Marine Le Pen en plan com devant un camp rom

lundi 29 avril 2013.
 

La patronne du Front national a organisé une conférence de presse « en situation » dans l’Essonne. Quinze minutes dans une mise en scène au service de ses habituelles sorties sur « l’immigration illégale ».

Par CHARLOTTE ROTMAN

Marine Le Pen a donné rendez-vous ce jeudi aux journalistes, dans une zone industrielle, à Wissous dans l’Essonne. Thème de la conférence de presse en plein air : les Roms. A la limite, pas la peine de se déplacer pour connaître le discours cent fois répété de la patronne du Front national : il est question de la délinquance qui explose, d’une France trop accueillante avec les illégaux, de la faute de l’Europe, ad nauseam...

« Je viens poser les problèmes »

Mais cela aurait été dommage de rater la mise en scène. Un pupitre installé devant une route, en plein soleil. Derrière, le décor : un tas d’ordures, un monticule de terre et quelques caravanes. Des gros bras habillés de sombre sont déployés autour d’elle. Marine Le Pen est aux abords d’un camp de Roms où elle ne mettra pas les pieds. Combien sont-ils à vivre ici, depuis combien de temps, d’où viennent-ils ? Elle n’en sait rien et s’en moque. Ils sont ses alibis en chair et en os. Elle dénonce « le déferlement de l’immigration clandestine », « les nomades qui font une razzia » en France, et prend pitié des Français qui sont « submergés ». Elle parle fort, les mots sont biens choisis pour sonner aux oreilles des « compatriotes effarés » ; elle prétend avoir des « solutions » pour que la France ne soit plus un « dépotoir » : comme la sortie de l’Europe ou la fermeture des frontières. Pourquoi se priver des grosses ficelles ? Ses mots sont lancés comme des boulets de canon. Cela va vite.

Autour d’elle et des caméras, des Roms se sont approchés. Ils l’écoutent mais seuls quelques-uns parlent français. Trois jeunes filles s’arrêtent. Un couple passe avec une poussette. Marine Le Pen ne leur adresse pas un mot, pas un regard. De toute façon, la conversation ne colle pas avec son plan com. Elle ose : « Je ne stigmatise personne. Je parle de la réalité. » A l’écouter, elle seule a ce « courage ». « Je suis partout en France chez moi. Je viens poser les problèmes, sinon personne ne le fait. » A ses côtés, son lieutenant Florian Philippot approuve en souriant. Ils ont l’air tous deux très contents de leur opération.

« On n’entend pas beaucoup ceux qui sont solidaires »

Un quart d’heure après son arrivée, elle s’engouffre dans une voiture avec son staff et repart. Les Roms de ce campement qui compte 120 personnes n’ont pas tout compris. Ils ne la connaissent pas. Ils ont même eu peur au début. Des habitants qui ont l’habitude de leur rendre visite ont alerté le curé qui veille sur eux. Ces gens-là n’ont pas de pupitre, pas de micro. « On entend beaucoup ceux qui sont contre les Roms, pas beaucoup ceux qui sont solidaires, relève le curé, Frédéric Gatigneau. Ce ne sont pas des profiteurs. »

Dans le camp qui a servi malgré lui de faire valoir à l’extrême droite, les Roms vaquent maintenant à leurs occupations. Un bébé fait la sieste à l’ombre. Du linge sèche. « La France, c’est bien ; en Roumanie, il n’y a pas à manger », confie une jeune femme. Une autre s’inquiète de l’agitation. Une paroissienne habituée du campement tente de la rassurer : « C’est une femme politique qui est venue. Elle n’aime personne. Ne t’inquiète pas. » La berline de Marine Le Pen est déjà bien loin.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message