Jean-Luc Mélenchon : "L’autonomie est la condition du rassemblement"

vendredi 18 octobre 2013.
 

Votre parti a débattu 
ce week-end de « radicalités concrètes », tandis que le PCF veut rassembler pour obtenir 
des avancées locales et ainsi faire la démonstration qu’une autre voie que celle du gouvernement est possible. Par-delà vos différences, 
ne défendez-vous pas la même chose  ?

Jean-Luc Mélenchon. En effet. Il est important cependant de ne pas se placer dans une attitude de Monsieur Plus localiste. Il faut dessiner localement un autre futur pour la société tout entière. C’est dans les municipalités de gauche qu’ont été commencées beaucoup d’innovations sociales  : le quotient familial, l’allocation d’étude des étudiants. Renouons avec cet esprit de conquête créative.

Selon vous, Paris «  est à l’origine 
de la crise  » que traverse le Front 
de gauche. Ne craignez-vous pas que l’exacerbation des divergences mette en péril l’avenir de la coalition  ?

Jean-Luc Mélenchon. C’est sûr  ! La menace est très grande. Je préférerais que cessent les incriminations contre moi. Je ne défends pas un intérêt électoral personnel dans cette affaire mais la ligne politique autour de laquelle s’est construit le Front de gauche  : le devoir de proposer au peuple une alternative de gauche, comme le dit le texte que tous les partis du Front de gauche ont signé en janvier 2013. Le retour volontaire sous la direction électorale du PS en est la négation. La difficulté est que les deux choix stratégiques en présence sont inconciliables. Chacun doit donc se déterminer. C’est aux communistes de Paris de se prononcer. Mais un seul parti n’a pas le pouvoir d’empêcher tous les autres d’agir sous leur bannière commune. Le Front de gauche sera présent au premier tour à Paris comme dans toutes les élections depuis 2009, donc pour la cinquième fois  !

Pensez-vous pouvoir obtenir davantage avec une liste autonome que les engagements obtenus 
d’Anne Hidalgo en cas d’union 
au premier tour comme les 30 % 
de logements sociaux, 
ou votre objectif est ailleurs  ?

Jean-Luc Mélenchon. Les 30 % de logement sociaux  ? J’ai peine à prendre au sérieux cet argument. Ils sont promis pour dans dix-sept ans et trois mandatures. Le rendez-vous d’étape pour 2025 est de 25 %. C’est-à-dire rien de plus que l’application de la loi  ! De son côté, Danielle Simonnet (tête de liste désignée par le Parti de gauche – NDLR) défend un programme complet et cohérent où chaque partie tient l’autre. C’est sur cette cohérence que nous allons faire une campagne d’éducation populaire. Nous ne sommes pas dans une logique de marchandage mais de conquête politique et idéologique. Pour nous, le local et le national sont une même réalité.

Vous dénoncez les alliances avec
le PS au plan local alors que 
vous plébiscitez celles avec Europe Écologie-les Verts (EELV) qui participe également au gouvernement, n’y a-t-il pas contradiction  ?

Jean-Luc Mélenchon. Non. Les listes en commun ne se font pas avec EELV national, mais localement. Elles se font sur la base de la rupture avec l’austérité gouvernementale, le productivisme et la financiarisation des budgets locaux. Les socialistes qui participent aux listes que nous conduisons y viennent sur les mêmes bases. C’était bien le projet des assises du 6 juin dernier, non  ? Les communistes signent ces accords locaux avec EELV en même temps que nous  ! Quelqu’un veut-il leur demander de les rompre  ? Il est paradoxal de courir derrière les socialistes quand Eva Joly prend publiquement position pour former avec nous des listes communes indépendantes du PS. La ligne, c’est de rassembler tout ce qui peut l’être contre l’austérité et pour la solidarité plutôt que de se rabougrir sur le vieux pré carré de l’alliance avec les solfériniens qui font fuir tout ce qui bouge et lutte dans le pays. L’autonomie est la condition du rassemblement. Le ralliement au PS réduit la gauche. L’absence du Front de gauche au premier tour des élections municipales ne ferait que creuser l’abstention et mener toute la gauche au désastre. Et puis, tout de même, quelle naïveté de signer à Paris quand les socialistes, qui nous donnent des leçons d’unité, veulent faire battre nos équipes municipales à Saint-Denis, à Dieppe, à Viry-Châtillon  ! Le PS se prépare à voter avec la droite pour nous faire battre comme ils l’ont fait à Aubervilliers. Un parti qui gouverne avec la droite dans seize pays d’Europe ne se gênera pas. Je m’oppose au désarmement unilatéral de nos forces pour une seule ville.

Vous évoquiez fin septembre sur votre blog «  un Front d’un type nouveau  » que «  certains communistes  » auront quitté à l’issue du débat municipal. Qu’entendiez-vous par là  ?

Jean-Luc Mélenchon. J’espère bien que notre famille sera au grand complet à l’heure du rendez-vous  ! Mais je respecte les raisons du départ de ceux qui ne veulent plus partager notre sort. Le Front de gauche n’est pas une assurance-vie électorale ni une étiquette  ! C’est une stratégie et un programme. C’est aussi une alliance permanente et non un choix de deuxième main faute de mieux. Il faut élargir notre alliance et notre base d’action. Ce n’est possible qu’en étant indépendant du PS. C’est ce que montre le progrès de nos relations avec des secteurs d’EELV. Ce qui sera nouveau aussi, c’est l’enracinement acquis, les formes de la mise en mouvement populaire et le périmètre de l’alliance politique.

Vous parlez d’un manque 
de dynamisme du Front de gauche. Au-delà du débat municipal que vous rendez responsable, y a-t-il d’autres raisons à ce manque de souffle  ?

Jean-Luc Mélenchon. Nos pires ennemis sont le renoncement, la résignation et la confusion. Comme disait Lénine, «  là où il y a une volonté, il y a un chemin  ». Il faut marcher drapeaux déployés pour entraîner le grand nombre et le rendre maître de toute chose, de toute décision. Ne quémandons pas notre place  ! Que le peuple la fixe. Le vieux monde politicien des embrassades feintes, des stratégies à géométrie variable et des accords à tiroirs secrets n’est pas supporté des gens simples qui souffrent.

La réforme des retraites votée mardi à l’Assemblée n’a pas soulevé de forte mobilisation, l’intervention citoyenne peut-elle de nouveau entrer en scène  ? Le Front de gauche peut-il y contribuer malgré ses débats internes  ?

Jean-Luc Mélenchon. Les débats internes fortifient la perception politique de ceux qui s’y intéressent sérieusement. D’une façon générale, il n’y a pas de raison à l’inaction. En ce qui concerne la mobilisation sur les retraites, je ne veux pas commenter le bilan de la stratégie des syndicats. Ce qui est sûr, c’est que les gens ne sont pas dupes. Ils croyaient que le PS défendrait la retraite à 60 ans. Ils ne veulent pas de ce nouveau report de l’âge de la retraite jusqu’à 66 ans comme le gouvernement s’en est vanté auprès de la Commission européenne. Hollande et Ayrault paieront le prix de ce mensonge dans les urnes des municipales et des européennes.


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