Retour (encore) sur les municipales à Paris

mercredi 23 octobre 2013.
 

Je reviens sur la question de la stratégie pour les élections municipales. Dans la colonne à gauche de cet écran, vous disposez déjà d’un grand nombre d’argumentaires qui abordent, je pense, tous les aspects de cette question. Je forme le vœu qu’ils se diffusent aussi largement que possible, et en particulier auprès de nos camarades communistes de Paris, puisque c’est eux qui, par leur vote, auront la décision. Depuis Islam 5que tous ces arguments ont été produits, j’ai bien noté le petit jeu qui m’est opposé. Sa première forme consiste à nous mettre en cause parce que nous soulevons le problème ; dès lors, ce serait comme si nous avions nous-mêmes créé la difficulté. Je ne peux pas croire qu’on nous suggère de cette façon un silence complice pour laisser les gens découvrir, lorsqu’il est trop tard, l’ampleur des dégâts.

La difficulté tient exclusivement à ceux qui ont décidé de quitter le Front de Gauche pour aller s’allier avec les socialistes dès le premier tour. Aucune discussion préalable n’a eu lieu sur le sujet, aucune décision n’a été prise, aucun moyen de suivre la discussion et les négociations n’a été donné à l’un quelconque des partenaires du Front de Gauche. C’est dans le journal « Libération », au détour d’une phrase de réponse de Pierre Laurent aux journalistes, que nous avons appris non seulement que cette négociation était en cours, mais qu’un nombre de place était revendiqué par nos camarades communistes. Un point c’est tout ! Contrairement à ce que je lis ici ou là, il n’y a jamais eu de « négociations » avec la direction fédérale communiste de Paris. Il y a eu en tout et pour tout la présentation d’une offre de « partage » des places donnant la totalité des têtes de listes gagnables aux communistes, ainsi que la totalité des places éligibles sauf trois ! C’est tellement énorme que nous en avons immédiatement compris la signification. Il s’agissait de faire durer cette discussion, et même de l’utiliser comme un moyen de pression pendant que la vraie négociation avait lieu avec les socialistes.

Mes camarades ont eu parfaitement raison, à partir de là, de suspendre cette « discussion » qui ne nous grandissait guère ni les uns ni les autres. Ils l’ont interrompue en demandant à leurs partenaires communistes de choisir d’abord quel serait leur stratégie avant de discuter des places à se répartir. La nouveauté est venue du fait que les places et la stratégie ont été conclues en dehors de nous, et qu’elles sont soumises conjointement au vote des communistes. Ils ont bien de la chance car, à nous, on n’a rien demandé ! Faut-il Express syndicatsqualifier tout cela de « querelle » ? Faut-il parler à ce sujet de « surenchère » ou de « polémiques » ? Il s’agit d’une question de fond qui concerne notre stratégie générale. Quel genre de dirigeants et de militants politiques serions-nous si nous n’étions pas capables de comprendre quelles sont les conséquences de cette situation ? D’ores et déjà, nous en payons le prix ! Enfin, les socialistes ont trouvé une faille dans notre dispositif : ils peuvent nous opposer les uns aux autres et augmenter la pression sur nous ! Ce n’est pas tout. Dès lors que Paris a été bouclé en faveur des socialistes, bien des discussions qui avaient commencé dans les autres villes du pays ont été mises en impasse par le PS. Dans bien des endroits, les communistes qui comptaient s’allier avec les socialistes sont si maltraités par eux qu’ils reviennent vers le Front de Gauche. Bien sûr, ils ne doivent pas espérer que tout ce qui a été entrepris pendant qu’ils négociaient avec nos concurrents soit défait. Mais ce n’est pas tout, encore une fois : dès que le PS a eu les mains libres sur Paris, les annonces d’agressions contre les municipalités sortantes dirigées par des Front de Gauche se sont répandues comme une traînée de poudre. Sans vergogne, sans honte, sans le plus élémentaire souci de cohérence au moins apparente, les socialistes, qui hurlent à la menace de droite et d’extrême droite et à la nécessité de se rassembler dès le premier tour là où ils sont au pouvoir municipal, se dépêchent de faire exactement le contraire face à des mairies Front de Gauche sortantes. Ainsi à Saint-Denis, Dieppe, la Courneuve, Viry-Châtillon, et combien d’autres ? La signature à Paris équivaut à un désarmement unilatéral. Heureusement que nous sommes là, car c’est nous qui auront les clés de l’élection municipale partout où le PS nous a agressé et voudra se maintenir au deuxième tour, même quand nous serons passés devant, comme il l’a fait à Aubervilliers pour se faire élire avec la droite contre la municipalité de Jack Ralite. Il faut qu’au moment de voter, les communistes parisiens aient aussi ces arguments à l’esprit !

Un argument encore plus baroque consiste à nous interpeller pour nous demander de quel droit nous déciderions qui est membre du Front de Gauche où ne l’est pas. Ceux-là méconnaissent d’abord que le Front de Gauche n’est pas une étiquette mais une stratégie : celle de la rupture avec le capitalisme productiviste et de l’indépendance vis-à-vis du parti solférinien. Mais au-delà, la remarque reste celle d’un argumentaire trop vite rédigé. Car elle se retourne contre ses auteurs. De quel droit un seul parti déciderait que tous les autres n’ont pas le droit de se regrouper derrière la bannière qu’ils ont tenue et présentée aux élections de façon indépendante au cours de toutes les élections précédentes depuis 2009 ? Quel est l’exception stratégique pour les municipales qui justifierait un choix différent de celui qui a été fait aux européennes, aux régionales sous la conduite de Pierre Laurent lui-même, aux présidentielles, aux législatives, dès le premier tour, à Paris ? Il nous est affirmé que c’est la qualité du contenu de l’accord qui le justifierait. Dans ce cas pourquoi n’avons-nous jamais été invités à participer à cette intéressante discussion ? Un seul parti négocie pour tous les autres dorénavant ? Alexis Corbière a très bien analysé le contenu réel de cet accord. Par amitié, nous nous contenterons de dire que nous avons beaucoup de mal à prendre au sérieux un tel argument une fois que nous avons les documents en main comme tout le monde peut le faire !

Oui, nous assumons notre volonté d’indépendance. Nous n’avons pas d’autres moyens de la faire avancer que d’argumenter. Nous le faisons publiquement parce que nous n’avons pas d’autres moyens de le faire. Nous le faisons respectueusement, c’est-à-dire sans aucune de ces petites remarques personnelles sur le ton et le style qui sont dorénavant la marque de fabrique de certaines interventions à mon sujet. J’ajoute qu’elles sont sans effet : je ne me sens pas capable de m’astreindre au devoir de monotonie et de grisaille que l’on me suggère d’imiter pour devenir acceptable. L’accord à Paris nous coûtera très cher dans tout le pays, mais aussi en Europe ! Aux yeux de tous, dans la capitale la plus regardée du vieux continent, le président du Parti de la Gauche européenne propose de faire disparaître notre force au profit d’une alliance avec les socialistes que tous nos camarades de tous les pays, dans toutes les élections, concurrencent dès le premier tour, y compris en Espagne où il n’y a pourtant qu’un seul tour aux élections locales !

Nous n’avons aucune raison de changer une stratégie qui est en train de gagner. Non seulement la quasi-totalité des villes de plus de 20 000 habitants auront une liste Front de Gauche unie au premier tour, mais il y a dorénavant une dizaine de villes dans lesquelles Europe Ecologie-les Verts, rompant les rangs, forme des listes avec les nôtres. Si la bataille pour la majorité alternative a un sens, si ce n’est pas que du verbiage, on voit bien à quel point il est contre-productif de retourner à la maison socialiste au moment où d’autres s’en séparent et cherchent un point d’appui pour leur audace !


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