Le "beau nez rouge" des Bonnets rouges

mardi 11 mars 2014.
 

Humoriste breton, Jean Kergrist parle des « beaux nez rouges » quand il évoque les actions et les revendications des «  bonnets rouges  » qui tiennent leurs « états généraux », le 8 mars 2014, à Morlaix. Lors d’un point de presse tenu sur le Salon de l’agriculture, le président de la FDSEA du Finistère, Thierry Merret, annonçait que les assises morlaisiennes examineraient 
15 000 doléances collectées depuis deux mois en Bretagne. Mais il n’a avancé aucune revendication précise ce jour-là. Christian Troadec, maire de Carhaix, est demeuré aussi flou dans un entretien accordé au Figaro du 1er mars. Selon lui, « nous n’avons pas forcément besoin d’aides financières. Mais il faut laisser les régions agir, plutôt que d’attendre un miracle national qui n’arrivera pas ».

Revendications moins avouables

Thierry Merret préférait s’en prendre à « l’administration énarchisante (sic) du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui empêche la création d’emplois dans la région et asphyxie tout un pan de notre économie par la multiplication des normes, des contrôles et des taxes ». Les propos de ces deux leaders régionaux de la lutte contre l’écotaxe – un impôt mal conçu dans la mesure où il épargne les longs transports pour taxer à de multiples reprises les marchandises aux différents stades du processus de production – masquent désormais des revendications moins avouables.

Par omission, ils nient le fait que des pans entiers de l’agriculture intensive bretonne et de son industrie agroalimentaire sont entrés dans une crise durable. La Bretagne concentre grosso modo 30% des productions animales françaises sur 7% du territoire national. Toutes les difficultés proviennent de ce déséquilibre. Tant que le prix de l’aliment du bétail importé était relativement bon marché et que les pollutions induites par la concentration des effluents d’élevage ne coûtaient pas trop cher, ce modèle intensif tirait de la massification de la production un avantage de compétitivité.

Travailleurs détachés

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les céréales transformées en aliments pour bétail par l’industrie en amont des élevages hors sol sont de plus en plus chères. Les tourteaux de soja importés du continent américain le sont aussi et le seront de plus en plus en raison des achats massifs de la Chine. De cela, ni Christian Troadec ni Thierry Merret ne veulent parler. Sans le dire clairement, ils souhaitent pour la péninsule bretonne une exception régionale fondée sur le dumping social et environnemental.

Comme en Allemagne, le dumping social se traduirait par le recours aux travailleurs détachés des pays d’Europe centrale payés au salaire du pays d’origine dans les abattoirs comme dans le maraîchage et quelques autres secteurs. Cette revendication a été clairement exprimée par le président de Coop de France, en janvier dernier, sous prétexte que les coopératives agricoles et leurs abattoirs (qui ne déclarent pas de bénéfices) ne sont pas éligibles au crédit d’impôt compétitivité-emploi (Cice).

Transition

Par ailleurs, le combat contre l’État qui impose des « normes  » masque mal une revendication de dumping environnemental, quitte à ce que le même État soit ensuite obligé de payer de lourdes amendes pour non-respect de la qualité de l’eau. À moins qu’il subventionne, avec les concours de la région, et à titre préventif, de coûteuses installations de dépollution dans les élevages industriels. La crise qui frappe le modèle agro-industriel breton fait aussi des ravages aux Pays-Bas, en Espagne et au Danemark pour les mêmes raisons. Elle frappera bientôt l’Allemagne, tant le développement des productions hors sol est annonciateur de pollutions futures dans ce pays.

L’agriculture bretonne et son secteur agroalimentaire ne pourront pas faire l’économie d’une transition fondée sur la désintensification de la production. Cette transition sera forcément longue afin de préserver un maximum d’emplois en les rendant pérennes. Il est à craindre que les «  états généraux  » de Morlaix, dirigés contre l’État centralisateur, ne servent surtout à nier cette indispensable mutation. Les organisateurs de ces assises n’auront alors été que des mauvais clowns affublés de «  beaux nez rouges  ». Le respect des paysans et des salariés de l’agroalimentaire, durement exploités, mérite mieux que cela.

Les Bonnets rouges invitent François Hollande. "Nous demandons au président de la République, François Hollande, de venir en Bretagne, sans tarder, entendre les 11 revendications phares" du collectif "Vivre, décider et travailler en Bretagne", à l’origine du mouvement des Bonnets rouges, a estimé le mouvement réuni en "états généraux ce samedi à Morlaix. Les Bonnes rouges demandent le développement des infrastructures et des modes alternatifs de transport et des énergies renouvelables, une relocalisation de la finance, l’officialisation de la langue et de la culture bretonnes et le renforcement de l’expérimentation, le dialogue et la transparence, indique le document. Ils demandent également que la Bretagne se dote de ses propres médias audiovisuels et numériques et revendiquent une "Bretagne forte à 5 départements avec relocalisation des décisions politiques". Ces revendications s’ajoutent aux 4 demandes fondatrices du mouvement : la suppression définitive de l’écotaxe poids lourds, la fin du dumping social et de "l’avalanche de normes et de contraintes administratives", ainsi que la relocalisation des décisions en Bretagne.

Gérard le Puill,


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