COLOMBIE : 60 ans de guerre civile et enlèvement d’Ingrid Betancourt (le point de vue des FARC)

samedi 24 février 2007.
 

* Quelle est la situation en Colombie ?

En Colombie sévit un grave conflit social, politique et militaire. L’Etat colombien, soutenu par les multinationales, les propriétaires fonciers, les industriels et leurs représentants politiques, mène une politique criminelle envers le peuple. Le pays dispose d’importantes richesses minières (or, émeraude, charbon) et des réserves de pétrole. Le climat et le sol permettent la production de nombreuses variétés agricoles, telles que le café (2° rang mondial), la canne à sucre (10°), le cacao (9°)... Malheureusement, 1% de la population détient 45% des richesses, et 37 grands propriétaires se partagent plus de la moitié des terres cultivables.

* Pourtant le président colombien et son gouvernement sont élus démocratiquement ?

Des millions d’électeurs dans les régions contrôlées par l’armée et/ou les paramilitaires n’ont pas pu voter, ou ont été contraints de voter pour Uribe. Le système d’exploitation ne peut assurer des conditions de vie décentes qu’à une petite frange de la classe moyenne (fonctionnaires, policiers, commerçants) nécessaire pour la survie du maquillage démocratique. 65% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. C’est dans ce contexte que sont nées les FARC, en 1964, 16 ans après l’assassinat du candidat populaire Jorge Eliecer Gaitan, qui marquait le point de départ de la révolte paysanne.

* Qui sont les FARC ?

Les FARC-EP (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie - Armée du Peuple) sont une organisation politico-militaire marxiste-léniniste d’inspiration bolivarienne, fortement influencée dès ses origines par la révolution socialiste cubaine et les enseignements de Che Guevara. Ils sont le bras armé des pauvres du monde rural contre les classes riches de la Colombie et possèdent depuis 1982 le statut de "belligérants" au regard des conventions de Genève. De 48 membres à l’origine, ils sont passés à 6.000 fin 80 et environ 20.000 aujourd’hui (dont 35 à 40% de femmes).

* Certains prétendent que les FARC sont des terroristes ?

Les FARC sont apparues en 1964 en réponse au terrorisme d’Etat. La plupart des attaques de la guerilla visent les infra-structures, afin d’affecter les sources de financement de l’Etat dans sa guerre contre le peuple. Le président Uribe, pantin de Washington, représente la guerre, la corruption, l’abandon de la souveraineté nationale. Les FARC-EP luttent pour instaurer un nouveau pouvoir qui garantisse la paix, la démocratie, la justice sociale, et l’unité des peuples latino-américains.

* D’autres prétendent que ce sont des narco-trafiquants ?

Les FARC sont opposés au trafic de drogue, mais ils ne peuvent empêcher les petits paysans de cultiver la coca. En l’absence de réforme agraire radicale (redistribution des terres), la survie de nombreux paysans dépend de la drogue. Les FARC ne font que prélever une part (impôt révolutionnaire) sur les transactions.

* Pourquoi ne participent-ils pas à la vie politique traditionnelle du pays ?

En mai 1985, dans le cadre de négociations tentant d’apporter une résolution au conflit, naissait l’Union Patriotique. Ce parti d’opposition de gauche va connaître pendant 9 ans une tragédie, avec l’assassinat de 4.000 de ses militants et/ou sympathisants, notamment les candidats aux présidentielles Jaime Pardo Leal (1987) et Bernardo Jaramillo Ossa (1990), jusqu’à l’assassinat du dernier des membres de l’UP au Parlement, Manuel Cepeda Vargas (1994), 9e parlementaire de l’UP assassiné. En Colombie il n’y a jamais eu de démocratie. L’UP a été physiquement exterminée par les balles. Les crimes massifs commis contre l’UP constituent "une page honteuse dans l’histoire de notre pays" (F.SANTOS, vice-président, déclaration du 09/02/04)

* Pourquoi les FARC ont-il kidnappé Ingrid Betancourt ?

Le 20 février 2002, sous la pression des USA, le président Pastrana met fin au processus de paix avec les FARC-EP et leur lance un ultimatum de 48h pour quitter la zone démilitarisée (42.000 km2). 3 jours plus tard, Ingrid, en campagne présidentielle, décide quand même de se rendre dans cette zone avec 3 hommes et sa secrétaire. Pour les FARC, les membres de la classe politique, favorables au système "démocratique" colombien sont tous "scandaleusement indifférents au drame de la guerre vécue par le peuple". Ingrid ne fait pas exception à la règle.

* Mais pourtant c’est une femme ; cela ne fait-il aucune différence pour les FARC ?

Les FARC-EP sont une organisation féministe ; à ce titre ils ne font pas de distinction sexiste, que ce soit par rapport aux otages, ou bien au sein de la guerilla où les femmes peuvent obtenir des postes à haute responsabilité correspondant à leur mérite militaire. Par ailleurs, une dizaine de jours avant sa capture, Ingrid s’était déjà rendue dans la zone démilitarisée où elle avait violemment pris à partie Raul Reyes au cours d’une table ronde, condamnant fermement les pratiques de la guerilla. Difficile dans ces conditions d’espérer un geste de clémence de leur part...

* Pourquoi les FARC ont-ils libéré les 3 hommes qui accompagnaient Ingrid et pas Clara Rojas, sa secrétaire ?

Clara Rojas ne pouvait pas être considérée comme un otage politique. Les FARC souhaitaient la relâcher également, mais elle est restée par solidarité avec Ingrid. Elle a témoigné dans une vidéo de 2003 (www.e-monsite.com/amloc34/ru...) des très bonnes conditions de détention des otages, similaires aux conditions de vie des guerilleros. Depuis, elle a eu une liaison avec un guerillero et de cette union est né un petit garçon début 2005. On est bien loin des otages "ligotés et bâillonnés" qu’imaginent certains anti-communistes. Par ailleurs, les FARC mettent à disposition de chacun des otages une petite radio pour qu’ils puissent écouter en permanence les messages de leurs familles diffusés sur une station colombienne.

* Pourquoi l’Etat français ne verse-t-il pas de rançon ?

Les FARC ne réclament ni argent, ni armes, Ingrid est un otage politique et non économique.

* A quoi servent les otages politiques ? Comment faire pour obtenir leur libération ?

Les prisonniers politiques, qu’ils soient aux mains des FARC ou de l’Etat colombien, ne pourront être libérés qu’au travers d’un échange humanitaire, en accord avec les conventions de Genève réglementant ce type de conflit.

* Pourquoi le président colombien et les FARC refusent-ils cet échange ?

Les FARC ne refusent pas l’échange, bien au contraire ! C’est aujourd’hui leur objectif politique prioritaire ! Ils ont plusieurs fois libéré des prisonniers politiques (la dernière fois 2 policiers, en parfaite santé, le 25/03/06), en signe de bonne volonté, sans jamais aucune contre-partie. En revanche l’Etat colombien est opposé à l’échange, qui serait une preuve de faiblesse vis-à-vis de la guerilla, et le discréditerait aux yeux des USA, partisans de la manière forte. Par ailleurs 2 hauts responsables des FARC, la commandante Sonia, et Simon Trinidad, négociateur international des FARC pour l’échange humanitaire, ont été "extradés" (en réalité vendus) aux USA (quelques mois plus tard, Rodrigo Granda, autre négociateur mandaté par les FARC a été enlevé par des agents colombiens sur le territoire vénézuélien, au mépris des conventions entre les 2 pays). Ces actes irresponsables du gouvernements colombien, contraires aux conventions de Genève, compromettent sérieusement l’échange humanitaire de tous les prisonniers de guerre.

* Et le gouvernement français dans tout ça ?

Comme l’a dénoncé à demis-mots Mélanie, mardi dernier, la diplomatie française n’a absolument rien fait depuis 5 ans pour forcer Uribe à accepter l’échange humanitaire. Le gouvernement français est solidaire des gouvernements colombien et américain. Ces gens-là ont une solidarité de classe, ils sont donc logiquement opposés, entre autres, à la classe paysanne et aux FARC-EP, et engagés dans une lutte sans merci contre tous ceux qu’ils appellent les "terroristes", bien souvent les groupes politiques et/ou militaires issus du peuple et opposés à leurs propres intérêts.

* * * * *

Discussion entre un otage (sénateur) et un commandant guerillero :

<< Il crait, il pleurait : "Pourquoi moi, que va devenir ma famille, que vous ai-je fait ?". Je lui ai répondu : "Vous appartenez à la classe politique. A cause de vous, j’ai passé une enfance sans école, sans médecin, dans le plus total dénuement. A cause de vous, ma famille n’a connu que la misère. A cause de vous, je n’ai eu d’autre choix que de prendre les armes. A cause de vous, je mourrai dans ces montagnes. Alors ne vous plaignez pas." >>

CITATIONS

"Le guerillero est un réformateur social. Il se bat pour changer le régime qui maintient tous ses frères désarmés dans l’opprobre et la misère. Le guerillero est, fondamentalement et avant tout, un révolutionnaire agraire." (Ernesto "Che" GUEVARA, février 58)

"S’il [Uribe] ne veut pas s’asseoir avec les FARC, eh bien qu’il le dise... Il y a trop de voix officielles disant oui, disant non, disant peut-être, impossible, possible. Cela ne donne pas confiance aux FARC." (James LEMOYNE, émissaire de l’ONU, El Tiempo, 18/05/03)

"Les FARC ne sont pas un groupe de terroristes, ce sont des belligérants, ce sont 20.000 hommes (NDLR : et femmes !) qui combattent depuis 40 ans." (F.DELLOYE, 1er mari d’Ingrid, 23/02/05)

Sur les crimes commis par l’armée : "Dans certains cas, les commandants de l’armée eux-mêmes ont soutenu ce procédé qui consiste à habiller leurs victimes [civiles] avec des vêtements de guerilleros pour cacher les faits et simuler un combat." (rapport de l’ONU, février 2006)

"Je ne justifie pas les actions sauvages de la guerilla [...] mais je comprends que ça existe en Colombie à cause du manque de pensée au peuple, de travailler vraiment pour le peuple. [...] Au fond de lui, il [Uribe] ne veut pas de l’accord humanitaire. [...] En Amérique du Sud, c’est le seul qui est encore aux côtés de Bush [...] Il est pour la guerre, pour la violence, il ne veut pas établir de dialogue." (Yolanda PULECIO, maman d’Ingrid, interview radio, novembre 2006)

"Les FARC ont, ont eu, et auront toujours comme objectif politique l’échange de prisonniers." (Raul Reyes, porte-parole des FARC)

LIENS


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message