12 avril : Un "Front du peuple" en construction

vendredi 25 avril 2014.
 

Une marche est, comme une manifestation, une sorte de livre où l’on apprend beaucoup en observant. De tout ce dont je suis privé du fait des bousculades que crée ma présence, la privation de lecture des manifestations est ce qui m’est le plus insupportable. C’est pourquoi je reçois si bien l’idée d’avoir installé une petite estrade sur le parcours. J’y grimpe après avoir atteint le point d’arrivée du cortège. Bien sûr, elle permet surtout qu’on me voie aux côtés des autres responsables du Front de Gauche qui veulent bien s’y montrer. Mais elle me permet surtout d’observer, d’apprécier ce qui se passe. Ce jour-là il y avait beaucoup à voir.

Le carré de tête de la marche était comme d’habitude précédé d’une masse de plusieurs milliers de personnes qui n’attendent pas le signal du départ. Souvent, elles n’ont pas conscience d’être en avant de la tête du cortège parce qu’elles n’ont pas repéré sa position du fait de la masse de photographes et de caméramen qui se bousculent, se piétinent les uns les autres. Cette masse empêche le cortège d’avancer aussi longtemps que le service d’ordre ne commence pas à pousser en sens inverse. Parmi ces professionnels, parfois, il y a aussi des provocateurs. Ceux-là poussent à la bagarre comme ce fut le cas le 5 mai où l’un d’entre eux appelait bruyamment les autres à tout bloquer « pour faire chier » flanqué d’un caméraman censé filmer l’incident qui aurait lieu. Nous sommes donc devenus super prudents. On a même retiré la corde de séparation pour éviter une chute où je ne sais quoi qui puisse être exploité contre nous par la nuée de malveillants à l’affut d’un incident.

Le service d’ordre qui se trouve là souffre terriblement. Pourtant, filles et garçons bénévoles qui le composent tiennent remarquablement la position. En dépit des coups qu’ils reçoivent, de la bousculade qu’ils subissent, ils ne bronchent pas et, vaille que vaille, la mise en route finit par se faire. Mais le résultat c’est quand même qu’on fait du surplace très longtemps. Derrière, tout le monde piétine et s’exaspère aussi parfois. Si bien que la sortie des cortèges depuis le point de départ est souvent elle aussi assez tendue. La manœuvre de mise en place dans le boulevard, avec les camions et les banderoles retarde alors encore le démarrage. Cette fois-ci, ce fut un record. Un véritable trou s’observait entre les premiers milliers de marcheurs et le cortège par lui-même.

Je suis donc arrivé largement à temps sur l’estrade pour voir passer le gros du cortège global. Le coup d’œil fut saisissant quand j’aperçus les bannières associatives et syndicales. Non seulement celle de la CGT, très structurée, mais aussi le cortège de Solidaire, extrêmement dense. Le DAL aussi avait ce qu’il fallait, comme les intermittents du spectacle. Ce n’était donc pas un vain mot que la signature des deux cent associations qui avaient appelé à cette marche. C’est pourquoi je déplore la vision simpliste qui en a été donnée dans tant de médias comme « manifestation de l’extrême gauche » ou de « la gauche radicale » ou plus maigrement encore « Mélenchon et Besancenot marchent ensemble » et plus brutal, si c’est possible, comme ce « Mélenchon marche contre Hollande ».

Ce qui se construit d’une marche à l’autre, c’est un élargissement de ceux qui se sentent unis par une cause commune d’opposition à la politique d’austérité qui détruit notre société. Dans ce cas, la frontière traditionnelle entre syndicats, associations et partis s’efface au profit d’une forme d’unité d’action qui, sans se nommer, se déploie avec d’autant plus de naturel qu’elle est marquée par un respect des identités respectives. C’est ce que nous avons nommé « le Front du peuple ». Sa construction se fait sans qu’il y ait un plan d’architecte au préalable. Les circonstances donnent un contenu concret à un raisonnement d’abord abstrait. C’est aussi un symbole parlant que cette marche ait eu lieu en même temps qu’il y en avait d’autres du même type dans d’autres capitales de l’Europe ! La présence d’Alexis Tsipras sur la première ligne du cortège était au diapason. Je crois que l’évènement était décidément plus grand que nous.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message