Canada : Rapport alarmant sur l’extraction du gaz de schiste

jeudi 8 mai 2014.
 

A) Les six principaux risques de l’extraction du gaz de schiste, selon le Conseil des académies canadiennes

EAU

Les coffrages d’acier et de béton qui entourent les puits de gaz de schiste ne sont pas toujours étanches. Le liquide de fracturation, qui contient plusieurs produits chimiques, risque de contaminer les eaux souterraines. Il n’existe aucun réseau de surveillance méthodique pour assurer l’intégrité des puits. Des déversements accidentels peuvent aussi contaminer l’eau à la surface. L’élimination des eaux usées préoccupe aussi les experts.

GES

Le problème d’étanchéité des coffrages entraîne un relâchement de méthane dans l’atmosphère. Les scientifiques ne s’entendent pas sur l’ampleur de ces « émissions fugitives » de GES. « Si on tient compte du cycle de vie, le puits, l’extraction, le transport et les fuites, ça change les chiffres, indique le professeur John Molson, de l’Université Laval. Ce n’est pas évident que le gaz de schiste aura moins d’effet sur les changements climatiques. »

TERRITOIRE

La multiplication des puits d’extraction du gaz de schiste a des effets importants sur la manière dont le territoire est occupé. Il faut bâtir des routes, des stations de compression et des pipelines pour desservir les puits. Tout cela entraîne la déforestation, la destruction de l’habitat de certaines espèces et peut entraîner des frictions avec le monde agricole.

SANTÉ HUMAINE

L’industrie va certes créer des emplois là où elle s’établit, mais ses effets sur la qualité de l’eau et de l’air peuvent nuire à la santé humaine. « Des répercussions psychosociales sur les individus et les collectivités ont été signalées en rapport avec des facteurs de stress physiques comme le bruit et avec une perception selon laquelle l’industrie et le gouvernement ne sont pas dignes de confiance », indique le rapport.

POLLUTION DE L’AIR

La machinerie utilisée par l’industrie a un effet sur la qualité de l’air. Les émissions des moteurs diesel, de l’essence et les composés organiques volatils comme le benzène sont rejetés dans l’atmosphère. À plus grande échelle, le principal problème concerne la production d’ozone, qui peut affecter la qualité de l’air.

TREMBLEMENTS DE TERRE

Les experts conviennent que le processus d’extraction du gaz de schiste n’entraîne pas un risque important de secousses sismiques. La plupart des secousses qui ont été ressenties par le public étaient causées par l’injection des eaux usées dans le sous-sol et non par le processus de fracturation comme tel. Les experts considèrent qu’une surveillance accrue pendant les opérations permettra de réduire le risque encore davantage.

B) Le débat politique sur les gaz de schiste reprend au Canada

Martin Croteau

La Presse

(Ottawa) L’exploitation du gaz de schiste ne sera pas acceptée par la population tant que la science n’aura pas dissipé les doutes quant à ses effets sur la santé et l’environnement, prévient une étude commandée par le gouvernement Harper.

À la demande de l’ancien ministre de l’Environnement, Peter Kent, le Conseil des académies canadiennes s’est penché sur l’impact de l’extraction par fracturation hydraulique. Son rapport final, publié hier matin, conclut que les effets de cette technique sont, somme toute, méconnus.

Ses auteurs appellent les autorités à mieux surveiller cette industrie.

« Les affirmations de l’industrie concernant ses prouesses technologiques ou les affirmations du gouvernement selon lesquelles les effets environnementaux sont acceptables ne seront pas suffisantes pour obtenir l’acceptation du public, peut-on lire dans le document. Pour ce faire, il faudra assurer une surveillance transparente et crédible des incidences environnementales. »

John Molson, professeur de géologie à l’Université Laval, est l’un des 14 auteurs de l’étude. Il note que l’ampleur de la pollution causée par les fuites de liquides et de gaz autour des puits de forage reste inconnue. Des craintes qui s’appliquent aussi à l’extraction du pétrole de schiste, par exemple dans l’île d’Anticosti.

« Certaines conclusions s’appliquent également à l’extraction du pétrole de schiste comme à l’île d’Anticosti, a observé M. Molson. Ce sont les mêmes problématiques : les risques de fuite le long du coffrage. »

Selon le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, le rapport prouve que Québec a bien fait de décréter un moratoire sur le gaz de schiste.

« Beaucoup de conclusions viennent confirmer les craintes qui ont été évoquées à plusieurs reprises par les scientifiques, les citoyens et les groupes environnementaux sur les impacts du développement de cette filière », dit-il.

Patate chaude

L’étude du Conseil a été accueillie comme une patate chaude par le gouvernement Harper. Au bureau du ministre des Ressources naturelles, Greg Rickford, on a dirigé La Presse vers la ministre de l’Environnement, Leona Aglukkaq. Le porte-parole de la ministre, Ted Laking, n’a donné aucune suite à notre demande de commentaire.

Questionné aux Communes, le secrétaire parlementaire de Mme Aglukkaq, Colin Carrie, a fait fi des mises en garde du rapport, soulignant qu’aucun cas de contamination n’avait été signalé en 20 ans dans l’Ouest canadien.

La députée du NPD Megan Leslie a tourné en ridicule la réponse du gouvernement. Bien qu’elle reconnaisse que l’extraction des ressources naturelles est une responsabilité provinciale, elle juge que le fédéral doit financer la recherche sur les impacts de cette industrie controversée.


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