Va te faire « remettre à plat », bonhomme !

vendredi 29 novembre 2013.
 

Dans Les Echos de mardi 19 novembre, Ayrault vient de faire un spectaculaire tête-à-queue politique en annonçant une "remise à plat de notre système fiscal" à partir de 2015. On se souvient pourtant de Jérôme Cahuzac affirmant dans son débat face à moi en janvier 2013 sur France 2 que "la réforme fiscale ? Elle est faite". Plus récemment, le président de la République lui-même avait jugé que "le temps est venu de faire une pause fiscale".

C’était dans Le Monde le 30 août dernier. Quelques jours plus tard, dans le journal Metro du 17 septembre, au prix d’un premier couac, Jean-Marc Ayrault reportait la "pause fiscale" à 2015 mais au moins en gardait-il l’idée. Et le 5 novembre dernier, le ministre de l’Economie et des Finances Pierre Moscovici confirmait sur BFMTV : "il n’y a pas aujourd’hui de volonté de bouleverser le système" fiscal. Mais n’avait-il pas bien précisé : « aujourd’hui ».

Quelle mouche a donc piqué le Premier ministre pour que la "pause" disparaisse au profit de l’annonce d’une vibrante "remise à plat" générale ? Un facétieux camarade proposait de remettre les événements dans l’ordre pour trouver une explication : le 8 novembre, sur RTL, j’appelle une marche pour la révolution fiscale. Le 10 novembre, le président du groupe EELV au Sénat Jean-Vincent Placé considère que "la hausse de TVA va peut-être être la goutte de trop". Le 12 novembre, tout le Front de Gauche faisait sien l’appel à la marche du 1er décembre. Le même jour, le responsable socialiste François Kalfon appelait à "renoncer à la hausse du taux intermédiaire de TVA". Le 13 novembre, la CGT par la voie de Thierry le Paon sur RTL demande elle aussi une "grande réforme fiscale". Le 15 novembre, c’est Laurent Berger, le secrétaire générale de la CFDT qui sur BFMTV demande à son tour une "grande réforme fiscale" et Solidaires se dit "pour une vraie révolution fiscale". Le 16 novembre, Force ouvrière explique que la réforme fiscale est "une priorité". On le voit, comme contre Valls en août, nous avons été de nouveau les « éclaireurs-déclencheurs » que nous voulons être ! En dix jours, nous avons forcé le Premier ministre à envoyer sa "pause fiscale" au tapis au profit d’une "remise à plat".

Pour autant, soyons lucides. L’annonce sent le bricolage. Le Premier ministre annonce cette initiative fiscale le matin du jour où l’Assemblée devait se prononcer en première lecture sur le budget 2014. Pourquoi n’y a-t-il pas pensé plus tôt ? Le pauvre Ayrault s’est d’ailleurs pris les pieds dans le tapis. A l’Assemblée, mardi après-midi, il a annoncé que "Le gouvernement fera ses propositions, et avant l’été 2015, il y aura une première étape qui s’inscrira dans la loi de finances 2015 et qui tracera la perspective de cette réforme ambitieuse". Les connaisseurs ont bien ri. Car la loi de finances pour 2015 sera élaborée à l’été 2014 et non à l’été 2015. Ayrault ne sait donc déjà plus pour quand est prévue sa "remise à plat" fiscale. L’AFP nous apprend que "son entourage, a précisé que quand il parlait de "l’été 2015", M. Ayrault voulait en réalité dire l’"été 2014 ». Et quand il a dit l’été, il s’agissait bien de la saison et pas du participe passé du verbe « être » ?

On comprend que Jean Marc Ayrault s’emmêle dans les dates. La "réforme fiscale" devait déjà avoir lieu, "dans le cadre d’une loi de finance rectificative", lors de la session extraordinaire du Parlement entre le 3 juillet et le 2 août 2012, selon L’agenda du changement publié par François Hollande dans sa campagne présidentielle. Vous aviez oublié ce fameux « agenda » ? C’est à Laurent Fabius pourtant que vous le deviez ! Un terrible document à charge pour qui veut faire le bilan des dix-huit premiers mois de la glorieuse présidence de François Hollande. Cette "grande réforme fiscale" devrait donc être bouclée depuis plus d’un an. Bien sûr, elle attend toujours. La "modulation de l’impôt sur les sociétés au bénéfice des PME et des entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices" que promettait Hollande n’a jamais vu le jour. Pas plus que la "taxation des revenus du capital comme ceux du travail" puisque les dividendes et plus-values continuent de bénéficier d’avantages fiscaux par rapport aux salaires. Dans son projet présidentiel, François Hollande avait aussi fait d’autres promesses qui sont passées aux oubliettes. Ainsi, il affirmait "Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite". Or il n’a pas rétabli tout le barème. Les fortunes entre 800 000 et 1,3 millions d’euros sont toujours exonérées comme l’avait décidé Sarkozy. Et en matière de lutte contre la fraude fiscale ? Hollande devait déclarer "interdiction aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux". Il s’est piteusement contenté de demander aux banques de déclarer la liste des établissements dans les paradis fiscaux qu’elles fréquentaient. Quelle audace !

Quant à la TVA, la "réforme fiscale" de Hollande est devenue un véritable "reniement fiscal". En janvier 2012 dans la campagne présidentielle, François Hollande affirmait que "la hausse de la TVA [décidée par Sarkozy] est injuste, inopportune, improvisée et infondée". Le PS diffusait à l’époque un tract qui affirmait en gros caractères "Non à la TVA Sarkozy" parlant d’"une injustice supplémentaire qui va toucher le pouvoir d’achat de tous les français" et d’une "faute économique qui affaiblira la consommation et nuira donc à la croissance et à l’emploi". Le tract finissait par cet engagement : "François Hollande annulera la hausse de la TVA". Au lieu de cela, François Hollande a confirmé la hausse de la TVA pour financer un cadeau de 20 milliards aux actionnaires. Il a même prévu d’augmenter plus fortement que Sarkozy le taux intermédiaire, qui frappe les transports en commun, les travaux de rénovation du logement, le ramassage des ordures ménagères, les maisons de retraite…

Nous avons raison de ne pas avoir confiance ! Et si nous avions confiance, nous continuerions pourtant comme nous le faisons à mobiliser pour la manifestation du 1er décembre. Car la fiscalité décrit un rapport de force à propos du partage des richesses, et nous n’avons aucune raison de croire que les puissants et les importants aient l’intention de se sacrifier avec le sourire. Il faudra leur imposer ce changement-là davantage que n’importe quel autre. Pour l’heure, Ayrault n’a cédé que dans les mots. Sur le fond, il s’entête. Il annonce même que la "remise à plat" fiscale ne touchera pas aux objectifs de l’impôt. Pour Ayrault, il s’agit toujours de rembourser la dette encore et toujours. Et rien d’autre. Il a d’ailleurs confirmé au passage que la politique d’austérité des solfériniens s’appliquerait jusqu’à la fin du quinquennat Hollande : "Nous avons aussi besoin d’un véritable débat sur le niveau de la dépense publique, qui est élevé aujourd’hui. Nous allons réaliser 15 milliards d’euros d’économies en 2014, mais il faudra continuer au moins au même rythme en 2015, en 2016, en 2017".

Surtout Ayrault s’obstine à vouloir faire payer le peuple. Il a été très clair là-dessus dans son interview aux Echos de mardi 19 novembre : "pas question" de revenir sur la hausse de la TVA. La lecture de cet entretien dans le journal les Échos est un exercice assez pénible. Froid et glacial, le Premier ministre cite à tout bout de champ, comme un bon technocrate, les entreprises très souvent, « les ménages » une fois, jamais les salariés ni les familles. Cet entretien affiche une indifférence sociale absolument consternante chez un Premier ministre socialiste. Tout le bruit autour d’une hypothétique "remise à plat" en 2015 vise en réalité à masquer la brutalité de la hausse de TVA au 1er janvier. Nous ne sommes pas dupes. Ayrault dit : vous paierez ! Et les grands patrons empocheront ! Nous répondrons le 1er décembre : "pas question de se laisser tondre » La "remise à plat" doit commencer par l’annulation de la hausse de la TVA !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message