France : Langues multicolores

mardi 7 mai 2013.
 

La chronique de Francis Combes et Patricia Latour

La France compte un certain nombre de langues minoritaires, qui n’ont pas toutes le même statut. Longtemps a sévi l’idée que les langues régionales menaçaient le français. Et, pour le processus d’unification nationale entrepris par la royauté et parachevé par la République, cela n’était pas sans quelque raison. Le fait que beaucoup d’habitants, jusqu’au début du XXe siècle, ne parlaient pas français entravait la communication et la diffusion des idées. Ce « jacobinisme » linguistique a pu être paradoxalement relancé, ces derniers temps, par réaction à la politique qui cherche à imposer l’Europe des régions, au détriment de l’unicité de la nation.

Les langues régionales ont beaucoup reculé, mais certaines sont encore couramment parlées par d’importants groupes de locuteurs. C’est le cas de l’alsacien ou du bas allemand en Moselle, du corse, du basque ou du catalan. Pour l’occitan, le breton dans ses diverses variantes ou le picard, la situation paraît plus problématique. Même si des efforts non négligeables sont faits pour les revivifier. Mais ce ne sont pas les langues régionales aujourd’hui qui menacent le français. Au contraire, leur défense et leur promotion sont un des aspects de la défense de la diversité de notre langue et de notre culture. Il y a longtemps que des communistes se sont préoccupés du sort de ces langues.

Marcel Cachin, qui fut directeur de l’Humanité, avait fondé l’association des Bretons émancipés et le journal War sao (opposé au courant réactionnaire et parfois fascisant du mouvement breton d’avant-guerre). En 1947, il avait proposé un projet de loi qui, très affaibli, aboutira en 1951 à la loi Deixonne sur les langues régionales.

Il y a aussi en France d’autres langues parfois parlées par des millions de personnes. Ce sont les langues de l’immigration  : arabe, amazigh, portugais, soninké, wolof, mandarin, hindi… Il est bien sûr essentiel pour tous les enfants issus de ces immigrations d’apprendre à maîtriser le français, mais la langue des parents (à laquelle on tourne parfois le dos) fait partie de leur patrimoine. Ces langues sont souvent les langues du territoire intime, familial, amical, parfois les langues du chant ou de la poésie. Pour ceux qui ont été élevés en contact avec plusieurs langues, c’est un enrichissement et une chance. Leur enseignement ne devrait d’ailleurs pas, contrairement à ce qui se passe souvent aujourd’hui, être réservé aux enfants de l’immigration. Au contraire du pauvre bilinguisme (franco-anglais) qu’on tente de nous inculquer de force, cette diversité multicolore est une chance pour le pays tout entier.


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