Quand Fillon franchit la ligne brune (septembre 2013)

jeudi 24 novembre 2016.
 

Loin d’un simple dérapage, les déclarations de l’ex-premier ministre confirment la fin de la stratégie du «  front républicain  » et préfigurent de nouvelles formes d’alliance à droite.

L’imposteur du «  gaullisme social  » conseille en cas de duel entre la gauche et le FN de «  voter pour le moins sectaire  ». «  Monsieur Fillon semble perdre complètement la boussole républicaine, c’est désolant  », a réagi le porte-parole du PS, David Assouline. Outre l’argument fumeux du sectarisme, ce n’est pourtant pas la première fois que François Fillon renie ses convictions passées. En pleine campagne interne pour la présidence de l’UMP, il s’était implicitement rangé sur la ligne du député maire de Meaux, lancé à corps perdu dans la droitisation de son parti. Lui qui en faisait «  une différence d’approche irréconciliable avec Sarkozy  » a également pris acte à ses dépens de la droitisation de son parti, dont 65 % des électeurs sont devenus favorables à des alliances avec l’extrême droite.

Alliance avec une extrême droite remaquillée

C’est dire si cette phrase lâchée lors d’un entretien, dimanche, au Grand Rendez-vous d’Europe 1 est loin d’être un simple dérapage de la part de celui qui semble avoir du mal à garder le cap dans sa course à l’Élysée. Elle vient aussi confirmer qu’en entretenant une telle promiscuité idéologique avec le FN la droite post-sarkozyste a posé les fondements de nouvelles formes d’alliance avec une extrême droite remaquillée par Marine Le Pen.

À ce titre, à l’occasion des prochaines élections municipales, UMP et FN pourraient convoler sous des formes inédites, à l’instar du désistement de l’UMP Roland Chassain pour laisser la voix libre à l’extrême droite dans la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône en juin 2012. Lequel, au lieu d’être exclu comme s’y était engagé Jean-François Copé, posait sur la photo de famille à Châteaurenard pour la rentrée politique du président de l’UMP, le mois dernier.
.. De quoi craindre le pire pour le climat politique des prochaines échéances 
électorales.

Là où la droite choisit le FN Fin 2012, l’Ifop avait dressé, sur la base des résultats 
des élections législatives, une liste des villes de gauche où le FN a obtenu des scores très élevés dans le cadre de duel face à un candidat de gauche  : Forbach (Moselle, 41,7 %), Saint-Priest (Rhône, 41,8 %), Miramas (Bouches-du-Rhône, 48,5 %), Arles (Bouches-du-Rhône, 43,2 %) ou Harnes (Pas-de-Calais, 47,7 %). Là, «  une très large partie de l’électorat de droite local, privé 
de candidat au second tour, s’est reportée sur le FN  », 
note Jérôme Fourquet. Une situation qui pourrait se reproduire 
«  si en 2014 la gauche est sur la défensive au plan national 
(ce qui est envisageable vu le contexte socio-économique)  ».

Maud Vergnol

2) Le FN s’engouffre dans la brèche ouverte par Fillon

Le Front national rend publique une charte pour les municipales, ouvrant la voie à des accords avec la droite, après que l’ancien premier ministre a tenu des propos sur de possibles alliances en 2014.

C’est l’effet domino. Le Front national (FN) a adopté une « charte » en bureau politique, le 2 septembre, mais celle-ci n’a été rendue publique qu’après les propos de l’ancien premier ministre François Fillon appelant à voter pour « le moins sectaire » des candidats en cas de duel entre le Parti socialiste et le FN au second tour d’une élection municipale en mars prochain. Comme en écho à la proposition du candidat déclaré à la primaire de l’UMP pour la présidentielle de 2017, la charte du parti d’extrême droite fixe le cadre politique d’éventuels accords et alliances avec des candidats de droite. C’est «  une main tendue adressée à tous les candidats ou futurs candidats désireux de servir l’intérêt général et souhaitant coopérer avec le Front national et ses représentants à l’échelon municipal  », explique le secrétaire général adjoint du FN, Nicolas Bay. Pas un programme, précise-t-il, sauf que, parmi les dix principes édictés par un parti qui signale en préambule être «  attaché à l’égalité devant la loi de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion  », comme pour rassurer ou dédouaner les futurs ralliés, figure pour les candidats aux alliances le devoir d’«  engager (…) toutes les actions possibles visant à mettre fin aux installations sauvages de nomades  », ou celui de «  refuser toute subvention et toute aide à des organisations ou des projets communautaristes  ». Divulguée juste avant l’université d’été du FN, ce week-end à Marseille, la charte montre une inflexion du parti de Marine Le Pen envers la droite.

Si des «  partenaires politiques locaux  » approuvent cette charte, les projets d’accords ou d’alliances avec eux seront néanmoins soumis pour approbation aux instances du FN, précise le parti. Ce cadre politique vaut aussi bien pour la constitution de listes communes d’avant-premier tour, que pour des accords d’entre-deux-tours, que le parti recherche donc désormais après les avoir souvent repoussés.

La stratégie du FN dans une élection toujours difficile pour lui est désormais de susciter des cadres locaux. Le FN a investi 623 têtes de liste, tandis qu’avec 120 seulement en 2008, les municipales furent catastrophiques pour le parti d’extrême droite  : 0,93 % des suffrages exprimés au plan national au premier tour, 0,28 % au second et seulement une soixantaine de conseillers municipaux élus. Refluant dans les métropoles pour s’ancrer dans les villes moyennes et petites communes rurales, le FN préfère regarder vers la cinquantaine de villes où il a dépassé 43 % au second tour des législatives de 2012, dans le Pas-de-Calais ou le sud-est de la France pour beaucoup. C’est là que des candidats de droite seront le plus tentés par des accords d’entre-deux-tours. La charte du FN, sans rien retirer du fonds de commerce habituel du parti, s’ouvre en conséquence à des problématiques compatibles avec la droite, sur la fiscalité ou la sécurité. Les contacts sont amorcés par des candidats «  UMP, divers droite, divers gauche, sans étiquette...  », avance Nicolas Bay. Si le FN ne peut pas espérer conquérir une grande ville, comme Toulon en 1995, il compte bien camper dans le paysage de l’après-municipales.

Lionel Venturini


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