Alstom : Un décret qui fait débat

dimanche 18 mai 2014.
 

Directement inspiré par l’affaire Alstom, un décret publié le jeudi 15 mai soumet toute prise de contrôle par des capitaux étrangers d’une entreprise française d’un secteur sensible à une autorisation préalable de l’Etat. Réactions.

Un investisseur étranger voulant prendre le contrôle d’une entreprise française dans les secteurs de l’énergie, des transports, des télécoms, de l’eau ou de la santé devra désormais obtenir l’autorisation du ministre de l’Economie pour le faire, selon un décret publié jeudi.

Ce décret, qui devrait permettre à l’Etat de s’opposer à la prise de contrôle d’un très grand nombre d’entreprises françaises constitue une nouvelle arme pour négocier dans le dossier Alstom, dont la branche énergie est convoitée par l’américain General Electric. D’une manière générale, le nouveau décret vise toutes les entreprises qui concourent à l’intégrité, la sécurité et la continuité d’exploitation d’une infrastructure ou d’un opérateur d’importance vitale.

"La puissance publique doit avoir son mot à dire  sur des secteurs  stratégiques", a officiellement expliqué le Premier ministre, Manuel Valls, ce matin.

"Le choix que nous avons fait est un choix de patriotisme économique . C’est la fin du laisser-faire. Le pouvoir d’autorisation qu’il nous confère nous protège contre des formes indésirables de dépeçage et des risques de disparition", a déclaré le ministre de l’Economie

Arnaud Montebourg, qui nuançait ses propos quelques heures plus tard dans un communiqué où l’on pouvait lire : "Ce nouveau dispositif sera naturellement appliqué de manière sélective et proportionnée, en tenant compte de chaque situation".

Sans surprise le patron du MEDEF se prononce contre : "C’est une mauvaise idée car c’est très défensif alors qu’il faut être dans l’offensif", a estimé Pierre Gattaz.

General Electric a déclaré jeudi "prendre note "du décret de l’Etat sur la protection des intérêts stratégiques de la France dans les entreprises françaises et défendu son projet de reprise des activités énergie du groupe Alstom que le groupe américain a qualifié de "bon pour Alstom, pour ses employés et pour la France", dans un bref communiqué qui précise : "Notre projet est de bâtir une entreprise leader mondiale dans le secteur de l’énergie, avec quatre sièges basés en France, tout en préservant et en créant des emplois".

La Commission européenne a mis la France en garde jeudi contre toute application qu’elle jugerait"disproportionnée" ou "protectionniste" de son décret. Le commissaire au Marché intérieur, Michel Barnier, a souligné lors d’une conférence de presse que "les pays de l’UE ont le droit de défendre leurs intérêts stratégiques mais à des conditions très strictes définies dans les traités." qui a précisé qu "En outre, chaque refus de rachat sera examiné à la loupe par l’exécutif européen." Réaction quasi immédiate du coté de la France : "Avec ce décret, nous rééquilibrons le rapport de force entre les intérêts des entreprises multinationales et les intérêts des États, qui ne sont pas toujours alignés, mais cela ne veut pas dire qu’il est interdit de s’installer en France", veut-on rassurer au ministère français de l’Economie, où on assure rester dans les clous européens.

Notons que, loin des enjeux de circonstances (dossiers Alstom/General Electric, Alcatel-Lucent) et des polémiques en protectionnisme, la France ne fait que s’aligner sur les standards de contrôle internationaux, notamment américains. Le "Décret Montebourg" concrétise une prise de conscience des pouvoirs publics français sur la nécessaire adaptation du précédent dispositif qui datait de 2005.

Le nouveau "pouvoir" du ministre de l’industrie lui permet, non seulement d’accorder ou de refuser l’autorisation, mais également de subordonner l’autorisation à la cession d’une des activités relevant des secteurs stratégiques, le décret renforce donc considérablement le rôle de l’État en terme de politique économique.

Eugénie Barbezat, L’Humanité


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