Désobéir en Europe et désobéir à l’Europe

vendredi 25 avril 2014.
 

Captée par les intérêts des classes économiquement dominantes, l’UE se présente aujourd’hui comme un dispositif de mise à distance de la souveraineté populaire pour mieux privatiser les richesses collectives.

Alors que les élections européennes se profilent dans un horizon chaotique de défiance politique généralisée, dégénérescence économique et désespoir écologique, il n’est plus possible d’ignorer le recul démocratique mené sous les auspices de l’Union européenne (UE). Captée par les intérêts des classes économiquement dominantes, l’UE se présente aujourd’hui comme un dispositif de mise à distance de la souveraineté populaire pour mieux privatiser les richesses collectives.

En vertu du Traité budgétaire (TSCG) que François Hollande avait juré de renégocier, les peuples n’ont plus la main sur leur destin fiscal et le produit de leur travail, désormais régis par la Commission européenne et ses outils de pilotage automatique. Les États doivent communiquer leur budget le 15 octobre de chaque année à la Commission, qui peut en demander la révision, opposer son veto. La « règle d’or » impose, dès lors que les riches sont chaque jour moins imposés, que le budget se réduise constamment, au détriment des capacités d’action de la puissance publique. Cette obligation donne à la Commission un pouvoir de direction qui se substitue aux États.

L’architecture institutionnelle de l’UE elle-même pose problème. Et d’abord parce que le rôle du Parlement, seule instance composée de représentants des peuples issus du suffrage universel, y est moins qu’embryonnaire. Il n’a pas l’initiative des textes qu’il vote, l’apanage de n’importe quel Parlement en démocratie, et dans certains cas ne peut que voter l’approbation ou le rejet, sans aucun amendement possible. Il ne jouit en outre que d’une compétence d’attribution (et non de principe) qui l’empêche de passer certains textes au scrutin.

Ainsi, s’il peut rejeter la partie « dépenses » du budget, il est tenu écarté des décisions concernant les recettes de l’Union ! Et sa capacité générale de délibération se trouve littéralement confisquée par le rôle exorbitant donné aux commissions où concrètement tout se discute et se décide.

Des voies claires et ordonnées existent pour renverser cette contre-démocratie, relancer des politiques écologiques et sociales – nous les appelons écosocialistes – et ainsi réhabiliter la souveraineté populaire.

D’abord, il ne faut pas oublier que le Conseil européen dispose d’un pouvoir éminent dans l’UE : il décide des grandes orientations politiques. Quant au Conseil de l’UE, il joue un rôle important de co-législateur avec le Parlement européen. Ces deux institutions ne sont pas transnationales mais internationales. Si l’UE se fourvoie dans des politiques nuisibles, c’est ainsi d’abord parce que les chefs d’État et de Gouvernement et leurs ministres - qui composent ces deux instances - sont tous d’obédience néolibérale. La présence d’un exécutif écosocialiste issu d’un pays influent – pourquoi pas la France ? – pourrait réorienter considérablement la ligne politique européenne, surtout s’il mettait en œuvre la désobéissance européenne.

La désobéissance, méthode politique et juridique proposée par le Front de Gauche dans le cas spécifique d’un droit européen qui assume sa propre dérive autoritaire, n’est pas une notion de droit international.

En droit, cela constituerait un refus d’application. L’une des règles du droit des conventions internationales est que tant qu’un traité n’est pas dénoncé il doit s’appliquer, et a contrario, un traité qui subit le refus d’application d’une de ses parties peut ne plus être mis en œuvre par les autres quitte à entraîner son extinction. La désobéissance au Traité de Lisbonne par la France en causerait donc la violation substantielle et autoriserait « les autres parties (…) à suspendre l’application du traité en totalité ou en partie ou à mettre fin à celui-ci : i) Soit dans les relations entre elles-mêmes et l’Etat auteur de la violation ; ii) Soit entre toutes les parties ; ».

C’est ce que prévoit la règle du jeu générale en matière de droit des traités établie de manière assez stable depuis 1969 par la Convention de Vienne.

Ainsi, la mise en œuvre d’un programme écosocialiste en France, quitte à violer les textes européens, permettra aux autres Etats Membres de se libérer également des règles austéritaires imposées par la Troïka. Un problème ? Non, évidemment. C’est une chance !

En définitive, face aux pessimistes et rabat-joie de la gauche pour lesquels il n’est jamais possible de faire autrement, il est utile de savoir que nous ne sommes jamais prisonniers car nous sommes souverains. Le pouvoir de lier l’Etat appartient à son peuple et à lui seul.

Raquel Garrido, chef de file du Front de gauche en Ile-de-France et pour les Français de l’étranger aux élections européennes, avec Patrick Le Hyaric.


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