Ecole, laïcité, le faux nez de François Bayrou

vendredi 23 février 2007.
 

M. Bayrou, candidat de l’UDF à l’élection présidentielle, essaye de nous faire croire aujourd’hui qu’il serait un homme neuf au-dessus des divisions partisanes qui proposerait aux Français une politique du " juste milieu " prenant le meilleur de la droite et le meilleur de la gauche pour l’intérêt de tous.

Le discours peut être séduisantAuteur de La laïcité face aux défis du XXIe siècle, éd. Mare et Martin, 2006., mais comme souvent les promesses ont du mal à résister aux faits. Quand on examine avec attention le parcours politique de M. Bayrou on se rend compte que ses actes sont en contradiction avec son discours et qu’il est bien un homme de droite. C’est, en particulier, sur les questions de société qu’il apparaît nettement que M. Bayrou est un homme de droite. Il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner ses positions sur l’école et la laïcité. Le projet de société qu’il propose aux Français est bien plus marqué par le conservatisme social que par le progressisme.

Ainsi, en 1993 le ministre de l’éducation nationale François Bayrou, tente de réformer la loi Falloux sur le financement de l’enseignement privé. Il se place, alors, dans la tradition des lois scolaires "Marie", "Barangé" puis "Debré" qui furent autant de coups de canifs dans le principe de laïcité. Le projet de M. Bayrou propose d’autoriser les collectivités locales à financer les constructions et rénovations d’établissements d’enseignement privé, sans limitation ni contrôle. Ce projet déclenche une mobilisation sans précédent des défenseurs de la laïcité et le conseil constitutionnel censure la loi considérant, entre autre, d’une part " qu’elle ne répond pas aux exigences de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui justifie la nécessité d’une contribution commune pour "l’entretien de la force publique et les dépenses administratives" dans la mesure où elle ne prévoit pas de garanties suffisantes pour prévenir l’accroissement de patrimoines privés ; qu’enfin en n’excluant pas que des subventions puissent bénéficier à des associations cultuelles, elle méconnaît le principe de laïcité de la République consacré par l’article 2 de la Constitution ", d’autre part qu’elle " contrevient au principe de la laïcité de la République posé par l’article 2 de la Constitution et méconnaît le devoir de l’Etat concernant l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés imposé par le Préambule de la Constitution de 1946 " et enfin qu’elle contribue " à organiser l’enrichissement de personnes privées qui ne sont pas soumises aux exigences de la laïcité ". (Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994)

De plus, sur la question scolaire, la formule du ministre Bayrou " collège unique, collège inique " résume en quelques mots l’idée que se fait le candidat UDF de la démocratisation scolaire, plus près de nous, le candidat Bayrou déclare dans un discours du 25 janvier 2007 à Orléans : " Personne ne peut soupçonner en moi un ennemi de l’enseignement privé. J’ai pris suffisamment de risques pour être objectif et compréhensif en la matière pour pouvoir prétendre que je suis partisan de la liberté de l’enseignement. " Les déclarations de M. Bayrou montre bien qu’il partage la vision de l’actuel ministre UDF de l’éducation nationale, M. de Robien, qui conduit, depuis qu’il est au gouvernement, une politique scolaire clairement inspirée des idées de sa famille politique. Politique largement favorable à l’enseignement confessionnel privé, au détriment de l’enseignement public laïque.

Par ailleurs, concernant la laïcité, M. Bayrou se présente comme un ardent défenseur d’un principe qu’il semble méconnaître si on en juge par son action au ministère de l’éducation nationale et sa volonté de défendre l’enseignement prétendument " libre ". Mais surtout quand on relit ses déclarations devant la commission Stasi on saisit l’écart qui sépare son discours public de son engagement politique. Le propos de M. Bayrou donne toutes les apparences du laïque convaincu, mais c’est à la fin dans la définition même de la laïcité que l’on comprend qu’on ne parle pas de la même chose, car en effet, pour M. Bayrou " la laïcité ce n’est pas la neutralité, malgré les affirmation simples, de Renan par exemple. La laïcité, ce n’est pas un ensemble vide. " et surtout , " La laïcité dit " dans tout cela, il y a du sacré ". Pour nous, Français, on n’y touche pas. Exemples : juifs, shoah, races, etc. ", le " etc. " pose question en plein procès Charlie Hebdo, même si le candidat Bayrou, tout comme le candidat Sarkozy, a bien compris que son intérêt était d’afficher son soutien au journal mis en cause.

Contrairement à ce qu’affirme M. Bayrou, la laïcité, fondée sur les principes de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, est bien la neutralité absolue de l’Etat en matière religieuse, partisane et philosophique. Si elle donne aux individus des garanties rigoureusement égales, elle n’est pas un principe d’égalité des cultes ou des croyances, mais un principe de liberté. Elle ne " reconnaît aucun culte " et n’en favorise aucun. La conception égalitariste de la laïcité de M. Bayrou le conduit naturellement à considérer au sujet des lieux de culte ou des cimetières que " La disposition " phare " de la loi de 1905 selon laquelle la République, ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte, se heurte à ces questions. ", c’est-à-dire à remettre en question la laïcité au nom d’un principe d’égalité dévoyé de son sens pour encourager à demi-mot une politique de discrimination positive en faveur de certains cultes. Or il ne revient pas à la puissance publique de favoriser une pratique qui relève de la sphère privée, en matière religieuse comme dans d’autres domaines c’est à chacun de se donner les moyens de faire vivre ses convictions.

Au final, on le voit bien, sur des questions aussi essentielle que l’école ou la laïcité, François Bayrou est un homme de droite qui défend les positions traditionnelles de la droite. Contrairement à ce qu’il affirme et à ce qu’il voudrait faire croire, sa vision de la société française n’échappe pas aux clivages politiques traditionnels qui divisent la France.

Pascal-Eric Lalmy


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