Les embrouilles du plan Ayrault contre les retraites

lundi 9 septembre 2013.
 

La façon d’annoncer le plan retraite a été particulièrement réussie si le but était, comme je le crois, d’empêcher le débat. Tout y est passé. Cela a commencé avec un discours ultra technique du premier ministre passant d’un sujet à l’autre avec d’habiles enfumages. Puis cela s’est prolongé par un perlage d’annonces découpées en séquences de façon à empêcher la vue d’ensemble d’un tableau. Il s’est pourtant lourdement modifié avec le discours de Moscovici au Medef. A présent on le sait : tout le coût de l’opération ne pèsera que sur les salariés et les jeunes. Donc, François Hollande a confirmé les réformes Fillon et Sarkozy des retraites. Et il les a aggravées. Pour la première fois un gouvernement qui se réclame de la gauche assume un recul des acquis sociaux. Pour l’essentiel de ce que je veux noter à cet instant, il prévoit en particulier un nouvel allongement de la durée de cotisation exigée des salariés pour avoir droit à une retraite complète. Après Hollande, il sera donc encore plus difficile de partir à la retraite avec une pension complète rem-37qu’après Sarkozy. Et bien sûr, mécaniquement les pensions baisseront ! Car de plus en plus de salariés partiront à la retraite sans avoir cotisé aussi longtemps qu’exigé, compte tenu du chômage de masse. Ils seront donc frappés par une décote, c’est-à-dire une réduction de leur pension.

Pourtant, cette réforme des retraites n’a pas vraiment de sens. Ni d’urgence. Hollande et Ayrault sont incapables de prévoir la croissance des prochains mois. Mais ils prétendent imposer une régression sociale sur la base d’un déficit prévu pour 2020. Dans sept ans ! Surtout, si Ayrault et Hollande prévoient un déficit des régimes de retraites en 2020, c’est qu’ils ne croient pas eux-mêmes en leur politique. Car si la courbe du chômage s’inverse et que la France renoue avec le plein-emploi, il n’y aura pas de déficit des caisses de retraites en 2020. Le nombre de travailleurs cotisants suffira. En annonçant un déficit en 2020, Hollande avoue sans le dire qu’il ne tiendra pas sa promesse et que le chômage continuera d’augmenter.

Pourtant, si on créait trois millions d’emplois en dix ans, le déficit des régimes de retraites n’existerait pas. Cela ferait rentrer 24 milliards d’euros dans les caisses de retraite. C’est possible ! Entre 1997 et 2002, en cinq ans, deux millions d’emplois ont été créés en France. Pourquoi n’y arriverions-nous pas de nouveau dans un délai double ? Le programme du Front de Gauche prévoit la création d’au moins trois millions d’emplois nouveaux. Je l’ai expliqué pendant la campagne présidentielle, lors de mon discours de Lille, le 27 mars 2012. Pour cela, il faut relancer l’activité par le partage des richesses et planification écologique. Selon les chercheurs regroupés dans le réseau Negawatt, la seule transition rem-61écologique peut créer environ 700 000 emplois d’ici 2020.

François Hollande ne fait cette réforme que pour obéir aux injonctions de la Commission européenne. Le Commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaire, le Finlandais Olli Rehn l’a encore rappelé dimanche 25 août dans une interview au « Journal du Dimanche ». Olli Rehn appelle à davantage de libéralisme et d’austérité : "La France a engagé des réformes structurelles qui vont dans le bon sens. Mais elle ne va pas assez loin et assez vite dans leur mise en œuvre". Puis il rappelle les engagements pris par François Hollande et exerce le traditionnel chantage de la Commission : "Nous vous avons accordé deux années pour ramener le déficit sous la barre des 3% en échange de cet engagement. La Commission attend des résultats sur trois fronts". Premièrement "la compétitivité", c’est-à-dire de nouveaux cadeaux aux actionnaires. Deuxièmement, "une ouverture du marché des services qui reste protégé par des barrières à l’entrée avec encore trop de professions réglementées et que le transport ferroviaire et l’énergie, où EDF et la SNCF conservent un quasi-monopole, s’ouvrent à la concurrence". Enfin, "la France doit faire preuve de plus d’audace aussi dans la réforme en cours de son système de retraite et maintenir le cap sur la réduction de ses déficits". Le proconsul ayant parlé aux administrateurs meet-17de la colonie que nous sommes à ses yeux, tout est dit ! Hollande n’a plus qu’à exécuter. Ce qu’il fait en qualité de « bon élève de la classe Europe » comme il s’en est vanté.

Pourquoi la commission veut-elle cette réforme ? C’est l’extension du domaine du marché qui est l’enjeu. Comme d’habitude. Le durcissement des conditions d’accès à une retraite à taux plein va encore pousser les salariés à épargner pour se payer un complément de retraite. Le nouveau président du MEDEF ne s’y est pas trompé. Pierre Gattaz s’est engouffré dans la brèche. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde du 22 août, il a exigé l’introduction d’une "dose de retraite par capitalisation". Le MEDEF se sent pousser des ailes. Il peut. Les solfériniens lui cèdent tout ce qu’il veut.

Ainsi, Hollande lui a donné raison sur l’allongement de la durée de cotisation. Pourtant en 2003, à la tribune du congrès de Dijon du PS, le premier secrétaire de l’époque, François Hollande, s’opposait fermement à cet allongement ! Souvenir ! Souvenir ! : « Le projet du gouvernement Raffarin appelle trois refus majeurs de la part des socialistes". Le premier c’est "le refus d’une philosophie qui consiste à demander aux salariés de travailler plus longtemps pour gagner moins. L’allongement de la durée de cotisation : 40 ans, 41 ans, 42 ans et davantage encore si c’est nécessaire, c’est la position du MEDEF". Aujourd’hui Hollande prétend que l’allongement de la durée de cotisation est "la mesure la plus juste" comme il l’a dit le 22 juin dernier à l’ouverture de la deuxième conférence sociale. Et Jean-Marc Ayrault a confirmé mardi 27 août que la durée de cotisation serait encore augmentée jusqu’à 43 ans ! Maints bons esprits disent : oui mais c’est pour dans quelques années. Accepter la règle de la durée de travail qui devrait augmenter parce que la vie rallongerait est une défaite intellectuelle pour aujourd’hui. Et c’est aussi aujourd’hui que les jeunes générations reçoivent ce magnifique cadeau pour leur futur : il leur faudra attendre 67 ans pour avoir une retraite. Autrement dit plus le temps avancera plus leurs conditions de vie se dégraderont. Magnifique message d’ambition pour le futur ! Nos syndicats appellent à manifester le mardi 10 septembre. Nous devons être au travail pour mobiliser.


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