« Fonds vautours » : l’Argentine porte plainte contre les Etats-Unis

mercredi 13 août 2014.
 

Saisissant la plus haute juridiction des Nations unies, Buenos Aires accuse Washington de violer sa souveraineté et son immunité judiciaire, après qu’un juge de New York a ordonné le blocage de remboursements de dette à des créanciers privés. Le feuilleton dure depuis des années et pour la première fois, l’Argentine s’en prend aux Etats-Unis, où l’indépendance de la justice est sacrée. « Etant donné qu’un Etat est responsable de la conduite de tous ses organes, les violations [du pouvoir judiciaire] ont provoqué une controverse entre l’Argentine et les Etats-Unis », affirme un communiqué de la présidence argentine.

La CIJ, dont les Etats-Unis ne reconnaissent généralement pas la juridiction, a précisé qu’aucune suite ne serait donnée tant que Washington n’aurait pas admis la compétence de ce tribunal international dans cette affaire. Si les Etats-Unis jugent que le contentieux ne relève pas de la CIJ, poursuit le communiqué argentin, ils auront « l’obligation d’indiquer un moyen alternatif pour parvenir à une solution pacifique dans la controverse actuelle conformément à la charte des Nations unies ».

BUENOS AIRES CONSEILLE À SES CRÉANCIERS DE CHANGER D’AGENT FIDUCIAIRE

Le chef du gouvernement argentin, Jorge Capitanich, avait eu des mots très durs contre les Etats-Unis, les accusant d’avoir une part de responsabilité dans l’échec des négociations entre son pays et les « fonds vautours », NML Capital et Aurelius. Après la crise économique de 2001 en Argentine, 93 % des créanciers ont accepté un allègement de dette et un rabais d’environ 70 %, alors que 7 % de « holdouts » ont refusé le marché. Quelques fonds spéculatifs conduits par NML Capital et Aurelius Management, représentant moins d’1 % des créances, ont porté plainte devant la justice américaine pour réclamer le remboursement total de leurs titres, soit 1,33 milliard de dollars (769 millions d’euros), et obtenu une victoire spectaculaire.

Buenos Aires n’a ainsi pas pu honorer une échéance de 539 millions de dollars (403 millions d’euros) car la somme, versée par la Banque centrale d’Argentine, a été bloquée sur un compte de la Bank of New York pour le règlement du contentieux avec NML et Aurelius.

L’Argentine refuse de payer aux fonds « vautours » ce que le jugement lui ordonne, invoquant que si elle verse la somme, elle viole la clause RUFO figurant dans les contrats de dette qui oblige de rembourser tous les créanciers selon les mêmes conditions.

Jeudi, l’Argentine a suggéré à ses créanciers restructurés de changer d’agent fiduciaire afin de toucher le remboursement de dette de 539 millions de dollars. D’après des avis diffusés dans la presse par le gouvernement argentin, les détenteurs de bons qui n’ont pas reçu leur paiement dû au 30 juillet peuvent invoquer le fait que « l’agent fiduciaire n’a pas honoré son obligation de transférer les fonds aux créanciers à qui ils appartiennent » pour en changer et en choisir un autre. Plus largement, Buenos Aires conseille aux créanciers restructurés d’envisager « les actions pertinentes pour faire valoir leur droit, tant que seront retenus de manière indue les fonds qui leur appartiennent ».

A) « Fonds vautour » : l’Argentine met en cause l’Etat américain

La crise de la dette argentine se double maintenant de tensions diplomatiques entre Buenos Aires et les Etats-Unis. Jeudi 31 juillet, lors de sa conférence de presse quotidienne, le chef du gouvernement argentin, Jorge Capitanich, a eu des mots très durs contre les Etats-Unis, accusant le pays d’avoir une part de responsabilité dans l’échec des négociations entre son pays et les fonds « vautours », NML Capital et Aurelius.

Jorge Capitanich a commencé par pointer la responsabilité du juge new-yorkais Thomas Griesa et celle du médiateur désigné par ce dernier, Daniel Pollack. Ces deux hommes supervisaient le dialogue entre l’Etat et les fonds spéculatifs :

« Si le juge est un agent des fonds spéculatifs, si le médiateur [judiciaire] est un agent à eux, de quelle justice parle-t-on ? Il y a dans cette affaire une responsabilité de l’Etat, des Etats-Unis, qui doivent garantir les conditions d’un respect sans restrictions de la souveraineté des pays. »

Mais, au lendemain de la fin des discussions entre l’Argentine et les fonds, le responsable de l’exécutif a surtout dénoncé un système. M. Capitanich a décrit un parti pris du pouvoir judiciaire que le gouvernement des Etats-Unis n’a pas combattu :

« Du fait de leurs mauvaises pratiques, les Etats-Unis sont responsables de ne pas avoir agi de manière adéquate. Et qu’ils ne sortent pas avec l’excuse que la justice est indépendante, car elle est indépendante de la rationalité et pas des fonds vautours (...). Cela ne peut pas continuer indéfiniment. »

Washington n’a pas encore répondu à ces accusations, mais le juge Thomas Griesa a annoncé qu’une nouvelle audience aurait lieu vendredi. Ces derniers jours, les discussions à New York ont tourné au dialogue de sourds.

Les fonds « vautours » et M. Griesa ont mis en avant que l’Argentine devait respecter la loi des Etats-Unis et appliquer un jugement l’ordonnant de payer 1,3 milliard de dollars (970 millions d’euros). L’Argentine leur rétorque que si elle signe le chèque demandé, elle viole une clause figurant dans les contrats de dette restructurée en 2005 et en 2010 libellés à New York, spécifiant qu’elle devait offrir les mêmes conditions à tous les créanciers.

L’espoir d’une solution passant par des banques privées argentines ayant proposé de racheter la dette s’amenuisait, mais des banques internationales entraient en jeu, selon la presse argentine. Le ministre de l’économie argentin, Axel Kicillof, avait promis dès mercredi soir que l’Argentine allait saisir des instances judiciaires internationales « pour faire valoir ses droits ». La présidente Cristina Kirchner, elle, devait s’exprimer en fin de journée.


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