les marchés, il prive le peuple de sa souveraineté en ne l’interrogeant pas par référendum sur de grands sujets nationaux comme la réforme territoriale, la réforme des retraites ou encore les cadeaux fiscaux au patronat.

La souveraineté appartient au peuple

Comme l’a rappelé Jean-Luc Mélenchon à l’occasion de son discours du 24 août 2014, François Hollande écrivait en 2006 : « Je préconise un exercice de vérification démocratique au milieu de la législature. Si d’aventure, à l’occasion de cette vérification, une crise profonde se produisait, ou des élections législatives intervenaient, contredisant l’élection présidentielle, nous en tirerions toutes les conséquences en quittant la présidence ». François Hollande parlait encore d’une « vérification démocratique » et écrivait : « Le devoir de vérité, c’est d’être capable de dire : “Nous revenons devant la majorité, peut-être même devant le corps électoral afin de retrouver un rapport de confiance” ».

Aujourd’hui, parce que la Constitution de la Ve République ne prévoit pas de moyen de destituer le président sauf en cas de haute trahison, tout est suspendu au bon vouloir de François Hollande. Le peuple souverain n’a pas son mot à dire. Qu’y a-t-il encore de démocratique dans cette situation ? Rien. Nous vivons sous un régime autoritaire qui ne dit pas son nom. La Ve République est une monarchie au sens étymologique du mot, c’est à dire « le pouvoir d’un seul » qui commande à tous les autres.

Il est temps d’en finir avec ce système et d’envoyer promener la Ve République et l’oligarchie qui va avec. Le peuple doit être remis au centre du jeu. Ce pourrait être le cas, par exemple, en introduisant un « référendum révocatoire », c’est-à-dire la possibilité pour le peuple de révoquer un élu qui ne lui conviendrait plus. On imagine immédiatement ce qui se produirait avec Hollande : il serait viré séance tenante. D’autres mécanismes de ce type pourraient être envisagés, avec pour objectif commun de donner au peuple des capacités d’intervention dans les affaires de la patrie.

Dans son discours du 24 août 2014, Jean-Luc Mélenchon indique qu’il va désormais se mettre en pointe d’un mouvement pour la VIe République qui sera au-dessus des partis politiques et qui cherchera à impliquer et à fédérer le peuple lui-même autour d’une idée forte : la reprise en main par les citoyens des affaires qui les concernent. Il y a urgence, en effet : le monarque François Hollande fait fausse route. Tout le monde le sait, tout le monde le dit, y compris plusieurs prix Nobel d’économie, mais le président de la République fait mine de ne rien entendre et vire ceux qui ne sont pas de son avis. Il veut appliquer « les orientations qu’il a lui-même définies », c’est-à-dire les orientations définies par madame Merkel, c’est-à-dire les orientations définies par les marchés et les agences de notation. Pendant ce temps, le peuple souffre pour rien, pour rembourser une dette qui ne sera jamais payée et avec laquelle il n’a rien à voir, puisqu’elle est en grande partie le fruit du sauvetage des banques qui ont causé la crise.

Viendra le jour où le peuple décidera d’arrêter de souffrir, enverra promener l’oligarchie qui nous gouverne et décidera de reprendre en main les affaires de la patrie. Ce jour approche. Et nous allons tout faire pour qu’il arrive vite.

Antoine Léaument


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