France : les milieux catholiques se mobilisent contre l’avortement

vendredi 24 janvier 2014.
 

Pour avorter, une femme doit-elle justifier d’un état de « détresse » ? C’est ce qu’affirme le code de la santé publique, inchangé depuis la loi de 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse. Et c’est ce que modifie la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, débattue à l’Assemblée nationale à partir du 20 janvier, à l’initiative de la députée des Français de l’étranger, Axelle Lemaire.

Son amendement, adopté lors de l’examen du texte en commission des lois en décembre, remplace l’expression « la femme que sa grossesse place dans une situation de détresse » par « la femme qui ne souhaite pas poursuivre une grossesse ».

Une disposition purement symbolique. « Réaffirmer le droit à l’avortement au moment où il est remis en cause dans plusieurs pays européens est important, justifie Mme Lemaire. La notion de détresse est désuète et n’est pas appliquée. » « Il s’agit d’expurger le texte d’une notion sans portée juridique, explicite également le rapporteur (PS) de la commission des lois, Sébastien Denaja. Aucun médecin ne demande à une femme si elle est en situation de détresse. »

« BANALISATION » INSUPPORTABLE POUR LES ANTI-AVORTEMENT

Selon les féministes, cette tournure, qui fait de l’IVG une dérogation, entretient cependant un discours moralisateur et culpabilisant à l’égard des femmes qui avortent. L’amendement a été adopté avec l’aval du gouvernement.

C’est au contraire une « banalisation » insupportable pour les militants anti-avortement, également galvanisés par l’évolution très restrictive de la législation sur le recours à l’avortement prévue en Espagne. Ils étaient entre 16 000 (selon la police) et 40 000 (selon les organisateurs) à défiler dimanche 19 janvier à Paris, scandant « Oui à la vie » ou encore « Viva Espana ». Un chiffre supérieur à celui des mobilisations traditionnelles sur ce thème.

Le collectif de manifestants, principalement composé de mouvements proches des milieux catholiques les plus conservateurs, mène depuis neuf ans un combat contre l’IVG qualifiée tantôt d’« attentat à la dignité humaine » tantôt de « génocide médical ».

« TENTATIONS DE RÉGRESSION »

Comme chaque année, plusieurs évêques français ont défilé aux côtés des familles venues de toute la France, encouragés par un message du pape François, qui, conformément à la doctrine catholique, a récemment qualifié « d’horreur », le recours à l’avortement. La ministre du droit des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a dénoncé, lundi, « les tentations de régression » actuelles.

Egalement engagés dans la contestation contre le « mariage pour tous » en 2013, ces mouvements catholiques semblent déterminés à donner de nouveau de la voix dans le débat public, au cours des prochaines semaines. Au-delà de l’amendement sur l’avortement, les débats à venir sur l’euthanasie ou encore leurs inquiétudes sur « l’idéologie du gender », promue selon eux par le gouvernement français, et sur les atteintes à « la famille naturelle » leur donneront l’occasion de se retrouver sur le pavé le 2 février.

L’exemple espagnol, où les milieux catholiques ont pesé dans les débats sur l’avortement suscite en effet « l’espoir » des manifestants. « C’est formidable. C’est l’espérance pour nous, s’enflammait le père Argouarc’h, dimanche, à Paris, s’apprêtant à « dire le chapelet » en fin de cortège, en compagnie du militant anti-IVG le docteur Xavier Dor.

LES MILIEUX CATHOLIQUES EN PREMIÈRE LIGNE

Jean-Luc, arrivé de Gif-sur-Yvette (Essonne) avec femme et enfants, avait déjà, comme de nombreux manifestants, fait le déplacement pour les « manifs pour tous », hostiles au mariage entre personnes de même sexe. « On souhaite que la France prenne exemple sur l’Espagne, dit-il. Il y a des choses absurdes. Ici des bébés animaux sont mieux traités que des bébés humains ! »

La droite française, ainsi que l’extrême droite, comptent bien prolonger le débat cette semaine dans l’hémicycle. Des élus UMP, dont les anti-mariage pour tous Jean-Frédéric Poisson et Philippe Gosselin, ont en effet déposé des amendements en faveur du déremboursement de l’IVG (le remboursement a été porté à 100 % par le gouvernement) si la notion de détresse est supprimée. Le renforcement de la lutte contre l’entrave à l’IVG devrait aussi être contestée. Là encore, les milieux catholiques sont en première ligne. Les nouvelles dispositions sont clairement destinées à empêcher les manifestations anti-IVG aux abords des hôpitaux.

Mme Vallaud-Belkacem a en revanche obtenu que les socialistes ne déposent pas d’amendement remettant en cause la clause de conscience des médecins, ou le délai de réflexion de sept jours entre les deux premières consultations, comme le souhaitait le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. « Remettre en cause ces dispositifs ne paraît pas prioritaire, justifiait Mme Vallaud-Belkacem lors de sa remise. La société française a trouvé un équilibre en la matière, il serait risqué et contre-productif d’essayer de la bousculer. »

Gaëlle Dupont, Claire Gatinois et Stéphanie Le Bars


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