Moduler le RMI, c’est remettre en cause la solidarité nationale (appel d’élus aveyronnais déjà signé par plus de 100 conseillers généraux de toute la France)

jeudi 15 février 2007.
 

Les sénateurs chargés de l’Observatoire de la Décentralisation travaillent sans le dire vraiment à l’idée de moduler le RMI en fonction du coût de la vie dans chaque département. Cela serait contraire à la vision républicaine du dispositif d’insertion.

Le 1er février, l’Observatoire a présenté un rapport évoquant les conditions de transfert du RMI aux départements. L’acte II de cette décentralisation a, en effet, confié aux Départements la gestion de la politique d’insertion et le versement des prestations de RMI. Le rapport reconnaît un décalage de près d’un milliard d’euros entre les dotations de compensation du transfert et les dépenses des départements. En conséquence, il demande des responsabilités plus grandes pour les départements, jusqu’à la gestion complète du RMI. Le rapport pointe également l’impact fort pour certains départements qui voient une augmentation soutenue du nombre de Rmistes, comme dans l’Est de la France. Il acte enfin que le nombre de bénéficiaires du RMI avait augmenté essentiellement à cause de la réforme de l’assurance chômage, la diminution de la période indemnisée ayant entraîné un transfert vers le RMI.

Ce rapport présente donc indiscutablement des aspects positifs. Il acte enfin le fait que le transfert du RMI ne s’est pas fait à l’euro près et chiffre le déficit à un milliard d’euros. Il affirme le besoin de nouvelles pistes de financement qui éviteraient qu’une augmentation du nombre d’allocataires ne plonge les départements dans une crise financière.

Plus inquiétant est le commentaire qui a suivi la présentation de ce rapport. Jean Puech (UMP), Président du Conseil Général de l’Aveyron et Président de l’Observatoire de la Décentralisation au Sénat et Michel Mercier (UDF), Président du Conseil Général du Rhône et rapporteur, ont évoqué l’idée de moduler le RMI en fonction du département, allant beaucoup plus loin que les premières conclusions de l’observatoire.

Ils ont justifié cette idée par des propos repris par F. Cariès de La Dépêche du Midi dans son édition du 5 février : "ce n’est pas la même chose de vivre avec 410 € à Mende que dans le centre de Paris".

Cette affirmation présente un raccourci évident. Le raisonnement s’attache au besoin supposé de l’allocataire sur la base de sa situation géographique, et l’identifie par son appartenance à un département. Pourtant, le revenu minimum d’insertion est une prestation de solidarité nationale qui traduit un droit inscrit dans la Constitution, comme l’avaient rappelé les socialistes au Sénat. Les départements en ont reçu la gestion mais n’ont pas compétence sur le calcul. Le fait de remettre en cause cette règle aboutirait rapidement à une inégalité de la prestation. L’idée de modulation est donc une atteinte au modèle républicain qui avait inspiré la création du revenu minimum d’insertion. Surtout lorsque, semble-t-il, l’objectif serait d’en maîtriser le calcul pour en diminuer le montant. Déjà, les sénateurs ont voté la suppression de l’obligation faite aux Départements de consacrer 17% des allocations de RMI versées à des actions d’insertion. Cela poussera certains départements, par idéologie, à en faire l’économie.

Cette affirmation sous-entend aussi le projet de baisser le montant de la prestation en milieu rural. Sous-entendu qui anime régulièrement les proches de Nicolas Sarkozy et qui tend à convaincre les Français que les bénéficiaires du RMI ne travaillent pas mais bénéficient d’une assistance de l’Etat qui ne les incite pas à rechercher du travail. Pourtant, quel habitant de Rodez, de Mende ou d’une commune rurale peut estimer que 410 euros suffisent pour vivre dignement ?

Souvent stigmatisés pour une situation de l’emploi dont la politique gouvernementale est responsable, les plus fragiles des Français semblent représenter le prochain poste d’économies budgétaires. Alors qu’ils attendent de la société un message d’espoir pour s’en sortir, ils risquent de recevoir de la société française un nouveau message d’exclusion. Quelques mois après les cadeaux fiscaux de près de 70 milliards d’euros à ceux qui en ont déjà le plus, cette conception de la France menace la cohésion sociale, en même temps qu’elle porte atteinte à une vision républicaine de la décentralisation.

Les premiers conseillers généraux signataires : Stéphane Bultel (12), Geneviève Baraban (41), Pierre Beffre (12), Gérard Boube (65), Claude Boyer (12), Anne Gaben-Toutant (12), Nicolas Gautreau (37), Jean-Dominique Gonzales (12), Alain Kerbriand-Postic (37), Jean-Luc Malet (12), Bernard Mariotte (37), Michel Moine (23), Daniel Nespoulous (12), Claude Penel (12), Eric Quénard (51), Christian Teyssèdre (12), Bernard Vidal (12)...


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