Gattaz l’a promis : l’argent des contribuables arrosera (aussi) les actionnaires

dimanche 16 mars 2014.
 

Jeudi 6 mars, aux lendemains de la signature par trois syndicats du « relevé de conclusion » sur le fameux pacte de responsabilité, Gattaz s’exprimait devant 200 patrons rassemblés par le mouvement patronal « Ethic ». Un temps de son discours est un moment d’anthologie de la mentalité prédatrice du MEDEF. C’est aussi une leçon de chose pour les naïfs qui se gargarisent avec les accords « gagnants-gagnants » et autres sornettes démobilisatrices. « Ce que je voudrais absolument éviter, et je pense qu’on est en train de l’éviter, a déclaré le chef du MEDEF, c’est ’’qu’est-ce que vous allez faire avec les marges dégagées ?’’ J’ai eu beaucoup d’angoisses tout le mois de janvier sur l’idée qu’on va tout contrôler, contrôler les dividendes versés, tout contrôler ». « La position du Medef est de surtout ne prendre aucun engagement chiffré juridique. Pas de contraintes… mais par contre c’est un engagement de mobilisation ». Le débat sur les contreparties est clos. Comment les bavards qui continuent à s’agiter « de l’intérieur où l’on est plus efficace » comptent-ils reconstruire le rapport de force entièrement détruit par le gouvernement et ses cadeaux sans garantie ? Gattaz sait qu’il a gagné la partie. C’est pourquoi il franchi une étape supplémentaire. Non Trois ans après Fukushimaseulement il ne s’engage sur rien « en contrepartie » mais, au contraire, il autorise la distribution du cadeau directement aux actionnaires eux-mêmes. Il le dit aussi clairement que je viens de l’énoncer. Lisez : « Les entreprises décideront de l’usage qu’elles feront des allègements de charges promis dans le cadre du pacte de responsabilité, y compris la distribution de dividendes ».

Pourtant, donc, le patronat (MEDEF, CGPME, UPA) et trois syndicats (CFDT, CFTC, CGC) ont signé mercredi 5 mars un « relevé de conclusion » sur les futures contreparties au pacte de responsabilité. Ce n’est pas un accord, même si ça y ressemble. Mais ce n’en est pas un. Un « relevé de conclusion » n’a pas de valeur juridique, contrairement à un « accord ». De plus, la CGT et FO n’ont pas signé. Au contraire, les deux centrales dénoncent un « chèque en blanc donné au patronat ». Elles ont des arguments solides. En effet le texte de l’accord est très proche de la position de départ du patronat que même Laurent Berger (CFDT) avait pourtant dénoncé. On retrouve la méthode du couteau sous la gorge qui avait prévalu pour la conclusion de l’ANI. Au total, le texte renvoie aux branches professionnelles l’ouverture « de discussions en vue d’aboutir à un relevé de conclusions signé, ou des négociations en vue d’aboutir à un accord précisant des objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes d’emplois ». En clair : il n’y a aucun engagement chiffré en matière d’emploi, de salaire ou de conditions de travail dans le texte signé. Au contraire. Le texte acte toutes les limites et restrictions déjà formulée par le patronat. Il précise même que ces discussions ne commenceront qu’au jour où la baisse des cotisations « sera précisément définie ». Cela parce qu’Ayrault a précisé que les allégements seraient centrés sur les bas salaires, mais sans arrêter précisément les seuils et les taux d’allègements ! Le MEDEF, lui, bataille mot par mot, sans aucune des formes d’angélisme de ses vis-à-vis gouvernementaux ou syndicaux. De plus, le texte signé ne fixe aucune date butoir pour ces négociations de branches. Elles peuvent donc durer jusqu’à épuisement des « dialogueurs » ou fâcherie de commande de l’un d’entre eux. Et même, cela peut ne jamais s’achever par quelque accord final que ce soit. En effet le texte n’évoque pas le remboursement des cadeaux de l’État dans le cas où il n’y aurait pas d’accord signé ou siTrois ans après Fukushimal’accord n’était pas respecté. Pourtant, chaque jour aggrave le bilan de ce que ce cadeau va coûter pour rien au pays.

Sur la base des calculs de l’INSEE, de la direction du trésor et de l’OFCE, le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale produit sa propre évaluation des résultats qui peuvent être attendus du pacte de responsabilité. Pour cet organisme, le pacte pourrait créer entre 134 000 et 300 000 emplois en cinq ans, selon le scenario retenu entre la baisse des cotisations sur tous les salaires ou la concentration de la baisse sur les bas salaires…. On voit qu’on est là bien loin du « un million d’emplois » promis par Pierre Gattaz. Voilà pourquoi même ce Haut Conseil dit que l’effet du pacte sera « relativement circonscrit ». Mais il n’en reste pas moins que cela nous fait des emplois hors de prix. Dix milliards d’euros offerts par an au MEDEF ? Cela fait, dans le scénario le plus favorable au Pacte, c’est-à-dire pour 300 000 emplois, 33 000 euros par emploi créé ! Mais ce résultat n’est attendu qu’au total, c’est à dire « au bout de cinq ans ». Le cadeau est alors de 50 milliards d’euros. Chaque emploi Gattaz-Hollande nous coûte donc 166 000 euros par emploi créé ! Il est temps ici de se souvenir qu’un salarié au SMIC reçoit 20 000 euros par an de son entreprise, cotisations comprises ! Mais ce calcul a-t-il vraiment un sens ? Je veux dire : est-ce que le pacte ne peut avoir exclusivement que des effets positifs sur l’emploi, même à ce prix dément ? Non. Bien évidemment. C’est un calcul faussé. Le Haut Conseil le reconnait lui-même : il ne chiffre que « le mécanisme pur d’allègement du coût du travail, sans prise en compte des effets de sa compensation financière ». Compensation veut dire coût ! Car comment va-t-on payer tout cela ? Hollande a déjà annoncé que le « pacte de responsabilité » sera « compensé » par des coupes budgétaires. Cela va donc encore réduire l’investissement public. Et donc la consommation populaire. Et donc détruire des emplois. Par conséquent, le bilan final pour ce qui est des emplois créés et détruits sera négatif. Sans oublier que le ralentissement de l’activité du fait de la baisse de la dépense publique va encore creuser le Trois ans après Fukushimadéficit faute de rentrées fiscales suffisantes. Ce mécanisme pervers a déjà été constaté cette année avec une baisse substantielle des rentrées d’impôts et un manque à gagner perforant pour les finances publiques.

On mesure l’ampleur de la régression. En face, le PS est arcbouté sur sa propagande béate. Cependant, le gros de la troupe a du mal à suivre, notamment ceux qui sont syndiqués. Mais ceux-là ne comptent plus aux yeux des caciques de la politique de l’offre et du coût du travail excessif. Un calendrier d’action est sur la table de notre côté. FO, la CGT, Solidaires et la FSU appellent à une journée de mobilisation le 18 mars. Le pacte bidon est dans la liste des rejets de cette mobilisation. Et, côté politico-social, il y a la marche proposée pour le 12 avril à Paris et à laquelle ont décidé de participer d’ores et déjà le Front de gauche et le NPA ! Le collectif de préparation de cette marche s’est brillamment réuni le 5 mars dernier. Je dis « brillamment » parce que le nombre et la qualité étaient au rendez-vous, ainsi qu’une sérieuse volonté de mobiliser activement. Le contraire du précédent collectif qui avait rabougri l’action contre la TVA à un dépôt de pétition. Ce temps fort aura lieu si la date est convenue, et le plus tôt sera le mieux, dans un contexte très profondément différent de celui que nous connaissons à cette heure. Ce sera le lendemain des municipales et la veille des européennes. Nous serons sous le choc de l’abstention et de la percée du Front national annoncée par tous les médias et qui sera, à coup sûr, le thème de la soirée médiatique du premier tour, quel que soit le résultat, de façon à pousser les moutons vers les bons bergers. Ce sera aussi une semaine après la manifestation du « jour de colère ». Une possibilité existe que le cycle politique s’accélère si nous savons bien nous mobiliser : tenir la rue contre la droite et l’extrême droite dans l’opposition de gauche au gouvernement, puis les battre clair et net dans les urnes quatre semaines plus tard. Cette fois ci, il faut parvenir à enchaîner les coups mieux que nous ne l’avons fait dans les occasions précédentes. J’y reviendrai pour ma part dans la limite de ce qui peut être dit, cela va de soi.


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