PGE : Une force vivante doit savoir bouger

mercredi 25 décembre 2013.
 

Bonsoir chers camarades,

Je vais prononcer devant vous la dernière intervention de la délégation du Parti de Gauche.

Notre congrès marche vers sa conclusion. J’ai bien écouté les débats aujourd’hui. J’ai cru comprendre, j’ai bon espoir que, demain, très largement, nous désignions Alexis Tsipras pour porter nos couleurs comme candidat du PGE à la présidence de la Commission européenne.

En élisant Alexis, nous disons, comme il l’a dit hier, « c’est notre moment ! », puisque c’est la première fois que le Parti de la Gauche européenne se présente dans cette élection avec un candidat à ce poste. Nous disons : « C’est notre moment », et notre moment c’est le moment du peuple ! C’est le moment pour tous ceux qui ont été humiliés, opprimés, écrasés, écartés des décisions dans leur propre pays par la Troïka, de se venger, de punir ceux qui les frappent, et armés de leur bulletin de vote, de rappeler qui doit exercer le pouvoir en Europe : les citoyens, le peuple et pas les marchés financiers, qui l’emmènent à la catastrophe.

En désignant Alexis Tsipras, nous choisirons aussi, chers camarades, une stratégie. Elle est dans la plateforme politique que nous adopterons. Quelle est notre stratégie ? Certes, nous aspirons à renforcer notre groupe de la GUE au Parlement européen, et nous avons bon espoir d’y parvenir. Mais cela ne suffit pas. Car notre ambition – nous le disons, nous l’écrivons – c’est de refonder l’Union européenne, et donc d’en finir avec ces traités, d’en finir avec une politique qui ne dépend pas du Parlement européen, puisque, dans l’Union européenne, le Parlement européen a très peu de pouvoirs, puisque nous nous battons à l’intérieur d’une construction antidémocratique. Et parce que, aussi nombreux serons nous en mai prochain, nous affronterons une cogestion entre le PSE et le PPE… le PPSE, pourrais-je dire – comme les camarades espagnols parlent du PPSOE – qui gèrent ensemble l’Union européenne. Pas depuis un mois, pas depuis un an : depuis sa fondation ! Et qui la gèreront demain avec encore plus de cohésion entre eux et de brutalité dans les politiques austéritaires, car aujourd’hui, vous le savez, les militants du SPD allemand ont voté – hélas ! hélas ! combien de fois hélas ! – à 75% pour valider la grande coalition avec la CDU de Madame Merkel. Ce qui veut dire que vous avez les présidents des deux principaux groupes, celui du PSE et du PSE au Parlement européen, qui marchent la main dans la main autour d’un programme commun qui est le programme de la droite allemande, qui est le programme de l’austérité à vie pour l’Union européenne.

Comment faire pour vaincre un ennemi aussi puissant ? Nous pouvons l’affronter – nous le disons dans notre texte – si nous faisons craquer la chaîne quelque part. Nous l’écrivons : notre stratégie est celle de la désobéissance. Si un pays commence à désobéir, à ce moment-là, la contagion se fera dans l’Europe. Et la chaîne craquera ailleurs, parce que les peuples verront qu’il n’y a pas de fatalité aux politiques d’austérité, qu’il est possible d’ouvrir un autre chemin, qu’il est possible de résister. Pas simplement dans la rue, pas simplement dans la contestation sociale – indispensable, à laquelle nous participons toutes et tous –, mais aussi par les urnes, avec la légitimité de la souveraineté populaire, qui doit donner à nos élus le mandat de désobéir et de refuser les traités européens imposés par la finance.

Nous savons qu’en Grèce, chers camarades, et Alexis l’a dit hier quand il a dit « nous sommes à un pas du pouvoir », la chaîne peut craquer. Et si, lors de ces élections, en mai prochain, la chaîne craque en Grèce, alors elle craquera dans toute l’Europe. Alors ce sera pour nous le début d’un autre rapport de force dans nos propres pays, aussi difficile soit la situation de beaucoup d’entre vous dans cette salle. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous choisissons Alexis Tsipras. En choisissant Alexis, nous nous aidons de ce qu’il représente, de cette position politique intraitable, d’indépendance aux côtés du peuple contre les politiques austéritaires. Alexis et ses camarades ont même affronté, il y a trois ans, une scission avec ceux qui voulaient aller travailler avec la social-démocratie ! Mais nous aidons aussi les Grecs, nous leur donnons tout ce que nous pouvons pour qu’ils y arrivent, car s’ils y arrivent en Grèce, c’est nous tous qui y arrivons. Nous sommes internationalistes donc nous comprenons cela.

Vous savez, Madame Merkel, quand elle parle de la Grèce, elle dit : « C’est un petit pays, cela ne compte pas ». La Grèce est pourtant un grand pays qui compte par sa culture, son Histoire, la combativité de son peuple, son courage. C’est un vrai que c’est un petit pays sur le plan de la démographie ou du poids économique. Ce serait mieux si un grand pays, aussi, pouvait être l’endroit où la chaîne craque. Ce serait mieux car ce serait plus facile pour nous.

En Allemagne ? C’est là que ce serait le plus utile, malheureusement en Allemagne, Madame Merkel vient de remporter les élections nationales.

En France ? Qu’est-ce qu’on peut faire en France ? Comment être à la hauteur de notre responsabilité pour toute l’Europe ? En France, nous avons un acquis : le Front de Gauche a obtenu quatre millions de voix, 11% à l’élection présidentielle. C’est un résultat sans précédent dans notre histoire récente, dans une élection très difficile qui écrase les formations qui sont en dehors des partis dominants, qui avait réussi -rendez-vous compte- à réduire lors de la précédente élection présidentielle le score du PCF à moins de 2%. En France, nous savons que le Parti socialiste est toujours en situation de faiblesse lors des élections européennes. Nous pouvons le battre ! C’est largement possible.

Et nous avons besoin, comme Alexis en Grèce, de l’aide du Parti de la Gauche européenne pour y arriver. Nous vous avons demandé votre aide. C’est ce que nous vous avons dit quand nous vous avons dit honnêtement, comme à des amis auxquels on ne cache rien, la difficulté qui est la nôtre en France, la difficulté de ce calendrier électoral que nous n’avons pas voulu, de ces élections municipales qui se tiennent deux mois avant les élections européennes… et dans lesquelles les partis du Front de Gauche vont se présenter de manière divisée dans la capitale du pays.

Nous vous l’avons dit : nous ne vous demandons pas de vous mêler de nos élections municipales – nous sommes déjà suffisamment incapables de régler le problème nous-mêmes, n’ajoutons pas à la difficulté, à la confusion. Nous ne demandons qu’une chose : protégeons les élections européennes. Il ne faut pas que les difficultés que nous rencontrons dans l’élection municipale viennent nous compliquer la tâche, rendre incompréhensible notre profil, donner le sentiment que nous ne sommes pas la force de rupture avec les partis de l’austérité, qu’ils soient sociaux-démocrates ou de droite. Il faut donc séparer les deux élections, autant que nous pouvons le faire dans ce calendrier qui les réunit.

C’est pourquoi nous vous avons dit que choisir Pierre Laurent, par-delà sa personne, je crois que tout le monde l’a compris, comme président du PGE conduit à réunir les deux élections. C’est nous compliquer la tâche, nous créer une difficulté que, je crois, beaucoup d’entre vous peuvent comprendre. Alors demain, nous voterons aussi sur cette question. Et nous savons, car nous écoutons, que nous n’avons pas été entendus sur ce point.

Nous avons vécu un bon congrès : intense, riche. De nombreuses discussions, franches et utiles, dans les groupes de travail. Nous sommes très contents des avancées faites sur la stratégie, sur la désobéissance européenne, sur la question de l’écosocialisme à propos de laquelle j’espère que demain nous voterons majoritairement la motion qui est présentée par de nombreux partis du Parti de la Gauche européenne.

Mais nous savons que quoi que nous ayons fait, essayé, disant : « prenons un autre candidat, un autre communiste, ce n’est pas la question, un autre communiste français, ça n’est pas la question non plus ; faisons une coprésidence », nous savons que, sur ce point, nous n’avons pas été entendus. Dans cette séance plénière, rien ne nous a été répondu. Cela a été le silence. Cela a été : « Tout va bien, le Parti de la Gauche européenne se renforce, nous sommes unis comme nous ne l’avons jamais été ». C’est une forme de réponse. Personne ici n’est à son premier congrès. Nous savons très bien que c’est une réponse. C’est une réponse négative, chers camarades. Non pas pour nous-mêmes mais négative pour le PGE.

Le Parti de la Gauche européenne ne doit pas craindre le débat, la discussion ! L’histoire du mouvement international en est faite ! Combien de dirigeants de l’Internationale se sont intéressées au problème de la gauche française, même et surtout quand elle était divisée ? Il me revient des textes de Rosa Luxembourg sur le problème des socialistes français. Il y avait des discussions ouvertes, personne ne disait : « Oh non, c’est un problème national, cela ne me regarde pas, je ne veux pas m’en mêler ». Cela est l’esprit européen de l’Union européenne telle qu’elle est. Ce n’est pas ça l’esprit de l’internationalisme.

Vous entendez mon amertume. Mais… je comprends. Nous avons enregistré. Il ne faut pas avoir peur du débat, il ne faut pas avoir peur du mouvement. Une force politique vivante, c’est une force qui discute. Quand on discute, ça ne veut pas dire qu’un point de vue l’emporte nécessairement – pas même celui qu’on souhaite. Cela veut dire que tout le monde est changé : l’organisation entend, progresse, parce qu’on se comprend mieux les uns les autres. Une force vivante, elle bouge. Le consensus c’est bien quand c’est possible, mais l’immobilisme ne construit pas l’avenir. Une force vivante doit savoir bouger. Je vous assure toutes et tous que, pour notre part – je ne peux parler que pour nous-mêmes, le Parti de Gauche– nous avons bien l’intention de rester le plus longtemps possible une force vivante et nous allons bouger.


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