Campagne de Ségolène Royal : REBOND SALUTAIRE (par Jean Luc Mélenchon)

mardi 13 février 2007.
 

Je crois qu’on peut parler d’un vrai succès pour le rassemblement socialiste de Villepinte. Les circonstances, qui m’en ont personnellement tenu à l’écart, ne m’empêchent certainement pas de faire des constats lucides. D’autant que je ne retire rien des inquiètudes que j’ai formulées à propos de l’état de la gauche en général (et pas seulement socialiste). C’est pourquoi, à mon avis, en replaçant le centre de gravité de sa campagne à gauche, Ségolène Royal s’est donné le moyen de stabiliser sa position qui partait en vrille. C’est un bon point d’appui pour le rebond qui est tellement nécéssaire à gauche, en général.

Je répète aussi que je ne crois pas que ce soit de son fait personnel si tout va si mal pour nous. Des années de décervelage, une présence idéologique atone de la gauche, l’inexistence de militantisme d’éducation populaire depuis des années, des glissements de mots d’un camp à l’autre sans résistance, l’absence de lien avec le mouvement social, tout cela a tracé une pente de longue date.

De l’autre côté, l’incroyable pugnacité de la droite sarkosienne alors même qu’elle devrait ployer sous les décombres de douze ans de chiraquisme est d’une force inouïe.

Au ras du sol, la désespérance bat la mesure dans nos milieux ; le moteur anti-libéral de la société peine tant la charge d’émiettement et de précarisation des situations et des têtes est lourde à mettre en mouvement....

Cela signifie que la campagne des socialistes doit au moins autant tenir compte de la récupération de son propre éléctorat (l’affaire Bayrou n’était pas une légende la semaine passée, je l’ai rencontré dans plusieurs conversations consternantes, y compris dans la manifestation fonction publique), que de la reconquète de nouveaux secteurs populaires perdus ou absents depuis trop longtemps de l’arène politique.

Autrement dit, il s’agit surtout d’éduquer et de regagner aux solutions solidaires de la gauche dans le vaste milieu des désorientés et des désemparés. Surtout que, même si Ségolène fait 30 points au premier tour, il faudra en trouver encore vingt au second pour passer la barre. Il faut donc semer des idées de gauche à la volée. Croyez bien que rien n’en est jamais perdu quand ça lève ensuite.

Convaincre à gauche

Je ne serais pas au niveau de franchise de mon blog si je ne disais pas que j’ai retrouvé dans le discours de Ségolène Royal mes divergences. Mais je n’oublie pas que c’est elle qui a gagné le vote et que donc les membres de mon parti sont très majoritairement favorables à diverses propositions que pour ma part je ne partage pas du tout. A quoi bon y revenir ? Je n’en suis plus là. De toute façon, le programme des cent propositions est pour l’essentiel déduit du programme socialiste coordonné par Henri Emmanuelli ( assis au premier rang du meeting et applaudissant à tout rompre).

Comme bien d’autres, devant l’explosion de "l’autre gauche" (dont les rebondissements ne sont pas finis) et le vent de panique de la semaine dernière, je suis bien décidé à faire de mon mieux pour que la gauche fasse davantage que de la figuration dans l’univers sarkoïsé qui se met en scène depuis l’entrée en campagne du monsieur. Je crois que Ségolène Royal s’est donné les moyens de dynamiser le mouvement socialiste en lançant la campagne du pied gauche. Les réunions de conviction vont commencer.

Le parti est bien habitué à cet exercice là. Le travail ne va pas manquer. Pour ma part je pense que la campagne devrait bien s’articuler sur les évènements sociaux. Par exemple je crois que l’implication socialiste aurait dû être plus ferme et globale dans la manifestation de défense des services publics. Je crois (à l’ancienne) que le meilleur antidote aux médias décerveleurs est l’action collective. Il ne faut pas croire que l’action fabrique à elle seule de la pensée de gauche comme le foi secrète de la bile, automatiquement, selon la métaphysique anarcho syndicaliste ou gauchiste ordinaire. Les sottises que j’ai entendues dans la manifestation de défense des services publics au fil de mes rencontres et discussions à propos du vote Bayrou me l’ont rudement rappellé.

Par conséquent cette présence de gauche, parlant et expliquant le programme de gauche et le passif de la droite dans les mobilisations est indispensable. On va trouver le même problème avec la manifestation de Firmi le 31 mars, peut-être. Ensuite je pense aux secteurs les plus "fragilisés" et les plus volatils pour le vote. Celui des enseignants, par exemple. C’est 800 000 élécteurs qui, autrefois, faisaient beaucoup confiance au vote de gauche et aux socialistes en particulier. Il me semble qu’un travail spécifique devrait être entrepris à partir du projet socialiste. Je ne pense pas, je le dis franchement, que la carte scolaire et le temps de présence des enseignants dans les établissements suffisent pour discuter au niveau des attentes et préoccupations auxquelles nous sommes confrontés. Le discours de dimanche m’a paru viser plus large et je préfère nettement ça.

Rassembler à Gauche

J’ai aussi écouté Marie Georges Buffet au forum "RTL-Le Figaro". J’ai trouvé que c’était sans complaisance mais moins perfide que d’habitude quand la dirigeante communiste est interrogée quelque part. Par exemple j’avais trouvé très raide le traitement qui lui a été réservé chez Ruquier qui n’est pourtant pas un type cruel d’habitude. Si je parle de cela à présent c’est qu’il y a un grand intérèt à être vigilant sur ce qu’elle dit pour l’intérêt de la gauche. J’ai noté l’inflexion très interressante de l’axe du discours de Marie Georges Buffet.

Elle est passée de la volonté de représenter "l’autre gauche" à celle de "parler pour toute la gauche". Je trouve que c’est le bon axe. Il pousse à écouter puisqu’il s’adresse à nous tous et pas seulement à certains d’entre nous plutôt qu’aux autres. Dans la même veine, j’ai trouvé juste et adapté le ton de sa critique de la candidature socialiste, argumentée et sans agressivité. Il est frappant que peu d’observateurs relèvent qu’elle affirme en même temps une logique de désistement incondionnel à gauche et qu’elle répète de façon claire que les communistes ne participeront pas au gouvernement sur les bases du programme actuel des socialistes.

Il me semble que cela mériterait débat et je regrette que la gauche s’enferme dans des monologues additionnés. On m’a déjà dit que si l’impact est proportionnel au score que lui promettent les sondages. C’est une étrange façon de raisonner. Je n’ai jamais vu qu’une formation politique sérieuse ne se donne que des objectifs à sa propre portée. D’ailleurs, en République, chaque citoyen particulier est invité à définir l’intérèt général de tous. Bref, il faut plutôt réflechir à se donner les moyens de sa politique que l’inverse. C’est d’ailleurs bien la raison pour laquelle, quel que soit le score de Marie georges Buffet, il est de toute façon incontournable si l’on veut faire une majorité de gauche. Donc tous ceux qui y ont intéret devraient s’en donner les moyens.... en répondant aux interpellations des communistes.


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