Guido, enfant volé de la dictature argentine, petit-fils "récupéré" et homme heureux

dimanche 17 août 2014.
 

Sa mère, Laura Carlotto, avait été emprisonnée sous la dictature. L’enfant lui avait été retiré quelques heures après le baptême. Elle fut ensuite torturée et exécutée d’une balle dans la tête. Le père de Guido, Walmis Oscar Montoya, a été supprimé peu après l’arrestation.

Elevé sous le nom d’Ignacio Hurban à Olavarria, une petite ville agricole en pleine Pampa, à 350 km de Buenos Aires, ce pianiste et professeur de musique de 36 ans menait une existence tranquille jusqu’à début juin.

Ce n’est qu’il y a deux mois, à la suite "d’une série de hasards et de circonstances" qu’il n’a pas précisés, qu’il a découvert qu’il avait été adopté.

Il s’est alors soumis à des tests ADN qui ont révélé qu’il était le petit-fils biologique de Mme Carlotto, dirigeante historique des Grands-mères de la Place de Mai.

"Ma peur était de ne rien trouver, c’était une possibilité", a-t-il avoué lors de sa première apparition publique en compagnie de sa grand-mère Estela Carlotto.

Le doute n’a duré que quelques semaines. Il a appris mardi que ses parents, des Montoneros, une guérilla opposée au régime militaire, avaient été éliminés pendant la dictature militaire qu’a connue l’Argentine de 1976 à 1983.

Sa famille maternelle le cherchait depuis 36 ans, depuis la mort de sa mère Laura, étudiante à La Plata (60km de Buenos Aires), tout comme son père Oscar Montoya.

"Que ceux qui ont le moindre doute aillent voir les Grands-Mères, qu’ils fassent l’examen. Il faut le faire, a-t-il insisté, cela me semble nécessaire, pour construire la mémoire collective de l’Argentine".

- "La joie des autres" -

Ignacio Hurban ou Guido Montoya Carlotto ? "Je suis Ignacio, "Pacho" (son surnom)... mais pour eux je suis Guido", le nom que lui a donné sa mère à la naissance, dit-il en regardant sa grand-mère.

Il a été élevé à la campagne par un couple d’ouvriers agricoles, une "vie heureuse" au contact de la nature, des animaux.

Ses parents adoptifs avaient d’autres espoirs pour leur fils, et il a mis du temps à les convaincre à l’idée qu’il devienne musicien.

"Je ne savais pas d’où me venait cette passion pour la musique", dit cet auteur-compositeur et directeur de l’école de musique d’Olavarria.

Cette semaine, il a découvert que son père biologique avait la musique dans le sang et jouait du saxophone, comme son grand-père paternel, d’origine espagnole.

Sur son compte Twitter il a écrit : "un jour, j’aimerais me lever et être le pianiste que je rêve d’être, avant de me réveiller".

Sans savoir qu’il en faisait partie, il avait écrit une chanson, "Pour la mémoire", en hommage aux disparus de la dictature, environ 30.000, selon les organisations de défense des droits de l’Homme.

Sa grand-mère Carlotto, 83 ans, le décrit comme "un être humain merveilleux, sensible, intègre, toujours positif".

"Il est identique à son père", réagit la grand-mère Montoya, 91 ans, qui vit dans la province de Santa Cruz, en Patagonie.

Depuis qu’il a appris son lien avec la famille Carlotto, mardi, il est pris "d’émotions multiples". "La joie que je vois dans les yeux (d’Estela Carlotto), c’est hallucinant, ce que j’apprécie le plus c’est la joie des autres. Tout ce qui m’arrive, c’est magique".

"Les retrouvailles ont été merveilleuses", a-t-il lâché, en lançant un regard tendre à la vieille dame de 83 ans assise à côté de lui.

A La Plata, la ville de la famille Carlotto, il a fait la connaissance d’un oncle, deux tantes et 13 cousins. "Ca me fait drôle de voir une famille comme ça. Moi je viens de la campagne, j’ai grandi seul", dit ce fils unique.

Depuis la fin de la dictature, en 1983, 114 bébés volés de la dictature ont été retrouvés et identifiés par les Grands-mères de la Place de Mai sur 500, le nombre estimé des enfants arrachés à leur mère et confiés en adoption par le régime, le plus souvent à des militaires ou des policiers.

© 2014 AFP


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