Comment le Medef passe commande auprès des députés européens pour défendre ses intérêts ?

mercredi 25 juin 2014.
 

Le rayon « prêt à penser » de l’organisation patronale est bien achalandé ! L’eurodéputée (PS) Sylvie Guillaume en apporte la preuve en rendant publique une lettre datée du 5 juin, signée de Pierre Gattaz dans laquelle il fait connaître ses exigences, considérant les élus du peuple comme des factotums à son service.

Ce n’est pas une surprise, l’organisation patronale est avant tout un puissant lobby qui a pour ambition de faire gagner toujours plus d’argent à ses adhérents, notamment en tentant d’obtenir pour eux un cadre législatif « favorable », c’est-à-dire réduisant à peau de chagrin les droits sociaux et environnementaux.

Comme nous vous le révélions dans un article concernant la réponse au questionnaire envoyé par le CCFT aux entreprises du Cac 40 à propos de leurs engagements concernant la protection des employés sous traitants, un an au Bangladesh, l’atelier textile du Rana Plazza entraînant la mort de 1138 personnes qui fabriquaient des vêtements pour le compte d’enseignes européennes, le MEDEF n’avait pas été avare « d’éléments de langage » afin d’aider ses adhérents à remplir leur copie (voir notre enquête ici)…

Le rayon « prêt à penser » du MEDF est d’ailleurs si bien achalandé qu’il existe des textes et des recommandations pour toutes les situations et pour tous les destinataires. Ainsi que nous l’apprend l’eurodéputée (PS) Sylvie Guillaume qui a rendu publique une lettre datée du 5 juin, dans laquelle sous la plume de son président, l’organisation patronale fait connaître ses exigences, non pas à ses adhérents cette fois, mais à une grande majorité des élus du peules lors du dernier scrutin européen.

Les élus ciblés par le MEDEF (tous sauf ceux d’Europe Ecologie les Vert et du Front de gauche !) sont invités à aller siéger dans des commissions précises tout en mobilisant tous leurs « leviers d’influence ». Sans complexe, l’organisation patronale dicte clairement ses ordres aux députés européens, à qui elle s’adresse comme à ses employés pour défendre ses intérêts

Les élus sont ainsi infantilisés par le MEDEF qui, pour mieux les instrumentaliser leur explique dans quelles commissions siéger et quels sont les enjeux en terme d’influence des postes visés. « Il est essentiel que les eurodéputés français puissent siéger dans les commissions les plus influentes », écrit le président du Medef Pierre Gattaz, qui décline les instances qui ont sa préférence :

- Les commissions Itre (industrie, recherche, énergie),

- Envi (environnement),

- Juri (Affaires juridiques),

- Econ (Affaires économiques),

- Imco (Marché intérieur),

- Empl (Emploi) et

- Inta (Commerce international).

La destinataire de la lettre a, de son côté, prévu d’aller siéger au sein de la commission des Libertés civiles et affaires intérieures, qui traite de l’espace Schengen, entre autres sujets. L’organisation patronale flèche aussi les postes occupés au sein des commissions, sermonnant les Français qui, contrairement aux eurodéputés allemands et britanniques, ont tendance à bouder le statut de « coordinateur », or, M. Gattaz sait bien que cette fonction peu connue permet d’orienter les votes tout en gérant la répartition des tâches entre les députés : c’est le coordinateur qui détermine les rapports dont un élu peut avoir la charge. Il précise même que cette responsabilité « nécessite beaucoup de temps de présence, du goût pour le travail technique et la maîtrise de l’anglais »….

Que les députés se rassurent, s’ils ne peuvent rédiger des documents en anglais, le MEDEF est sans doute tout à fait disposer à s’en charger. Apparemment l’organisation patronale a les moyens de s’offrir les services de conseillers techniques, sinon convainquant, du moins prolixes car les élus sont par ailleurs appelés à faire le « meilleur usage possible des leviers d’influence ».

Le Medef prend soin d’indiquer ses dossiers prioritaires sur 18 pages d’annexes. f

Sont cités la taxe sur les transactions financières, à laquelle le Medef est « fortement opposé », le règlement sur les données personnelles, la directive sur le secret des affaires ou encore le système européen de quotas de CO2.

Sous forme de tableau, le document liste les propositions de directives, regroupées par commission, auxquelles sont accolées, dans une première colonne, les échéances et l’état des lieux (voté, ou non encore voté, par exemple) et dans la colonne la plus larges viennent ensuite les "positions" argumentées du MEDEF. On peut ainsi lire concernant la proposition de révision des directives sur les droits des actionnaires, que "la proposition entre trop dans le détail en matière de rémunération des dirigeants. Il suffirait de poser le principe du vote des actionnaires "say on pay""

Parmi les recommandations du MEDEF concernant le climat et l’énergie, on trouve également un vif encouragement à se tourner vers l’exploitation du gaz de schiste...

Ce document est un condensé du programme politique du MEDEF, il sera fort intéressant de pouvoir s’y référer au moment du vote des directives par les députés... afin de mesurer la portée des arguments si minutieusement rédigés par l’organisation patronale.

Eugénie Barbezat, L’Humanité


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