Sortir de l’Europe austéritaire !

mardi 24 septembre 2013.
 

"Il faudra qu’il y ait un autre plan [d’aide] en Grèce". Ces propos ont été tenus le 20 août dernier par Wolfgang Schäuble, ministre des Finances du gouvernement allemand d’Angela Merkel. Ils sonnent comme un aveu. En avouant que l’Etat grec aura besoin d’une nouvelle « aide » de l’Union européenne et du Fonds monétaire international pour ne pas faire faillite, le ministre allemand reconnait l’échec des politiques d’austérité imposées en Europe depuis 2010 dont la Grèce a été le cobaye. Le 5 septembre, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a lui aussi jugé "réaliste de penser qu’une aide supplémentaire sera nécessaire". Selon le FMI, la Grèce aura besoin de 11 milliards d’euros supplémentaires dès l’an prochain.

1) Un désastre total

Nous avons annoncé ce désastre le premier jour. Alors que l’austérité devait remettre les comptes publics grecs à l’équilibre, elle a aggravé la crise. Elle a plongé le pays dans la dépression avec une sixième année consécutive de récession attendue en 2013. Le pays produit aujourd’hui 25% de richesse de moins en une année qu’il n’en produisait en 2007. Tous les sacrifices et reculs sociaux imposés au peuple grec l’ont été pour rien. Après avoir promis le retour de la croissance pour 2012, puis 2013, le FMI annoncé désormais la fin de la récession pour 2014. Mais le PIB devrait encore reculer de plus de 4% cette année !

Les coupes drastiques dans les budgets publics et les baisses des salaires (revenus à leur niveau de 1997 soit 25% de moins) et prestations sociales ont contracté l’activité. En conséquence le chômage a explosé. La catastrophe dépasse l’imaginable. 28% de la population grecque vit sous le seuil de pauvreté. Le chômage a doublé depuis les premiers plans d’austérité. Il frôle désormais les 30% de la population active et atteint même 60% des jeunes. Et, comme partout où l’austérité est appliquée, les déficits et la dette publics ont explosé au lieu de diminuer.

Pourtant, depuis 2010, le FMI et les Etats européens ont prêté près de 240 milliards d’euros à la Grèce. Malgré cela, la dette grecque pèse aujourd’hui 309 milliards d’euros. Soit à peine un milliard d’euros de moins qu’en mars 2010 ! Pire, la dette publique grecque qui représentait 127% de la richesse produite par le pays en une année en 2010 représente désormais 160% du PIB alors même qu’une partie de la dette a été annulée en mars 2012. Elle devrait même atteindre 190% du PIB fin 2014 ! Les aveux de Wolfgang Schäuble ne sont donc qu’un tardif et timide éclair de lucidité. L’aveuglement des eurocrates devant cette catastrophe est effrayant. Le 18 juillet 2013, en visite à Athènes, le même Wolfgang Schäuble se disait ainsi « très impressionné par ce que la Grèce a déjà réalisé en matière de rééquilibrage budgétaire et de modernisation de l’économie » !

2) Le hold-up des banques

Où sont passés les 240 milliards d’euros d’« aide » européenne ? Pourquoi le peuple grec vit-il plus mal aujourd’hui qu’hier ? La réalité est la suivante. Les grands gagnants de ces plans "d’aide" sont les financiers. Et eux seuls, ou presque. C’est ce qu’a démontré une étude réalisée par la branche autrichienne de l’association ATTAC[1]. Cette étude porte sur les plans d’aide à la Grèce. Le bilan est saisissant : "depuis mars 2010, l’UE et le FMI ont attribué 23 tranches de financement au prétendu « sauvetage de la Grèce », pour un total de 206,9 milliards d’Euros. Ils n’ont cependant fourni presque aucune précision sur l’utilisation exacte de ces énormes sommes, provenant de fonds publics. C’est pourquoi Attac Autriche a entrepris une étude sur cette question : au moins 77% de l’argent du plan de sauvetage ont bénéficié directement ou indirectement au secteur de la finance". Les trois quarts de l’argent versé officiellement en "solidarité" avec les Grecs sont en fait revenus dans la poche des financiers.

ATTAC fournit les détails de ses résultats. Premièrement, "101,331 milliards d’Euros (48,98%) sont allés aux créanciers de l’État grec", essentiellement des banques. Deuxièmement, "58,2 milliards d’Euros (28,13%) ont servi à recapitaliser les banques grecques – au lieu de restructurer ce secteur trop grand et moribond de manière durable et de laisser les propriétaires des banques payer pour leurs pertes". Les 23% restants "ont alimenté le budget de l’État ou n’ont pu être clairement affectés, et une petite partie (0,43%) a constitué la contribution de la Grèce au financement du nouveau fonds de sauvetage, le MES ".

Les conclusions d’ATTAC sont implacables : "Le but des élites politiques n’est pas de secourir la population grecque mais de sauver le secteur financier. Ils ont utilisé des centaines de milliards d’argent public pour sauver les banques et autres acteurs financiers – en particulier leurs propriétaires – de la crise qu’ils ont provoquée".

3) Renverser la table

Cette situation insupportable est la conséquence des politiques menées pour plaire à la finance et au capital par les gouvernements européens, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy en tête. Loin de ses promesses, François Hollande n’y a rien changé. La droite et les sociaux-libéraux sont d’accord pour appliquer la même politique d’austérité. La situation s’est donc encore aggravée avec une année d’austérité supplémentaire.

Cette politique découle directement des traités européens rédigés, approuvés appliqués par la droite et les sociaux-libéraux européens. Le traité de Lisbonne est une des causes de la crise. Il interdit en particulier à la Banque centrale européenne de prêter aux Etats obligeant ceux-ci à se tourner vers les banques et les marchés financiers – et leurs taux d’intérêts usuraires – pour financer leurs déficits ou leurs investissements publics. L’euro actuel condamne donc l’Europe à l’austérité à perpétuité. Il sacrifie les peuples sur l’autel de la finance. Ainsi vont les règles des traités européens, exigées par le gouvernement allemand en 1992 et toujours défendues de manière intransigeante par le gouvernement allemand actuel, quel qu’en soit le prix économique, social, humain.

François Hollande avait promis pendant la campagne électorale de « réorienter » le rôle de la BCE pour qu’elle serve « la croissance ». Il n’a rien fait. Il n’a même pas demandé que ce sujet soit débattu avec les autres gouvernements européens. Sa proposition était pourtant bien timide. L’euro actuel est condamné car les peuples n’accepteront plus longtemps les politiques d’austérité et la négation de la souveraineté populaire qu’il exige. La BCE doit pouvoir prêter directement aux Etats à des taux faibles ou nuls. Et elle doit être soumise à la souveraineté populaire et contrôlée démocratiquement.

Pour cela, il faut sortir du traité de Lisbonne. Cela ne peut pas se faire en voulant être « le bon élève » de l’Europe libérale et austéritaire comme se présente François Hollande. Cela n’est possible qu’en renversant la table en Europe. L’affrontement avec le capital et la finance est indispensable : les dettes publiques doivent être renégociées et en partie annulées. Et la confrontation avec le gouvernement allemand est inéluctable sauf à renoncer à toute volonté de changement et de progrès.

Matthias Tavel

[1]Voir le résumé sur le site d’ATTAC France : http://www.france.attac.org/article...


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