La Gauche italienne soutient Tsipras

samedi 24 mai 2014.
 

Le projet s’intitule « L’autre Europe avec Alexis Tsipras » et son nom est écrit sur fond rouge. Des prévisions indiquent qu’il pourrait dépasser, peut-être même facilement, le seuil électoral de 4%.

En 2009, ce seuil a empêché les deux listes de gauche, le Partito della Rifondazione Comunista / Parti de la Refondation communiste (PRC ) et la Sinistra Ecologia Libertà / Gauche Ecologie Liberté (SEL), qui toutes deux n’ont recueilli qu’un peu plus de 3%, d’entrer au Parlement européen. Ce nouveau projet, cependant, n’est pas une simple coalition électorale mise en place pour supprimer cet obstacle. Dans son fondement et de sa structure, c’est, en effet, quelque chose de très différent.

Tout d’abord, ce projet s’est constitué en solidarité avec les luttes d’Alexis Tsipras et de SYRIZA. Au cours des douze mois précédant l’annonce de sa candidature, ce jeune leader de la gauche grecque a obtenu le soutien de différents secteurs d’Italie et on a jugé que sa candidature à la présidence de la Commission européenne constituerait une étape importante et décisive non seulement dans cette élection, mais dans la lutte globale contre l’austérité et la Troïka, et dans la lutte pour une autre Europe. Un certain nombre de responsables politiques mais aussi des intellectuels importants ont approuvé la candidature de Tsipras. L’une d’eux, Barbara Spinelli, éditorialiste et fille d’Altiero Spinelli (un théoricien politique italien bien connu , a souligné dans ses écrits l’importance des choix qu’il faisait.

Le PRC a officialisé la proposition de candidature d’Alexis Tsipras décidée et lancée par la gauche européenne dans le cadre de son congrès à Madrid. Dans le même temps, un groupe d’intellectuels, dont Barbara Spinelli, a pris l’initiative de contacter Alexis Tsipras afin de lui demander de soutenir leur idée de le mettre en avant comme candidat d’un mouvement populaire qui est principalement l’expression de citoyens et de mouvements divers. Ils ont évoqué les difficultés au sein de la gauche italienne, ses faiblesses et les problèmes de fragmentation, ainsi que la nécessité d’un nouveau départ, qui doit débuter au niveau local. Quelques éléments de leur argumentation bien sûr méritent un débat, comme la différence entre la notion de mouvement et de participation des citoyens, et ce qu’implique le fait de se constituer en tant que parti politique. Nous ne pouvons pas nier non plus que les priorités et les opinions ont toujours été, et continuent d’être, différents.

La colle qui maintient tout cela ensemble est de mettre le thème de l’Europe au centre ainsi que le lien émotionnel entre la lutte de Tsipras et celle du peuple contre l’austérité et le combat pour une autre Europe. Un lien avec une lutte juste à laquelle il faut apporter une contribution. Si quelque chose de bon et de nouveau pour la gauche italienne ressort de cette lutte légitime, c’est encore mieux. Cette approche a initié un processus d’unification qui n’a pas été vu en Italie depuis longtemps. Cela a finalement conduit la SEL à décider, lors de son congrès national, à s’impliquer et à faire partie de la liste Tsipras.

La structure de la liste reflète, dans une large mesure, le respect de l’idée initiale de mettre la lutte européenne au centre et de mettre en avant principalement des femmes et des hommes, bien connus pour avoir conduit des luttes et pour leur esprit critique. En outre, certaines règles obligatoires ont été formulées comme celle (qui a été largement discutée) de ne pas mettre en avant comme candidat quiconque a eu un rôle dans les institutions au niveau des assemblées législatives ou a eu des responsabilités gouvernementales ou politiques à un haut niveau au cours des 10 dernières années. C’est une règle très stricte qui ne vise pas à pénaliser l’un de nos camarades, mais plutôt une tentative pour prendre nos responsabilités au sérieux (cela s’applique également à l’auteur de cet article) et agir contre les problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que gauche. En outre, une telle règle favorise de nouvelles candidatures, que nous retrouvons dans la liste et qui sont excellentes et variées. Nous avons un nombre égal de candidats hommes et femmes, dont beaucoup sont impliqués dans les principaux mouvements de lutte italiens. Ils comprennent des travailleurs et des personnalités actives dans le secteur culturel. Il y a aussi des représentants des partis, mais en nombre limité et dans tous les cas ayant un lien avec les mouvements de lutte et l’expérience du changement.

Alors tout fonctionne-t-il bien ? Bien sûr que non. Nous avons été, et sommes encore, face à de nombreux problèmes : discussions sur les rapports entre la liste et les différents partis ; discussions sur de nombreux sujets qui ont conduit à une fracture entre les fondateurs mêmes de l’idée, 6 Italiens et Tsipras lui-même. Il y avait un débat sur les noms sélectionnés pour la liste. De toute évidence, certaines erreurs ont été commises. Mais le temps était un facteur important en raison de l’absurdité de la législation électorale italienne qui exige de nouvelles listes comme la nôtre qui veulent présenter leur candidature de recueillir plus de 150 000 signatures, avec un quota de 3000 dans de très petites régions comme le Val d’Aoste.

Cela a demandé un effort gigantesque, accueilli avec enthousiasme par de nombreux militants qui sont mobilisés par la liste Tsipras et qui trouvent un grand écho chez les citoyens qui, dans toute l’Italie, donnent leurs signatures à de nombreux stands d’information équipés de drapeaux rouges, symbole de la liste. Ils représentent un signe qui nous dit que nous pouvons le faire, que la gauche italienne peut revenir au Parlement européen pas seulement pour soutenir Tsipras en menant nos luttes, mais aussi pour contribuer à la lutte pour une autre Europe et à régénérer - nous l’espérons - notre force et notre unité.

Parallèlement à la collecte de signatures, nous allons poursuivre les luttes en cours et les luttes émergentes. Je parle des luttes contre le TTIP, le Partenariat transatlantique de commerce d’investissement entre les États-Unis et l’Union européenne, qui est une terrible attaque de plus contre la démocratie et nos droits. La lutte contre la tentative de plus en plus explicite en Italie de priver définitivement la gauche italienne de toute chance de représentation. C’est exactement ce qu’est la loi électorale introduite par un accord entre Renzi, secrétaire du PD (Parti démocrate) et Premier ministre, et Berlusconi ; une chose qui n’a rien à voir avec la démocratie.

C’est aussi pour cela, mais avant tout pour changer l’Europe, que l’autre Europe avec Alexis Tsipras veut obtenir le plus grand nombre possible de voix qui se fassent entendre le plus fort possible.

Roberto Musacchio


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