Trop c’est trop ! La marche du ras-le-bol de gauche est lancée

lundi 24 février 2014.
 

Elle vient de loin, la proposition d’organiser une marche du « ras-le-bol de gauche », sous l’antienne « trop c’est trop ». Pour ma part, j’avais évoqué l’idée dans mon post du 10 février en précisant le cahier des charges pour réussir ce que nous voulons faire. À vrai dire, j’exprimais des arguments déjà largement répandus dans nos rangs. Faisons un retour rapide sur l’enchaînement des événements. Après le succès de notre marche contre l’augmentation de la TVA, nous avons voulu, au Front de Gauche, constituer un collectif pour organiser une nouvelle mobilisation sur le thème. Des dirigeants comme Éric Coquerel se sont donné beaucoup de mal pour réunir un collectif crédible. Dans les discussions nombreuses qui ont eu lieu, le Parti de Gauche et le NPA se trouvaient être les seuls favorables à une nouvelle démonstration de force dans les rues. Une compréhension commune s’est forgée dans cette circonstance. Mais reconnaissons que les objections avaient leur poids d’arguments. Il y avait aussi une ambiance morose créée par l’absorption des militants politiques dans les élections municipales, d’une part, et, d’autre part, le scepticisme dans les organisations syndicales après les mobilisations maigrelettes contre la retraite à soixante-six ans imposée par François Hollande. Certes, notre marche du premier décembre a été un succès de terrain considérable. Personne, dans la gauche politique ou syndicale, n’a réuni autant de monde depuis… des mois. Mais les faits sont une chose et leur image une autre. Il faut admettre que la bataille médiatique orchestrée par le ministère de l’Intérieur pour minorer le nombre des manifestants et le sens de cette marche du 1er décembre a été gagnée par lui. On se souvient comment.

La conjonction désormais traditionnelle d’attaques ciblées sur moi (cette fois ci c’était un sondage si vous vous souvenez), la hargne traditionnelle du duo « Libé »-« Le Monde » a été cette fois ci amplifiée par une opération de communication de haut niveau. Valls et Olivier Schramek, le président du prétendu CSA, ont joué main dans la main d’une façon efficace, appuyés par les « erreurs d’images » de Canal+ et i>Télé et les accusations de truquages contre TF1. Bref, d’astucieuses trouvailles créant une diversion magique. Je n’oublierai pas de mentionner la sottise de ceux de nos amis qui se sont sentis obligé d’étaler leurs passionnantes angoisses sur le fait de savoir si nous étions 100 000 ou bien 70 000 ou même 15 000. Aucun d’entre eux, bien sûr, n’était capable d’apporter la moindre preuve de leur ahurissante convergence chiffrée avec nos adversaires. L’essentiel était de me « casser ». En vain, pour ce qui me concerne. Mais il est vrai que tout cela a eu son efficacité pour refroidir la force qui aurait dû s’exalter à partir de la réussite de ce jour-là.

Nous pensions avoir tiré la leçon. Nous avons compris qu’il fallait d’abord se protéger des jalousies et coups de billard venant de notre propre camp. Pour cela, entendait-on dire, il fallait procéder de façon plus ample, plus lente, avec « davantage de concertation », en partant d’un collectif. Mais le résultat à la fin, lui aussi, nous a servi de leçon : un mois et demi de discussions pour décider de faire une pétition et d’aller l’apporter à l’Assemblée nationale ! Autant dire que tout cela était sans rapport avec les besoins du moment politique. Arrivent là-dessus les manifestations de l’extrême droite et de la droite ! Elles ont eu au moins un effet bénéfique : réveiller la compréhension de tous nos amis. Tout le monde a enfin convenu qu’il était nécessaire de tenir le haut du pavé par une démonstration de force. La prise de conscience a été générale. Et la conclusion identique : le rapport de force doit être reconstruit dans la rue. De toute façon, toutes les autres issues sont bouchées par la dictamolle de Hollande. Clémentine Autain, Pierre Laurent ont embrayé publiquement sur cette idée en mettant toute leur autorité dans la balance. De mon côté, sous le titre « Marchons, marchons », j’ai publié une synthèse des discussions et analyses qui avaient conduit notre équipe à vouloir aller de l’avant dans ce sens dès le mois de janvier. Le plus important, à mes yeux, est que tous nous allions dans le même sens en ce qui concerne non seulement le diagnostic mais la méthode. De son côté, le NPA, lui aussi, passait à l’initiative en adressant une lettre à tous les partenaires de l’autre gauche pour proposer une initiative. Nous avons aussitôt analysé l’initiative du NPA comme un moyen de déclenchement. À nos yeux, il ne fallait ni se laisser enfermer dans les intrigues des municipales, ni laisser le NPA sans réponse au moment où il faisait un geste unitaire. L’analyse attentive, ligne à ligne, de ce qu’écrivait le NPA montrait une vraie convergence de méthodes, d’état d’esprit, de perspectives. Lundi dernier a donc été la journée décisive.

Lundi matin, la coordination nationale du Front de Gauche s’est accordée sur le thème « trop c’est trop » et sur la décision de travailler un appel large pour aller dans la rue. Ici, ce qui est fondamental, c’est que la méthode lie l’objectif de reprendre le terrain avec la condition incontournable : se situer dans une claire logique d’opposition de gauche à la politique du gouvernement. Autrement dit, personne parmi nous n’est dupe des gesticulations des solfériniens sur le thème du « 6 février 1934 » qui pointerait à l’horizon. Tout le monde est bien conscient du fait que le gouvernement et son parti voudraient provoquer, sous prétexte de contrer l’extrême droite, une mobilisation-amnistie à son profit pour masquer l’ampleur du désaveu qui le frappe. Dans ce cas précis, une nouvelle fois, nous retrouvons une démonstration de ce qu’il lie ensemble la capacité de mobilisation et la rupture avec le PS et son gouvernement. La rupture est la condition de la crédibilité. La crédibilité est la condition de la mobilisation. Tel est l’énoncé de l’équation dont nous devons fournir le contenu concret. Une fois le Front de Gauche mis d’accord, la rencontre que nous avions l’après-midi avec une délégation du NPA, conduite par Olivier Besancenot lui-même, à notre siège national, a été simple pour nous. L’accord de tous étant dorénavant possible, il fallait avancer, déclencher, mettre sur la voie concrètement ce qui jusque-là n’étaient qu’une analyse abstraite. D’où la prise de position commune et la conférence de presse tenue séance tenante avec Olivier Besancenot, Martine Billard et les camarades de nos deux délégations dont l’un des artisans essentiels de cette percée : Éric Coquerel. Le soir même Pierre Laurent, au nom du Parti communiste, donnait son approbation. La machine est donc lancée.

Je crois que la date que nous avons proposée sera retenue car elle tient compte des réalités du calendrier prévisionnel. En effet, d’ici au premier tour des élections municipales, nos organisations appellent aussi à soutenir le mouvement intersyndical du 18 mars. Puis ont lieu les deux tours des élections municipales. Et le week-end suivant est celui de la mise en place des conseils municipaux et de leurs exécutifs. C’est pourquoi un délai de quinze jours après le deuxième tour de l’élection municipale nous a paru être efficace. À partir d’aujourd’hui, cela nous laisse deux mois. Nous n’avons eu que trois semaines pour préparer la manifestation du 1er décembre. C’est dire que nous sommes certains de pouvoir faire mieux.

Entre ce récit que je viens de faire, et le retour sur ma note où je traite de la méthode, c’est déjà bien de la lecture. Je voudrais cependant insister sur le sens de ce que nous venons de décider d’entreprendre. Et davantage encore plaider pour une prise de conscience à propos du moment que nous allons vivre. À sa façon, la marche du 12 avril ouvrira, de notre côté de la barrière, le processus que nous devons construire en réplique aux résultats des deux élections. La droite et l’extrême droite ne s’y sont pas trompées non plus puisqu’elles convoquent, pour le week-end précédant le nôtre, une nouvelle « journée de la colère » sur le mode de celle où l’on avait vu les exactions et les slogans d’extrême droite dont chacun se souvient. Pas question de les laisser formater politiquement l’espace béant que la déroute du pouvoir en place va ouvrir. Je sais très bien, pour avoir en main d’ores et déjà les documents que Valls a préparés pour présenter les résultats (et minorer aussi notre existence), que tout sera fait pour masquer le sens de ce qui va se passer réellement dans les urnes. On peut compter sur un système médiatique paresseux et docile pour recommencer le numéro d’escamotage et de confusion bavarde que l’on a toujours connu jusqu’à présent. Qui pourrait oublier la soirée électorale présidentielle où les perroquets ont annoncé et laissé Marine Le Pen s’attribuer 20 % des suffrages toute la soirée et la nuit, là où elle n’en faisait pas dix-huit ? Mais cette fois-ci, tout ce qui sera fait pour regrouper, par la peur du loup, autour du pouvoir et de son compère de l’UMP, nous servira en dépit des apparences. Car cela ne fera qu’aggraver la détermination de tout ceux qui sauront, du fait de leurs résultats locaux, ce qu’il en est réellement.

La composante médiatique du système de maintien de l’ordre ne doit certainement pas être sous-évaluée. Mais il ne faut pas lui supposer la toute-puissance que nombre de nos amis lui attribue souvent. La machine à abrutir peut enfumer et retarder. Mais elle ne peut pas arrêter. Nous devons savoir la manipuler pour l’amener agir jusqu’au bout de ce que sa propre sottise et paresse lui suggèrent de faire. À la fin, le bouchon du cratère explose tout entier.

Que cela ne vous empêche pas, d’ici-là, de continuer à rester critique et d’observer attentivement comment est menée l’opération « Whisky de Périgueux » pour nous nuire. Surtout, montrez si vous le pouvez les séquences où cette « affaire » est « traitée ». Apprendre les techniques du traquenard médiatique est une composante essentielle de l’éducation militante de notre temps. Et n’ayez aucun scrupule à dire très haut ce que vous pensez de cette caste partout où vous le pouvez, de manière à créer une ambiance qui leur soit partout contraire et méprisante. Et consolez-vous : ils ne valent pas plus cher. Sachez qu’aucun d’entre eux n’a été vérifier quoique ce soit ni sur l’identité des « démissionnaire du Whisky » ni sur la réalité de leur démission pour ceux qui étaient en état de le faire. Les « journalistes » ont juste sauté sur une occasion de nous nuire et de nous insulter. C’est tout. Une partie des personnes « signataires » ne l’étaient pas et ont demandé à retirer leur nom noté contre leur gré. Nombre d’autres ne pouvaient pas démissionner pour la raison que c’était déjà fait depuis plusieurs mois, une autre au moins pour la raison qu’elle avait déjà adhéré au NPA depuis deux mois. Et ainsi de suite. Journalisme ? Rien n’est vérifié, rien n’est recoupé. Journalisme ? Où ça ?


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