L’austérité imposée par Sarkozy puis Hollande ne fait qu’enrichir les plus fortunés

mardi 23 juillet 2013.
 

- A) Les plus riches tirent d’énormes profits de la crise
- B) La majorité des Français ne cessent de s’appauvrir
- C) « Les dividendes sont protégés » (Michel Husson)
- D) Et le MEDEF pleure encore

Le pouvoir d’achat des Français a reculé de 0,9% en 2012. La même année, la fortune de Vincent Bolloré a progressé de 122,2%, celle de François Pinault de 74,6%, celle de Xavier Niel de 63,9%, celle de Liliane Bettencourt de 51,6%.

Les 500 principales fortunes de France ont réalisé de tels profits que leurs avoirs ont progressé de 25% en un an. Il faut dire que les revenus du capital étaient particulièrement bien protégés sous Sarkozy Fillon et que rien n’a changé depuis. Par exemple, les patrimoines professionnels échappent toujours à l’Impôt sur la Fortune malgré les promesses de Hollande.

A) Les plus riches tirent d’énormes profits de la crise

Dans le microcosme des 500 plus grandes fortunes de France, les affaires se portent mieux que jamais. Le classement annuel du mensuel Challenges, publié jeudi, fait figure de provocation dans le marasme économique ambiant. Tandis que le pouvoir d’achat des ménages a accusé une régression historique de 0,9 % l’an dernier, et que le taux de chômage crève les plafonds, les plus grandes fortunes de France ont vu leur montant croître de 25 % en un an, atteignant un total de 330 milliards d’euros de patrimoine, biens professionnels compris. «  Jamais, depuis 1996, année où Challenges a lancé son classement des “500”, leur fortune globale n’avait atteint de tels sommets  », souligne le magazine. Celle-ci représente désormais l’équivalent du budget de l’État, 16 % du produit intérieur brut (qui mesure la totalité de la richesse produite en France chaque année) et 10 % du patrimoine des Français, détenus par 0,001 % d’entre eux. Plus on monte dans le classement, plus la concentration atteint des sommets, les dix plus riches « pesant » à eux seuls 40 % du total amassé par les 500, soit 135 milliards d’euros (+ 27 % en un an).

Des fortunes effleurées par la fiscalité

En tête, on retrouve des noms célèbres de l’industrie du luxe, de l’armement, de la grande distribution ou des nouvelles technologies  : Bernard Arnault (LVMH, 24,3 milliards)  ; Liliane Bettencourt (L’Oréal, 23,2 milliards)  ; Gérard Mulliez (Auchan, 19 milliards)  ; Serge Dassault (12,8 milliards)  ; Vincent Bolloré (8 milliards)  ; Xavier Niel (Iliad, 5,9 milliards). Des patronymes connus, aussi, pour leur propension à l’exil fiscal qui coûte 40 milliards d’euros annuels à la France, selon un rapport du sénateur PCF Éric Bocquet  : les familles Wertheimer (Chanel, 8e, 7 milliards de fortune), Castel (8e ex aequo) ou encore Peugeot (40e, 1,3 milliard) figuraient parmi les 44 Français présents dans le classement de décembre 2011 des 300 plus riches de Suisse de la revue helvétique Bilan.

À l’origine de la croissance exponentielle de ces fortunes, des réussites financières qui ont profité sans complexe de la crise, comme l’assume cyniquement Stéphane Bailly, propriétaire d’un groupe de location et de vente de voitures (453e du classement de Challenges)  : «  La crise, ce sont des difficultés pour les petits, mais ce sont aussi, souvent, des opportunités pour les gros.  » Plus globalement, «  ces fortunes sont le résultat du véritable hold-up de la rente sur le travail  », estime le chef de file des députés Front de gauche, André Chassaigne (PCF), qui juge «  inacceptable, dans ce contexte, d’imposer à nos concitoyens de se serrer la ceinture, en bloquant les salaires, en exigeant toujours plus de sacrifices, en leur demandant de renoncer à leurs droits fondamentaux, comme le droit à la retraite à 60 ans  ». Pour le député, «  cette austérité a, au final, pour seul effet d’alimenter l’économie de casino  ».

Pendant que les salaires stagnent, que les fonctionnaires voient leur rémunération gelée et que les Smicards n’ont eu droit à aucun «  coup de pouce  » en 2013, après un minuscule 0,6 % en juillet 2012, la valorisation boursière des grands groupes, a, elle continué de croître, terminant l’année dernière «  en fanfare  » (le Figaro du 31 décembre 2012) avec + 14,5 % en un an. Un symptôme de la financiarisation croissante de l’économie au détriment de la reprise de l’économie réelle (la part des revenus financiers dans les richesses créées en France a doublé depuis 1982), contre laquelle le candidat Hollande avait promis des réformes de structure qui tardent à venir pour mettre au pas «  le monde de la finance  ».

Les bons plans de la crise

Certaines grandes fortunes ont aussi flairé les bons plans de la crise pour, à la fois rester en France et prospérer sans avoir à redistribuer en s’acquittant de leurs impôts. Certaines investissent dans l’hôtellerie de luxe pour riche clientèle étrangère, en n’oubliant pas de rester actif dans leur entreprise. Car, tant que c’est le cas, «  leur fortune est préservée parce qu’elle n’est pas soumise à l’ISF  », explique le consultant Aldo Cardoso. Un impôt qui fait toujours figure d’épouvantail. «  L’ISF est un mal qui pourrit notre société et entrave son développement  », éructe dans Challenges le même consultant, qui milite pour sa suppression. Un argument convaincant en faveur de vieille revendication communiste d’intégration des biens professionnels dans l’assiette de l’ISF, dont la portée serait bien plus efficace et redistributive que la taxe Hollande à 75 % sur les très hauts revenus, dont le retour prochain a été promis après sa censure par le Conseil constitutionnel, le 29 décembre dernier.

Sébastien Crépel, L’Humanité

B) La majorité des Français ne cessent de s’appauvrir

Jamais notre pays n’a été aussi inégalitaire. Les 1 % des personnes les plus riches se gavent, «  avec des revenus repartis à la hausse depuis 2009  », selon le très officiel Insee, alors que le reste des Français ne cesse de s’appauvrir. Le niveau de vie médian a baissé de 0,5 % en euros constants en une seule année, pour s’établir à 1 610 euros, d’après les dernières statistiques… qui datent de 2010.

Tous les ménages situés sous cette barre ont connu une chute de leurs revenus. Pour les 10 % les moins fortunés, ils ont même diminué de 3,2 % par an entre 2008 et 2010, portant à 14,1 % la part de pauvres en France. En deux ans, ils sont passés de 7,8 millions à 8,6 millions. Nul doute que la barre des 10 millions a depuis été longtemps dépassée, sous le double effet de l’explosion du chômage et des politiques austéritaires.

Premières victimes, les retraités, mais surtout les enfants. «  En 2010, 19,6 % de la population des moins de 18 ans vivent dans une famille en situation de pauvreté, alarmait, lundi, un avis du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Tout laisse à penser que la hausse s’est poursuivie en 2011 et 2012  : on peut craindre que le nombre d’enfants pauvres en France ne soit aujourd’hui proche de 3 millions.  » Un chiffre vertigineux, à ajouter à la hausse de 50 % du nombre de personnes sans domicile depuis 2001, avec 141 500 SDF recensés en 2012.

C) « Les dividendes sont protégés » (Michel Husson)

Pour l’économiste Michel Husson, les super-riches ont les moyens de résister à la crise.

Comment peut-on avoir une augmentation 
des revenus 
du patrimoine 
des plus grandes fortunes de France, alors même que l’économie française est en récession  ?

Michel Husson. Il y a trois éléments de réponse. On peut d’abord aller voir du côté des comptes des entreprises. Paradoxalement, depuis le début de la crise, la part des profits des entreprises qui va aux dividendes augmente. Quand on regarde les évolutions, les dividendes ont un 
peu baissé en 2009, un peu aussi 
en 2010, mais ensuite ils ont rattrapé leur creux. Il y a une résilience terrible des dividendes, ils sont protégés. 
Le deuxième privilège 
dont bénéficient les grandes fortunes, c’est de ne pas être imposées 
comme les citoyens lambda, car leurs immenses capacités d’optimisation fiscale leur permettent d’échapper à l’imposition maximale. C’est vrai également des multinationales, 
qui paient beaucoup moins 
d’impôt sur les sociétés que les petites et moyennes entreprises. L’optimisation fiscale permet aux patrimoines de grossir sans être redistribués au moins à la marge 
par l’impôt. Troisièmement, 
le contraste entre la santé de ce hit-parade de grandes fortunes et l’état de récession de l’économie française, c’est que les grands groupes français dont ils sont propriétaires réalisent 
la majorité de leur chiffre d’affaires hors de France.

Quelles solutions pourrait-on imaginer pour que les profits des entreprises financent l’investissement productif plutôt qu’une poignée de super-riches  ?

Michel Husson. La première grande méthode est la fiscalité. Ce qu’on constate ici, c’est que jusqu’à présent les politiques fiscales 
du gouvernement actuel sont inefficaces. La seule mesure symbolique en ce sens, la tranche d’impôt à 75 %, a été vidée de son contenu, vu les exemptions, et toute une série de niches d’optimisation fiscale n’ont pas été retoquées… Toutes les réformes qui pouvaient aller dans le bon sens sont rabotées pour devenir homéopathiques. 
La seconde méthode, c’est 
de prendre au mot le discours 
sur la compétitivité. Si la compétitivité-prix est un problème, il faut voir que, dans le prix d’un produit, il y a le coût du travail, mais aussi le coût du capital. Une grande partie de ce coût du capital est un profit financier illégitime. Si vraiment il y a un problème de prix, il faut ajuster sur les dividendes. Aujourd’hui on fait l’inverse  : on ajuste sur les salaires, mais aucune mesure n’est prise pour réduire réellement le poids des dividendes. C’est assez incroyable, au moment même où on nous dit qu’il faut faire des efforts, que le coût du travail est trop élevé… La mesure la plus significative est le crédit d’impôt compétitivité-emploi (Cice), qui légitime l’idée selon laquelle le premier problème est le coût du travail et laisse de côté le coût du capital. La loi prévoit un contrôle a posteriori de l’utilisation du Cice, mais qui n’est pas fléché, on distribue l’argent complètement à l’aveuglette. Cette absence de conditionalité marque l’absence de volonté de peser sur la répartition des revenus.

Propos recueillis par 
Marc Bertrand

D) Et le MEDEF pleure encore

Pour que les entrepreneurs soient mieux compris…

Les chiffres publiés par le magazine Challenges, qui évalue à 25 % en 2012 l’augmentation du patrimoine des grandes fortunes françaises, sont stupéfiants. D’autant plus démesurés que, la même année, la population connaissait la plus importante baisse du pouvoir d’achat depuis trente ans, 
le chômage battait des records, et 80 000 personnes de plus basculaient chaque mois dans la pauvreté. L’austérité est bien un mécanisme à deux vitesses qui écrase les droits et les ressources du plus grand nombre pour alimenter la croissance infernale des profits et des dividendes. Voilà pourquoi le Medef et les ultralibéraux réclament sans cesse une réduction des dépenses publiques, des salaires bloqués, des retraites repoussées et des services publics démantelés. C’est la vocation des discours sur la compétitivité si complaisamment relayés dans les allées du pouvoir. 25 % en un an… Là réside le choc de compétitivité, qu’on nous promettait  ! «  Il faut faire en sorte que les entrepreneurs soient mieux compris  », proclame

Bernard Arnault, propriétaire de LVMH. Et il ajoutait  : «  Pour redynamiser l’économie, il faut alléger les prélèvements  » et «  réduire significativement la dépense publique  ». Des efforts consistants, entamés par Nicolas Sarkozy et visiblement poursuivis, ont été accomplis l’année dernière 
et autorisent la première fortune de France 
à l’augmenter 
de 3,1 milliards d’euros en 2012. Continuons cet effort d’assimilation de l’expression patronale. Lorsque Serge Dassault dépose, le 8 juillet 2013, au Sénat, sa proposition de loi sobrement intitulée «  Réduire les charges sur les salaires des entreprises  », c’est qu’il juge que son 5e rang parmi les ultra-riches et les 2,9 milliards de croissance en un an sont indignes de lui. Quant à Gérard Mulliez, propriétaire d’Auchan, s’il déplore «  le manque de formation à l’économie de beaucoup de gens  », c’est qu’ils ne voient pas en «  la fiscalité, (le) premier frein à l’emploi  ». Placé en 3e position, voilà un homme ambitieux qui ne se résout pas à n’avoir engrangé que 1 milliard de plus. «  C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches  », écrivait Victor Hugo. Et l’on ne peut compter, comme veut le faire croire le ministre des Finances, Pierre Moscovici, sur une autorégulation des seigneurs des marchés.

Ces chiffres dévoilent l’appel au sacrifice 
des Français et l’obligation des politiques de rigueur comme des impostures. La seule augmentation des dix plus grandes fortunes en 2012 suffirait à éponger le déficit du régime des retraites à l’horizon 2020 et représente 2,4 fois ce que le dernier plan du gouvernement français envisage de consacrer à l’investissement dans l’industrie durant les dix prochaines années. Combien d’emplois ont été détruits par 
cet accaparement et combien pourraient être créés s’il y était mis un terme  ? Si les gouvernants d’ici et d’ailleurs en Europe restent «  sourds comme l’oreille d’une cloche  », selon le mot de Paul Éluard, il n’est pas certain qu’ils puissent continuer, imperturbables, sur la même voie. L’abattement populaire rencontre des limites…

Patrick Apel-Muller, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message