On finit par se demander : parmi toutes les informations médiatiques qui nous assaillent, quelles sont celles qui ne sont pas de la diversion ? !
“La” diversion comme arme de la guerre cognitive
Je suis totalement d’accord avec le contenu de l’article, publié sur ce site , intitulé : Asservir l’éveil des consciences pour garder en vie le système de l’argent, c’est nuire au développement de l’humanité toute entière http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
Je poursuis donc sur la même voie avec la même voix. La diversion est une stratégie de manipulation comme le rappelle Sylvain Timsit sur son remarquable site.
La stratégie de la diversion n’a pas seulement pour but de détourner l’attention (distraction par utilisation de distracteurs) mais de focaliser l’attention sur un événement choisi à partir de certains critères, de certaines caractéristiques. Remarquons que le divertissement, mot synonyme de distraction, est aussi utilisé comme… distraction !
Les questions qui se posent sont alors les suivantes : de quoi le manipulateur (en l’occurrence le pouvoir économique et politique en place) veut-il détourner l’attention ? quelles sont les caractéristiques du phénomène choisi comme instrument de diversion ? A quel champ appartient ce phénomène ?
Les médias sont globalement les relais communicationnels du pouvoir en place. Je ne reviendrai pas ici sur le rôle d’asservissement des médias que j’ai plusieurs fois décrit. Voir notamment : La télé implémentation du biologiciel libéral dans les 45 millions de cerveaux connectés aux médias http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
Cette stratégie de diversion s’inscrit dans un contexte de guerre cognitive qui se développe maintenant depuis une dizaine d’années. La diversion a toujours existé comme outil de pouvoir mais a atteint en cette dernière période un niveau de sophistication rappelant des techniques de stratégie militaire. Il est d’ailleurs assez amusant – si j’ose dire – de constater que certains propriétaires de grands médias sont aussi des marchands de matériel militaire…
De quoi le pouvoir détourne-t-il l’attention ?
a) de phénomènes structurels qui se trouvent au fondement de l’ensemble des problèmes sociaux et économiques.
Il s’agit : de l’existence de deux classes sociales d’intérêt antagoniques , la classe dominante faisant passer ses intérêts propres comme étant l’intérêt général et sa vision économique du monde comme étant universel et n’ayant pas d’alternative possible
Est alors éludé le problème fondamental du partage des richesses produites par l’ensemble des travailleurs de notre pays (salariés et travailleurs indépendants, petits artisans et commerçants,…) entre ces deux classes.
Tout est mis en œuvre dans tous les organes de presse, de radio et de télévision pour gommer paysage politique et économique ces rapports de classe qui sont à la source même de toutes les inégalités sociales, du chômage, de la précarité et du saccage de l’environnement etc.
b) de phénomènes plus conjoncturels : insuffisance des moyens de fonctionnement de l’Éducation Nationale et d’une manière générale des services publics ; chômage massif touchant différentes catégories sociales ; stagnation des salaires ; la fraude fiscale massive ; l’absence d’une politique raisonnée et humaine de l’immigration.
c) de mouvements sociaux localisés (ou nationaux) en gestation (ou en développement).
Quels sont les caractéristiques des phénomènes utilisés comme diversion ?
– Ils doivent avoir des qualités spécifiques qui les particularisent tout en pouvant appartenir à un champ en rapport au phénomène dont on veut détourner l’attention.
– Ils doivent être relativement complexes pour provoquer des discussions abondantes et provoquer des divisions dans la population.
– Ils doivent provoquer une réaction émotionnelle ou, pour le moins, favoriser la subjectivité des jugements.
– Ils doivent pouvoir être utilisés comme contre-feux en provoquant des réactions ou des actions divisant les forces contestataires.
– Ils doivent avoir un caractère amplificateur et permettre une généralisation abusive Il s’agit de généraliser à partir d’un cas particulier (considéré abusivement comme représentatif.)
– Ils doivent ne concerner, de préférence, qu’une petite frange de la population qui peut alors jouer alors le rôle de bouc émissaire et devenir un exutoire des frustrations sociales.
Exemple 1. On considère les revenus particuliers de quelques gros patrons du CAC 40 au lieu de considérer des masses statistiques plus importantes ; généralement on considère des individualités riches plutôt que la classe sociale capitaliste
Exemple 2. On substitue aux rapports de classe des antagonismes sociétaux construits médiatiquement : sédentaires/nomades ; résident/immigrés ; jeunes/retraitéas ; précaires (CDD, auxiliaires…)/stables (CDI, titulaires,…)
Exemple 3. Le livre de Thomas Piketti "Le capital au XXIème siècle" qui est paru cet automne fait une analyse complète des inégalités de patrimoine et de revenu. On peut réduire le caractère explosif de ce livre en le réduisant à une thématique du genre "le retour des héritiers " encore lui reprocher qu’il ne fait pas une étude globale de tous les types d’inégalité (alors que son livre comprend déjà 972 pages pour traiter de l’aspect économique qui est en fait le plus fondamental).
Exemple4. Les rythmes scolaires est un phénomène social appartenant au champ éducation national secteur qui manque cruellement de moyens. Ce problème est monté en exergue pour ne pas parler d’autres problèmes autrement plus importants dans la sphère de l’éducation nationale ou même dans concernant l’hygiène de vie des enfants et des adolescents.
Exemple 5. On monte en exergue le cas particulier de Léonarda et sa famille au lieu de parler des problèmes fondamentaux de l’immigration. L’aspect émotionnel est ici cultivé par les médias. On essaie là encore de créer des clivages entre les gens en présentant différents aspectas de ce problème particulier.
Exemple 6. Les problèmes du mariage pour tous et de la burka ont pris des proportions démesurées par rapport au petit pourcentage de la population concernée. Cela a permis de détourner l’attention et de faire disputer les gens sur autre chose que les problèmes de précarité, d’emploi etc. c’est phénomènes sociaux appartiennent à un champ de valeurs républicaines, en l’occurrence la liberté. Ils sont évidemment susceptibles de créer des divisions et des tensions sociales.
Exemple 7. Le problème des Roms. Là encore on monte en épingle des difficultés d’intégration de quelques 17 000 personnes sur le territoire national alors qu’il existe 20 000 sans abris à Paris. Il existe un certain nombre de dispositions juridiques tant au niveau européen qu’au niveau national pour résoudre ce problème. Des fonds sont attribués par l’Europe pour aider à l’intégration des Roms. Ce phénomène appartient au champ plus vaste : celui des gens du voyage dont la loi Besson prévoit les conditions d’accueil depuis 2000. Or il se trouve que cette loi n’est même pas appliquée par la moitié des villes concernées, et selon un rapport de la Cour des Comptes de 2012 environ 30 % des terrains utilisés à cette fin sont viabilisés. Voir article : http://www.rue89.com/2010/09/02/gen... Cette diversion permet de ne pas parler de l’application de la loi Besson, ne pas parler de problèmes plus fondamentaux à l’approche des élections municipales. D’autre part ce problème s’inscrit dans le champ plus vaste de l’identité nationale Nicolas Sarkozy a fait un cheval de bataille.
Mais ce qui est inquiétant dans tout cela, c’est que les thèmes de la diversion sont en résonance avec ceux propagés par le Front National, que ce soit sous le règne de Sarkozy ou celui de Hollande.
Il ne faudra pas s’étonner après cela que le FN réalise des scores électoraux supérieurs à 17 %.. Les "diversionneurs" militent pour lui.
Hervé Debonrivage
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