Après la loi famille, la grande débandade commence

lundi 10 février 2014.
 

La nouvelle capitulation des solfériniens sur la loi famille est un pur désastre politique. En cédant au lendemain de la manifestation de la droite et quinze jours après la manifestation de l’ultra droite, Valls a reconnu de fait la légitimé de leur colère. En leur donnant la victoire, il a fortifié et unifié leurs rangs. La débandade s’est jouée en une journée.

D’un bout a l’autre on trouve la main de Valls. Dès le lendemain matin après la manifestation, très largement évaluée par ses services, Manuel Valls annonce que le gouvernement refuserait tous les amendements autorisant la PMA dans le débat sur la famille. De quel droit ? Est-il premier ministre, ministre de la famille, de la justice ? C’est un coup de force qui va contre une promesse pourtant parfaitement claire du candidat Hollande et son cocker navré devenu premier ministre. En effet dans la campagne, Hollande s’était dit favorable à la PMA (procréation médicale assistée) pour les couples homosexuels. C’était dans un entretien au magazine Têtu dont la rédactrice en chef était l’actuelle présidente du parti Vert ! Comme la question était venue assez naturellement dans la loi sur le mariage pour tous, ce fut déjà une première débandade. Mais la main sur le cœur Ayrault avait fait l’enjoleur. "La PMA mérite un débat en tant que tel, c’est pourquoi elle figurera dans le projet de loi famille" afficha-t-il par twitt du 9 janvier 2013, au moment de l’adoption du mariage pour tous ! Et les apparences suivirent : un projet de loi sur la famille devait être discuté au deuxième semestre 2014. Croire Ayrault c’est ne croire à rien de sérieux ni de durable. On se souvient de sa fantastique « mise à plat de la fiscalité ». Il a été à sa propre hauteur sur ce coup, de nouveau. Le néant fier de l’être. Il est vrai qu’en quelques heures tout s’était effondré. Car à peine le grand Manuel Valls avait-il parlé, devant l’énormité de l’outrecuidance, d’aucuns ont cru l’heure de résistance arrivée ou à tout le moins le moment venu d’un beau coup de menton. Bruno Le Roux président du groupe PS à l’Assemblée a sauté sur l’occasion ! Il exige aussitôt de Valls qu’il "respecte la règle fixée" entre le groupe et le gouvernement, à savoir attendre l’avis du Comité national d’éthique qui doit être rendu au printemps. Bruno Le Roux a même précisé qu’il "ne renonce à aucune ouverture de nouveaux droits pour les enfants de notre pays". Car il faut se souvenir que le texte ne comporte aucune disposition concernant la PMA. Il ne traite que d’autres problèmes à régler du fait des nombreuses familles recomposées faisant surgir d’autres mode de vie familiale.

On en était là du courage quand le porte-parole du PS David Assouline est apparu sur la scène. De façon stupéfiante, il fait savoir que le PS ne souhaitait pas non plus d’amendement sur la PMA dans le texte sur la famille, s’alignant sur Valls. Silence assourdissant de Harlem Désir pourtant patron d’un parti qui a toujours eu la position inverse sur le sujet. Il ne restait plus à Ayrault qu’a obtempérer ! Ce qu’il a fait en annonçant carrément qu’il n’y aurait pas de texte sur la famille en 2014 ! Certes on note encore quelques soubresauts d’indignation sur les bancs du PS et d’EELV. Mais les gosiers ont été déjà bien élargis : qui a déjà avalé la mer peut bien digérer aussi ses cailloux !

Il est donc essentiel de faire vivre l’idée de l’opposition de gauche face à eux tous. Car l’événement n’est pas limité à la sphère politicienne. Nous avons assisté à l’effondrement de la ligne d’action « sociétale ». Celle-ci était le refuge de la bonne conscience que les solfériniens offraient à leurs commensaux en échange de leur cécité et de leur mutisme sur le social. Et cela face à un mouvement populaire de droite qui a déjà submergé ses propres structures de représentation politique. Tout s’est joué en dehors de l’UMP, de l’UDI et même du Front National tant ce parti est désormais intégré au système politicien de la droite institutionnelle. Et ce mouvement vient de gagner. Dès lors c’est lui qui impose dorénavant son tempo a la recomposition de la droite. Le chemin ouvert par Sarkozy pour cette droite décomplexée qu’il entendait incarner est dorénavant large comme une avenue. Cette droite s’est désenclavée du seul discours libéral en économie, elle se réancre dans des fondamentaux culturels et philosophique parmi les plus fondamentaux dans la conscience d’un peuple : la famille, la sexualité, l’identité intime, zones d’adhésions bien plus prégnante qu’aucune autre. En ce sens nous vivons une apogée de la vague de droite « morale » commencée en France bien après celle qui a déjà balayé les Etats Unis où elle a été le socle des gouvernements libéraux.

Il n’y avait aucune fatalité à cette déroute. C’est l’inconsistance et l’incohérence des chefs solfériniens à la tête de la gauche qui nous a conduit là où nous sommes. Loin de préparer chaque étape et d’en faire un enjeu d’éducation populaire, la ligne du « sociétal » contre le « social » a été pilotée a la va comme je te pousse. On se souvient des épisodes du mariage pour tous, de la désertion des forces de gauche sur le terrain, des pantalonnades du président de la République inventant une incroyable « clause de conscience » pour les maires qui refuseraient de les célébrer ! Puis ce fut la Taubiramania, apothéose de jubilation, certes bien méritée. Mais pour beaucoup ce ft un chant du soigne. Cette satisfaction exubérante ne pouvait réellement méconnaitre le trouble créé dans le pays et sa persistance. La célébration de Taubira permettait à chacun de s’offrir, à ses dépens, une auréole de combattant à peu de frais. Elle-même fut bien vite abandonnée de tous quand elle fut agressée par les racistes. D’ailleurs à la manifestation censée protester contre cette agression pas un ministre ne s’exposa à venir. Harlem Désir résuma sa présence à venir toucher les mains du premier rang de carré de tête ! Celui-là mieux qu’un autre sait à quel point il faut manier avec précaution et pédagogie certains débats. Il devait se rendre compte que la campagne de conviction, si mal menée avait tourné court. Alors que toute la droite et le FN pensait que le « mariage pour tous » serait une formalité, un accompagnement de l’évidence des mœurs de notre temps dans laquelle il ne leur fallait pas se faire figer en conservateur comme au temps du Pacs, ce fut le contraire qui se produisit.

Cette fois-ci, je crois que Valls s’offre une construction personnelle plus large. En renforçant la vague de droite il compte la chevaucher à gauche. Comme il l’a fait pour la sécurité et pour la déréglementation économique. Nous verrons donc bientôt surgir une « gôche morale », antithèse des soi-disant valeur de mai 68. C’est elle qui va siffler « la pause des réformes sociétales » comme la droite du PS des années 80 avait sifflé la pause des réformes sociales.

En dessinant cette ligne de pente j’ai conscience de montrer un tableau fort noir. Mais en chinois, crise se traduit par le mot « opportunité » comme me l’a appris récemment ma camarade Muriel Ressiguier, la tête de liste du Front de gauche à Montpellier. Elle sait de quoi elle parle. Nous pouvons reprendre le terrain a condition de le déplacer sur le terrain plus large de l’opposition de gauche. Je veux dire d’une mise à distance claire et nette du navire solférinien en perdition et du système politico social qu’il incarne. Aprés cette reculade, le PS entre dans une phase où il affronte a la fois la désertion de sa base sociale et celle de sa base « sociétale ». Une débandade générale peut commencer. A nous de lui offrir une issue positive. Avec nos méthodes. En commençant par une opposition de gauche sans compromission.


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